Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
U

Utrecht (suite)

En 1636, une université calviniste, la plus importante des Pays-Bas, est fondée à Utrecht, où l’archevêché catholique subsiste cependant, et, à partir du début du xviiie s., le diocèse sert de refuge à maints jansénistes français persécutés dans leur pays. Sous l’influence de ces derniers, le chapitre élit en 1723 un évêque janséniste, que Rome excommunie (v. jansénisme). Dès lors et jusqu’à nos jours, Utrecht devient le centre de l’Église janséniste des « vieux-catholiques », bien que le pape y ait rétabli la hiérarchie romaine en 1853.

Le 11 avril 1713, la France signait à Utrecht le traité célèbre qui mettait fin à la longue guerre de la Succession* d’Espagne et qui consacrait pour deux siècles la prépondérance anglaise en Europe.

P. P. et P. R.


Utrecht, ville d’art

L’époque romane a laissé l’église Saint-Pierre (1048) et l’église Saint-Jean (1040-1054), qui est dotée d’un chœur gothique et d’une façade baroque. La ville s’entoure de murailles en 1122. Son monument principal, au centre de l’agglomération, est la cathédrale (Domkerk), d’abord dédiée à saint Martin, puis affectée au culte protestant. C’est un édifice gothique classique, qui s’apparente à la cathédrale de Soissons. Sa construction, commencée en 1254, s’est prolongée jusqu’en 1517 ; la nef, inachevée, haute de 33 m, s’écroula en 1674 à la suite d’un orage et ne fut pas relevée. De cet ensemble, qui reste le plus beau de l’architecture gothique aux Pays-Bas, subsistent le chœur avec deux chapelles et le transept ainsi que l’audacieux clocher de 110 m (1321-1382), qui a servi de modèle à Amersfoort, à Rhenen, à Maastricht.

Sont gothiques également les églises Saint-Nicolas (au chœur roman de 1131), Saint-Jacques (1173), Sainte-Gertrude (1260), la Buurkerk (basilique du xe s. reconstruite aux xive-xve s. avec sept nefs d’égale hauteur), Sainte-Catherine (xve-xve s.), église conventuelle devenue cathédrale. Parmi les édifices civils se signalent la « Paushuize », construite en 1517 pour le futur pape Adrien VI, originaire d’Utrecht, les maisons Oudaen (v. 1300) et Soudenbalch (1468), la maison de bienfaisance Maria Van Pallaes (1651).

À partir du xixe s. ont été construits de nouveaux quartiers résidentiels. Le mouvement De Stijl* fait sentir son influence au xxe s. : la Schröderhuis (1924) de G. T. Rietveld, originaire d’Utrecht, en est un des manifestes, mais l’hôtel des postes (1912-1924) et le théâtre (1938-1941, par W. M. Dudok) présentent le même jeu orthogonal des volumes.

La sculpture gothique, du moins ce qu’il en reste après la tempête iconoclaste de 1566, est d’une grande qualité, comme en témoignent le décor exécuté par Jacob Van der Borch dans une chapelle de la cathédrale (v. 1475) et, dans le chœur, des tombes comme celle de Guy d’Avesnes (1317), auxquelles succéderont des œuvres baroques au xviie s. (tombe de l’amiral Van Ghent).

Au xvie s., Utrecht acquiert une certaine importance en peinture avec Jan Van Scorel*, introducteur du classicisme italien aux Pays-Bas et maître d’Antoon Mor (Antonio Moro). Mais c’est vers 1615-1620 que se constitue une véritable école locale, sous l’impulsion des maniéristes Joachim Wtewael (1566-1638) et Abraham Bloemaert (1564-1651). Le second a pour élèves Paulus Moreelse (1571-1638), portraitiste et auteur de sujets mythologiques, Gérard Van Honthorst (1590-1656) et Hendrik Terbrugghen (1588-1629). Ces trois artistes séjournent en Italie, où les deux derniers, surtout, reçoivent l’empreinte du luminisme caravagesque : Honthorst méritera à Rome le nom de Gherardo delle Notti, avant de revenir, à Utrecht, à la manière claire du Caravage*, manière contrastée que cultivera également Terbrugghen. La qualité picturale et chromatique de ce dernier, appliquée à des sujets religieux ou à des figures de musiciens, ne sera pas sans conséquences sur les suites de la peinture hollandaise (Vermeer*).

Installé dans la chapelle à deux étages (1512-1516) et le réfectoire de l’ancien couvent de Sainte-Agnès ainsi que dans un troisième bâtiment, moderne, le Centraal Museum présente une importante collection de tableaux de l’école d’Utrecht, dont ceux de Jan Van Scorel, des témoignages de l’histoire et des arts décoratifs locaux ainsi qu’une collection d’antiquités romaines et germaniques. Aujourd’hui abrité dans les mêmes locaux, le musée archiépiscopal (bois sculptés des xve-xvie s., tableaux de primitifs hollandais, évangéliaires et objets d’art sacré) doit être transféré dans l’ancien couvent de Sainte-Catherine, après sa restauration. La ville possède bien d’autres musées encore, notamment le Musée néerlandais de l’or et de l’argent, celui de l’horlogerie et un musée d’Art moderne.

A. Z.

Utrillo (Maurice)

Peintre français (Paris 1883 - Dax 1955).


Parce qu’Utrillo, peintre de Montmartre, des vieilles églises et bâtisses de Paris et de sa banlieue, sut envelopper ses images d’innocence, ne pas les alourdir de trop de savoir-faire, on est tenté de le ranger parmi les « naïfs ». Mais cette classification ne résiste pas longtemps à l’analyse, qui fait découvrir chez lui une connaissance approfondie du rythme linéaire et des plus sensibles gradations de tons. Utrillo ne se montre-t-il pas dans maints tableaux un maître du trait incisif, implacable, donnant à ses masses une présence peu commune ? Et c’est peut-être dans ces peintures-là, sobres, un peu sèches, qu’il se met le mieux à l’unisson de ses thèmes, de leur ambiance mélancolique.

Fils naturel de Suzanne Valadon — son père n’est pas identifié avec certitude —, Utrillo est reconnu en 1891 par le peintre et écrivain espagnol Miguel Utrillo, qui ne gardera de contacts ni avec la mère, ni avec l’enfant. Élève turbulent, il est incapable de poursuivre ses médiocres études au collège et il ne s’adapte pas mieux, ensuite, aux divers métiers que son beau-père, Paul Moussis, essaie de lui faire apprendre. Mais, surtout, confié à la garde indulgente de sa grand-mère, il se laisse très tôt entraîner à boire. Ses crises de colère sont inquiétantes, et sa santé est menacée au point qu’il doit, à dix-huit ans, subir une première crise de désintoxication à l’hôpital Sainte-Anne. À sa sortie, sa mère l’oblige à faire l’apprentissage de la peinture, espérant l’éloigner de son penchant pour l’alcool. Brossées à partir de 1903 à Montmagny ou à Montmartre, les premières toiles d’Utrillo, aux couleurs contrastées, s’inspirent par certains côtés de l’impressionnisme, sans annoncer encore le remarquable peintre qu’il sera. Clovis Sagot ne tarde cependant pas à exposer Utrillo dans sa galerie, où, en 1909, le découvrira Libaude, un autre marchand, qui accaparera sa production en échange d’une modeste mensualité.