Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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travailliste (parti) (suite)

L’année 1918 marque un triple tournant dans la vie du Labour Party. D’abord, une nouvelle constitution est votée par laquelle le parti se dote d’une organisation solide ; des sections locales sont prévues dans chaque circonscription (jusque-là, il n’y avait que des adhérents collectifs : syndicats et sociétés socialistes ; maintenant s’y ajoutent d’une part des adhérents individuels, d’autre part des groupes de coopérateurs). En second lieu, le programme devient franchement socialiste : l’article 4 de la constitution prescrit comme objectif la collectivisation des moyens et instruments de production. Enfin, aux élections de 1918, le parti devance par ses suffrages et par ses élus les libéraux d’Asquith : pour la première fois, il forme l’opposition officielle.

Un nouveau pas en avant est franchi après les élections de 1923. En effet, c’est le Labour Party qui est chargé de former le gouvernement sous la direction de Ramsay MacDonald (redevenu leader en 1922). Si ce ministère ne dure que quelques mois en raison de sa fragilité (gouvernement de minorité, il doit compter sur l’appui des libéraux), il n’en reste pas moins qu’un fait décisif est intervenu : le travaillisme s’est substitué au libéralisme comme seconde grande force politique de la Grande-Bretagne. En 1929, les travaillistes, devenus le groupe parlementaire le plus nombreux, reviennent au gouvernement avec MacDonald. Cette fois-ci encore, il leur faut faire appel à l’appoint des voies libérales, et leur administration coïncide avec la crise économique mondiale. Aussi, devant la gravité de la situation financière en août 1931, MacDonald décide-t-il de former un cabinet d’union nationale avec les conservateurs et les libéraux. Du côté travailliste, on crie à la trahison, et le leader du parti n’entraîne avec lui que quelques transfuges. Néanmoins, la scission, survenant après les déboires de l’expérience de gouvernement travailliste, provoque un recul catastrophique aux élections de l’automne de 1931. Ce schisme laissera des traces durables dans les mémoires. Au cours des années 1930, on assiste à un travail patient de reconstruction du mouvement, face aux menaces de la dépression et du chômage à l’intérieur, du fascisme et de la guerre à l’extérieur.

En mai 1940, lorsque Churchill forme son gouvernement de coalition, il fait appel sans hésitation aux travaillistes. Ceux-ci reçoivent d’importantes attributions et contribuent avec énergie à la victoire commune.


Le travaillisme depuis 1945

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, un puissant mouvement d’opinion porte aux affaires le Labour Party, qui, cette fois, se trouve disposer d’une majorité parlementaire solide. Sans doute faut-il faire face à des tâches immenses : la démobilisation et la reconstruction, la remise en ordre de la production et des échanges et surtout la réalisation des promesses faites aux électeurs. Mais le gouvernement travailliste, présidé par Attlee et composé de fortes personnalités (Bevin, le syndicaliste, aux Affaires étrangères ; Stafford Cripps [1889-1952], le « chancelier de fer », à l’Échiquier ; Herbert Morrison [1888-1965], l’organisateur du parti), est en mesure de réaliser un vaste programme de réformes : d’où la nationalisation des grandes industries de base et des transports (mines, chemins de fer, électricité), un régime très complet de sécurité sociale, un système national de santé entièrement gratuit. C’est le triomphe de l’« État providence » (Welfare State).

Sur le plan extérieur, le gouvernement Attlee allie certaines positions très classiques (l’alliance anglo-américaine maintenue comme un dogme face aux tensions issues de la guerre froide à Berlin ou en Corée) et des initiatives audacieuses sur le plan de la décolonisation : l’indépendance accordée à l’Inde (1947) inaugure une ère nouvelle pour le Commonwealth.

Toutefois, à partir de 1950, la situation des travaillistes se détériore. Leur majorité est sortie si réduite des élections de février 1950 qu’elle ne peut plus rien entreprendre comme législation au Parlement. Les difficultés économiques assaillent le pays à un moment où l’opinion, lasse des restrictions alimentaires et de l’austérité, aspire à plus de bien-être. De surcroît, des dissensions internes, soulignées par la démission de plusieurs ministres (Aneurin Bevan, Harold Wilson), jettent le trouble dans les rangs du parti, qui est battu aux élections de 1951.

C’est le début d’une longue phase dans l’opposition qui dure jusqu’en 1964. Les divergences s’aggravent à l’intérieur du mouvement : la gauche, menée par Bevan, se dresse contre les modérés, qui contrôlent la direction du parti et des syndicats. Et les échecs électoraux de 1955 et de 1959 viennent ajouter au désarroi. Finalement, c’est Harold Wilson* qui, en 1963-64, après la mort de Gaitskell, réussit, grâce à sa position de centre gauche, à son habileté tactique et au mot d’ordre de la « révolution scientifique », à refaire l’unité entre les diverses tendances et à insuffler la confiance. Victorieux aux élections de 1964 et confirmés au pouvoir en 1966, les travaillistes dirigent le gouvernement pendant six ans, de 1964 à 1970. Cependant, le cabinet Wilson, affronté à de multiples difficultés monétaires, économiques et diplomatiques, enregistre de sérieux déboires : dévaluation de la livre, rupture avec la Rhodésie, veto français sur le Marché commun, troubles d’Irlande du Nord. Contrairement aux promesses, le taux de croissance reste médiocre. Sur le plan social, lorsque le gouvernement tente de remédier au mauvais état des relations industrielles par une réglementation des conflits du travail, il rencontre l’opposition résolue des syndicats. En 1970, les conservateurs reprennent les rênes. Cependant, Wilson conserve sa position de leader du parti et c’est lui qui redevient Premier ministre en mars 1974 au milieu de la crise économique et politique qui secoue le pays. Il démissionne brusquement en mars 1976, laissant le pouvoir à James Callaghan.

F. B.