Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Tunisie (suite)

• 1051-52 : les Fāṭimides lancent sur l’Ifrīqiya les nomades Banū Hilāl, qui dévastent le pays dans de telles conditions qu’il restera ruiné durant huit siècles. Des villes sont détruites ; les cultures irriguées font place aux steppes à troupeaux ; la montagne se peuple de réfugiés ; les ports se rendent pratiquement indépendants. L’Ifrīqiya se disloque en principautés vassalisées par les Hilāliens.

• 1148-1160 : cette décadence attire les convoitises des Normands, qui, ayant déjà conquis la Sicile, occupent la côte de Sousse à Gabès.

• 1160 : le calife almohade du Maroc, ‘Abd al-Mu’min, chasse les Normands de l’rfrīqiya, qui devient une province administrée par un gouverneur résidant à Tunis.


Le royaume ḥafṣide de Tunisie (1229-1574)

• 1229 : le gouverneur d’Ifrīqiya, Abū Zakariyyā‘ Yaḥyā, rejette l’autorité de Marrakech et fonde la dynastie des Ḥafṣides*. Il occupe Constantine et Bougie en 1230, Alger et la vallée du Chélif en 1231, puis Tlemcen en 1242. À sa mort (1249), sa souveraineté s’étend jusqu’au Maroc septentrional.

• La Tunisie connaît alors un grand développement économique. Les républiques italiennes, la Sicile et l’Aragon entretiennent des colonies marchandes à Tunis, tandis qu’une forte immigration andalouse (musulmans et juifs) contribue à enrichir le patrimoine artistique, littéraire et religieux du pays.

• 1249-1277 : la prospérité de l’Empire ḥafṣide atteint son apogée sous Abū ‘Abd Allāh, qui, en 1253, prend le titre califien d’amīr al-mu‘minīn et le surnom d’al-Mustanṣir bi-llāh, sous lequel il est connu. En 1270, celui-ci repousse l’armée de Saint Louis, qui meurt sous les murs de Tunis (v. Louis IX).

• 1277-1318 : période de troubles et de scissions. Abū Isḥāq (1279-1283) détrône son neveu al-Wāthiq, fils d’Al-Mustanṣir, et, avec l’appui de Pierre III d’Aragon, étend son influence dans le Maghreb. Mais, après lui, l’Empire ḥafṣide se démantèle sous les coups des chrétiens et des tribus arabes. De nouveau, la Tunisie connaît la décadence économique.

• 1318-1346 : Abū Bakr, arrière-petit-fils d’Abū Zakariyyā’, reconstitue l’unité ḥafṣide, mais il est prisonnier de ses protecteurs marīnides.

• 1347-1350 et 1357-58 : intervention des Marīnides* en Tunisie.

• 1370-1394 : Abū al-‘Abbās restaure la puissance ḥafṣide en neutralisant les forces centrifuges qui dirigent alors l’Ifrīqiya.

• 1394-1434 : Abū Fāris, fils d’Abū al-‘Abbās, continue l’œuvre de son père ; son prestige est grand dans le monde musulman et jusque chez les chrétiens. En 1406, meurt le grand historien tunisien ibn Khaldūn*.

• 1435-1488 : Abū Amr ‘Uthmān, frère d’Abū Fāris, confirme la puissance ḥafṣide sur tout le Maghreb.

• 1488 : la mort d’Abū Amr ‘Uthmān marque la fin de la puissance ḥafṣide. Cette décadence, dont les conséquences marqueront l’avenir du pays, est liée à l’intervention de l’Empire ottoman et de l’Espagne, qui convoitent le détroit de Sicile.

• 1534 : Tunis est prise par Khayr al-Dīn (Barberousse).

• 1535 : Charles* Quint, appelé par Ḥasan (1526-1542), impose aux Ḥafṣides sa suzeraineté, ce qui provoque l’intervention des corsaires turcs Dragut et, Alī le Renégat, pacha d’Alger.

• 1556-1569 : ces corsaires s’emparent de Gafsa, de Kairouan et de Tunis.

• 1573 : Don Juan d’Autriche réoccupe momentanément Tunis.

• 1574 : les Turcs enlèvent Tunis. La Tunisie devient province ottomane.


La Régence de Tunis jusqu’à l’intervention française (1574-1881)

• Une administration turque est mise en place : un pacha représente le Sultan, tandis qu’un divan, formé par les officiers turcs, constitue le Conseil du gouvernement.

• 1590 : les chefs de la marine donnent le pouvoir à l’un des leurs, le dey, le pacha ne gardant que des fonctions honorifiques. Le pays connaît un renouveau économique grâce à la course et à l’activité des marchands marseillais, andalous, renégats et juifs.

• 1659 : l’un des beys (chefs de l’armée), Ḥammūda ben Murād († 1675), prend le pouvoir, emprisonne le dey et crée une dynastie héréditaire, les Murādides.

• 1705 : un autre bey, Ḥusayn ibn ‘Alī († 1740), renverse les Murādides et fonde la dynastie ḥusaynide, pratiquement autonome, tout en maintenant la fiction de la souveraineté ottomane sur la province, ou Régence de Tunis. La charge de dey est supprimée.

• Cependant, l’autorité du bey héréditaire ne dépasse guère, à l’origine, Tunis et les grandes villes, car l’insoumission des clans rivaux de l’intérieur est entretenue par Alger, Constantinople ou l’Europe : celle-ci (la France notamment) combat la course et la piraterie tout en développant des relations commerciales avec les ports tunisiens. Alliée à la Régence contre Alger, la France contrôle en fait le commerce tunisien (pêcheries de corail) ; en 1781, la Compagnie française d’Afrique fonde des comptoirs au cap Bon.

• Sous ‘Alī bey (1759-1782) et Ḥammūda bey (1782-1814), la conquête de l’intérieur est achevée par les Ḥusaynides, tandis que le rôle de la milice turque (janissaires) est battu en brèche par l’importance donnée aux mamelouks. Les janissaires se révoltent en 1811 et en 1816 : ils sont écrasés. Ḥammūda bey lègue à ses successeurs un pays relativement prospère et assez efficacement administré.

• Sous Maḥmūd bey (1814-1824) et sous son fils Ḥusayn (1824-1835), les intrigues de palais et l’avidité des notables conduisent de nouveau le pays au marasme, d’autant que l’interdiction de la course (1824), imposée par la France et la Grande-Bretagne, réduit considérablement les ressources financières du pays. La concurrence étrangère (industrie artisanale, huiles) devient très dure. Sur un pays décimé par les épidémies et la famine pèse une fiscalité très lourde. De plus, l’installation des Français en Algérie (1830) et la reconquête de Tripoli par les Turcs (1835) menacent directement l’autonomie de la Régence, réduite, d’autre part, à chercher à l’extérieur une aide contre la banqueroute.

• Turcs ou Français ? C’est la France qui se présente : Aḥmad bey (1837-1855) et son successeur, Muḥammad al-Ṣadūq (1859-1882), font appel à elle pour réorganiser l’armée et créer une première infrastructure de communications. Parallèlement, le droit français et le droit britannique sont introduits dans les institutions, voire dans les mœurs.

• Une grave révolte intérieure (1864), des emprunts ruineux (1863, 1865) obligent l’État tunisien à accepter la tutelle d’une commission financière anglo-franco-italienne, présidée par un Français — l’inspecteur Villet — et chargée d’assurer le paiement de sa dette (1869).

• L’emprise de plus en plus précise de la France sur la Régence est contrecarrée par l’influence commerciale britannique et par la présence en Tunisie de nombreux colons italiens.