Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
U

Utrecht (suite)

Quatrième ville des Pays-Bas, la capitale provinciale doit beaucoup à son passé et à sa situation géographique. Une longue tradition urbaine a fixé les fonctions religieuses (archevêché), culturelles (université), administratives et commerciales (marché agricole, notamment de bestiaux ; commerce de gros et de détail), et la position centrale de la ville sur le territoire néerlandais a fait de celle-ci un carrefour de voies de communication, particulièrement valorisé par le chemin de fer : la gare d’Utrecht est celle des Pays-Bas d’où part chaque jour le plus grand nombre de trains de voyageurs. Les activités de la ville s’exercent à plusieurs niveaux, celle-ci est, d’une part, le centre de services incontesté de la majeure partie de la province et d’une fraction de la Gueldre limitrophe ; mais elle remplit aussi un rôle suprarégional, national et international grâce à ses fonctions culturelles (avec, par exemple, ses écoles, vétérinaire, de peinture, de journalisme), à la présence des administrations des chemins de fer et des forêts, à la renommée de sa foire industrielle internationale (créée en 1917), qui se tient deux fois par an dans le nouveau palais des congrès construit près de la gare en 1970. La proximité d’Amsterdam ne lui a donc pas nui : dans le cadre polynucléaire du Randstad, la ville était bien placée pour accueillir des équipements tertiaires de haut niveau.

Les mêmes éléments ont joué pour l’industrie, malgré un passé historique moins riche, si l’on excepte le développement éphémère de la soierie à la fin du xviie s. Ici, les communications constituent le principal facteur explicatif : outre le chemin de fer, Utrecht dispose du principal carrefour néerlandais d’autoroutes, qui permet des relations très rapides avec l’Allemagne fédérale et les grands centres de l’ouest des Pays-Bas, ainsi que d’une voie d’eau d’excellente qualité, le canal d’Amsterdam au Rhin, qui lui a rendu une fonction quasiment perdue à la suite de l’envasement du Vecht à la fin du Moyen Âge. Parmi les industries actuelles, dont beaucoup n’existaient pas avant 1950, dominent les activités légères, appartenant à des secteurs très variés, dont la métallurgie (aciérie, constructions mécaniques), l’électrotechnique (Philips), la chimie, le textile, les industries alimentaires (traitement des produits tropicaux) et l’édition ; les implantations récentes se situent au nord-ouest de la ville, près du port fluvial, ou l’on trouve également les ateliers du chemin de fer et les centrales thermiques.

Les équipements tertiaires sont encore en majorité l’apanage du centre historique (qui possède une fonction hôtelière développée, à l’intention d’une importante clientèle de passage) et de sa bordure sud-ouest, de part et d’autre de la voie ferrée ; le campus universitaire, établi en pleine campagne à l’est de la commune, témoigne d’une tendance récente au desserrement. Alors que les 48 000 habitants de 1850 résidaient encore presque tous à l’intérieur des fortifications, un siècle de croissance urbaine a entraîné la création de nouveaux quartiers périphériques planifiés, sous forme de cités-jardins (au nord-est en particulier) et, plus récemment, de grands ensembles. Malgré l’extension des limites communales à plusieurs reprises au cours du xxe s., le territoire municipal est maintenant proche de la saturation, et la population de la ville stagne depuis 1970 ; l’expansion démographique se fait surtout désormais dans les communes voisines comme Maarssen, Maartensdijk et Jutphaas.

J.-C. B.


L’histoire de la ville

Sur le site d’un établissement primitif du nom de Trajectum ad Rhenum, les Romains construisent un fort appelé Albiobola, qui est inclus dans un ensemble défensif destiné à protéger la frontière septentrionale de l’Empire et qui subsiste jusqu’au iiie s.

Les Francs, à l’époque du roi Dagobert, y élèvent une église qui est sans doute le premier édifice chrétien dans cette région, mais les tentatives d’évangélisation restent sans succès. Il faut attendre la fin du viie s. et la victoire de Pépin de Herstal, maire du palais d’Austrasie, sur les Frisons pour voir le bénédictin anglo-saxon Willibrord (658-739) commencer, sous la protection du chef franc, la christianisation de la région.

Devenu évêque en 695, Willibrord fixe son siège épiscopal à Utrecht et, de là, évangélise presque toute la région septentrionale des Pays-Bas. Sous son épiscopat, Utrecht devient également un centre commercial et industriel important, en même temps que la capitale religieuse du pays.

Son apogée économique se situe aux xie et xiie s. ; ensuite son importance décroît au profit de villes nouvelles comme Amsterdam ou Dordrecht. Des troubles politiques contribuent aussi à éloigner les marchands, mais la ville conserve une industrie prospère, grâce surtout à ses manufactures de tissage.

Principauté ecclésiastique, elle lutte d’abord contre la Hollande et le Brabant pour préserver son indépendance, puis les bourgeois regroupés en puissantes corporations se soulèvent contre leur évêque et obtiennent d’importantes chartes communales en 1304 et 1341. Au xve s., l’autonomie de la principauté est compromise quand Philippe le Bon, duc de Bourgogne, obtient l’évêché pour son fils bâtard David, mais ce n’est qu’en 1528 que l’évêque Henri de Bavière renonce à son pouvoir temporel en faveur de l’empereur Charles Quint.

En 1559, la ville d’Utrecht est érigée en archevêché, mais, en 1577, ses habitants se révoltent contre les Espagnols, soutiennent la cause de la maison d’Orange et embrassent avec ardeur la religion calviniste. Le 23 janvier 1579, les sept provinces protestantes des Pays-Bas y signent l’« Union d’Utrecht », destinée à réaliser l’union de tous les protestants contre les Espagnols. Ce traité est considéré comme le véritable acte de fondation des Pays-Bas*.