Thomire (Pierre Philippe) (suite)
L’esprit du siècle évoluait vers un dépouillement inspiré de l’archaïsme antique. Les artistes revenus de Rome, architectes comme Jacques Gondoin (1737-1818), peintres comme Joseph Marie Vien (1716-1809) et surtout David*, prétendaient retrouver la grandeur « étrusque ». Thomire subit leur influence. La Révolution passée, pendant laquelle il fabriqua des armes, le Consulat rendit à ses ateliers une vitalité croissante en lui commandant les éléments nécessaires à remeubler les palais nationaux dévastés : lustres, flambeaux, girandoles, surtouts de table, ornements des meubles. L’Empire fomenta cette activité : la manufacture compta jusqu’à huit cents praticiens. On voit donc que Thomire se trouva amené à transformer la profession, jusqu’alors artisanale, en industrie, mutation qu’avait condamnée sous Louis XVI la communauté des fondeurs ciseleurs en la personne de François Thomas Germain*. Sur le plan technique, Thomire, s’il n’est pas l’inventeur du bronze mat, qui s’obtient en plongeant la pièce de bronze doré chaude dans un bain acide, en est du moins le propagateur. Le brunissage (polissage) des reliefs luisants en reçoit un éclat plus vif.
Les musées français, particulièrement Malmaison, Compiègne et Fontainebleau, conservent nombre d’objets de l’ère impériale sortis des ateliers du maître. Les bronzes du bureau de Joséphine, exécuté par les frères Jacob* vers 1800 et conservé à Malmaison, comme les sphinges portant la table, un peu plus tardive, qui voisine avec ce beau meuble, sont l’œuvre de Thomire. Ceux du grand écrin à bijoux que l’empereur commanda en 1810 pour Joséphine et qu’il offrit à Marie-Louise, conservé à Vienne, sont d’une aussi parfaite qualité. Thomire a pris part aux expositions des « Produits de l’industrie » de 1806 et de 1809, emportant dans ces deux compétitions la médaille d’or. Il est remarquable que ce soit à ce ciseleur que le gouvernement impérial ait commandé la fameuse maquette d’une fontaine de l’éléphant dressée en 1811 à l’emplacement de la Bastille. Cette fontaine fut détruite en 1846. Son auteur avait cessé toute activité en 1823, à soixante-douze ans.
G. J.