Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

trigonométrie (suite)

Les premiers travaux mathématiques de François Viète sont relatifs à la trigonométrie. Son Canon mathematicus (1579) est une table des six lignes trigonométriques, classiques à son époque, calculées de minute en minute pour le rayon 100 000 (parfois avec une ou deux décimales en sus de la partie entière). C’est la première table complète de ce genre. Il est accompagné de formules pour la résolution des triangles plans et sphériques. Viète déclare d’ailleurs, vœu qui mettra longtemps à être exaucé et qu’il faut rapprocher des intentions de Simon Stevin (1548-1620) : « En mathématiques les soixantièmes et les soixantaines doivent être d’un usage rare ou nul. Au contraire, les millièmes et les mille, les centièmes et les centaines, les dixièmes et les dizaines et les progressions de même genre, ascendantes ou descendantes, doivent être d’un usage fréquent ou constant. » Mais surtout Viète, grâce à ses notations algébriques, peut donner les expressions toutes nouvelles des lignes des multiples d’un arc donné en fonction des lignes de cet arc. Il montre l’analogie profonde entre ces formules et celles du développement des puissances du binôme. Désormais, la trigonométrie, en tant qu’étude des lignes circulaires, et l’algèbre des polynômes se prêteront un mutuel appui.


Apparition des calculs logarithmiques

Les difficultés des calculs avec les grands nombres ont d’abord conduit les astronomes du xvie s. à l’utilisation de la prostaphérèse, aujourd’hui tombée en désuétude, qui ramenait par l’intermédiaire des lignes circulaires les produits de grands nombres à des sommes. Mais, avec John Napier*, baron de Merchiston (1550-1617), l’invention des logarithmes se révèle en l’occurrence le progrès décisif. C’est alors qu’apparaissent, à côté des anciennes « lignes trigonométriques naturelles », leurs logarithmes, ou « lignes trigonométriques artificielles ».


Les Temps modernes

Le xviie s., singulièrement avec sir Isaac Newton* (1642-1727), apporte l’outil très puissant du développement des fonctions circulaires, naturelles ou artificielles, tant directes qu’inverses, en séries entières.

Parmi la multitude des auteurs, c’est Leonhard Euler* (1707-1783) qui fonde véritablement la trigonométrie moderne. On lui doit l’usage actuel des minuscules latines a, b, c pour les côtés d’un triangle plan ou sphérique et des majuscules correspondantes A, B, C pour les angles opposés. Ses contributions à la trigonométrie sphérique sont rassemblées dans deux mémoires fondamentaux. Dans le premier (1753), Euler part du fait que, sur la sphère, les géodésiques sont les grands cercles et il utilise en conséquence la théorie des extrémums. Il trouve ainsi les dix relations qui existent entre les éléments d’un triangle sphérique rectangle (analogies de Neper). Puis il étend ces relations aux triangles quelconques et en tire habilement usage dans la résolution des triangles. Plus tard, en 1779, il trouve délicat de fonder un chapitre des mathématiques élémentaires sur des considérations transcendantes. Il montre alors que l’on peut arriver au but en utilisant le trièdre associé au triangle sphérique et en admettant pour sommet le centre de la sphère. Ce travail est le premier qui, de trois relations fondamentales tirées de la figure, déduit tout l’appareil des formules que l’on trouve aujourd’hui dans les traités de trigonométrie.

Cependant, la contribution fondamentale d’Euler est son étude des fonctions circulaires. Le rayon étant pris pour unité, ces fonctions sont les anciennes « lignes trigonométriques », données non plus par des considérations géométriques, mais par leurs développements soit en séries entières, soit en produits infinis. Ces fonctions forment avec les fonctions exponentielles et leurs inverses les fonctions logarithmes, nos fonctions transcendantes élémentaires. Les analogies entre fonctions circulaires et fonctions exponentielles sont mises à profit par Euler avec une audace dont les intuitions géniales ne seront jamais démenties en ce domaine. Désormais, l’étude des fonctions trigonométriques trouve ses fondements dans l’étude générale des fonctions.

J. I.

 J. Müller, De triangulis (Nuremberg, 1533 ; trad. angl. Regiomontanus on Triangles, Londres, 1967). / A. von Braunmühl, Vorlesungen über die Geschichte der Trigonometrie (Leipzig, 1900-1903 ; 2 vol.). / R. Campbell, la Trigonométrie (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1955 ; 4e éd., 1967). / P. Dedron et J. Itard, Mathématique et mathématiciens (Magnard, 1960).


Deux grands noms de la trigonométrie


Ménélaos ou Ménélaüs d’Alexandrie,

astronome et mathématicien grec (seconde moitié du ier s. apr. J.-C.). Il écrivit un ouvrage, que l’on n’a pu retrouver, sur le calcul des cordes dans le cercle ainsi qu’un traité en trois livres, les Sphériques, qui nous est parvenu par la tradition arabe. Le premier livre de cet ouvrage fonde la géométrie sphérique en donnant un rôle privilégié aux grands cercles. Le deuxième est purement astronomique. Le troisième crée la trigonométrie sphérique, fondée sur les deux théorèmes dits « de Ménélaos », l’un relatif au plan, l’autre, qui en découle, à la sphère. Le théorème plan de Ménélaos a joué un rôle fondamental dans la théorie très ultérieure des transversales, et la proposition sphérique est restée pendant plusieurs siècles la clé de voûte de la trigonométrie sphérique.


Regiomontanus (Johannes Müller, plus connu sous le nom de),

astronome et mathématicien allemand (près de Königsberg, Franconie, 1436 - Rome 1476). Élève à Vienne de Georg von Peuerbach (1423-1461), il produisit de bonnes éditions manuscrites des grands astronomes grecs ainsi que des œuvres de son maître. Son principal ouvrage, De triangulis omnimodis, est écrit vers 1464, mais publié, longtemps après sa mort, à Nuremberg en 1533. Si ce livre doit beaucoup à la tradition gréco-arabe, il est, dans l’exposition, d’une profonde originalité et fonde la trigonométrie occidentale.