Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
T

Thomas (Dylan) (suite)

Apprenant d’abord son art au contact d’écrivains comme sir Thomas Browne (1605-1682), De Quincey, Blake, les imagistes, Poe, Keats, Lawrence, qu’il imite pêle-mêle, D. Thomas découvre peu à peu la « substance des mots » et s’en enivre. « Ce que j’aime faire, dit-il, c’est de traiter les mots comme un artisan travaille son bois ou sa pierre, les tailler, sculpter, façonner, torsader, polir, raboter en motifs, accords, sculptures, fugues de sons exprimant quelque élan lyrique, quelque doute ou conviction spirituels, quelque vérité confusément entrevue que je dois essayer d’atteindre et de comprendre » (« Dylan Thomas’ Poetic Manifesto », Texas Quaterly, 1961). En même temps, il laisse la poésie jaillir de ses propres entrailles, et de cette conjonction, parfois source d’obscurité (« Altarwise by Owl-Light »), naît aussi le pur et intense chant poétique de « Poem in October », de « A Refusal to mourn... », de « This Side of Truth », de In Country Sleep de « A Winter’s Tale », de « In My Craft or Sullen Art »..., sans oublier, bien entendu, le fameux « Fern Hill ». Une manière qui rappelle quelquefois l’écriture automatique et certain aspect de l’imagination re-créatrice pourraient emmener à associer le nom de D. Thomas à celui du surréalisme, mouvement sans grand impact en Grande-Bretagne, si l’on excepte David Gascoyne (né en 1916) et George Granville Barker (né en 1913), qui fit à D. Thomas l’hommage d’un poème, « Epistle I ». Mais, chez le poète, ordre et intelligence restent les mots clés, et, quant aux images, « avant qu’elles atteignent le papier, il faut qu’elles passent à travers toutes les opérations rationnelles de l’intelligence ». D. Thomas reproche même aux surréalistes de ne pas façonner les mots — « pour eux le chaos est la forme de l’ordre » — et de croire que tout ce qu’ils sortent de leur inconscient offre valeur et intérêt. Selon lui, le travail du poète nécessite un choix, une sélection, ce qui jette un jour nouveau sur son œuvre, où il apparaît que la réflexion tient une place plus importante qu’on ne le soupçonnerait de prime abord, sans, toutefois, qu’on puisse parler « d’intellectualisme », à la manière de T. S. Eliot, malgré une similitude de technique dans « A Refusal to mourn the Death by Fire of a Child in London », par exemple, ou de William Empson (né en 1906), dont il se moque d’ailleurs — avec les poètes anglais du jour — dans The Death of the King’s Canary, écrit en 1942 avec J. Davenport — un peu à la façon de W. Lewis — et non publié pour des raisons évidentes. D. Thomas ne se place ni parmi les poètes savants et érudits, ni parmi les politiques, comme Cecil Day Lewis (né en 1904), Stephen Spender (né en 1909) ou Louis MacNeice (1907-1963). Son fond, il le puise, selon ses propres dires, dans les comptines, les contes folkloriques, les ballades écossaises, Blake, « l’incomparable..., l’inimitable », la Bible, Freud et, bien entendu, le J. Joyce des Dubliners pour les nouvelles. Son ivresse des mots, devenant pour lui ce que « [...] les notes, les cloches, les sons des instruments de musique, les bruits du vent, de la mer, de la pluie [...] pourraient [...] être pour quelqu’un sourd de naissance, qui a miraculeusement recouvré l’ouïe », s’accorde avec ses grands thèmes favoris. On y retrouve la nature, l’homme, avec tout le symbolisme et les images attenants qui mettent le poète dans la lignée d’Hopkins*. « Before I knocked », « Light breaks where no Sun shines », « I Dreamed My Genesis » ou « If My Head hurt a Hair’s Foot », par exemple, prennent l’homme au moment même de sa vie prénatale, de sa naissance, instant où, déjà, la mort prépare sa destruction. Avec son agent, le temps. Tous deux à l’omniprésence obsédante. Au centre de « After the Funeral », de « A Refusal to mourn... », de « The Ceremony after a Fire Raid ». Qui s’inscrit en filigrane dans « The Force that through the Green Fuse... » ou « Especially when the October Wind ». Que font resurgir encore les poèmes anniversaires comme « Twenty-Four Years », « Poem in October » ou « Poem on His Birthday ». Lui qui proclame que « la joie et la fonction de la poésie sont [...] la célébration de l’homme, qui est aussi la célébration de Dieu », et pour qui les morceaux de « In Country Heaven », inachevé, constituent des « poèmes à la louange du monde de Dieu par un homme qui ne croit pas en Dieu », n’entrevoit pas d’au-delà en dehors de la perpétuation de l’humanité, dont témoigne « And Death shall have no Dominion ». De même, l’amour n’occupe guère de place dans l’univers de D. Thomas. Ou plutôt, chez lui, il prend le sens de sexualité, dans un contexte strictement physique, ne craignant pas de choquer par la crudité de son expression (« My Hero bares his Nerves », « Our Eunuch Dreams », « From Love’s First Fever », « Into her Lying down ») ou la gaillardise de sa verve (Under Milk Wood). Mais, par-delà les outrances valant à Dylan Thomas maintes fois l’étiquette de pornographe, derrière le voile de la provocation et du pessimisme brillent toujours ces merveilleux poèmes sur l’enfance et l’adolescence dans un monde d’innocence et d’ambiguïté : « I see the Boys of Summer », « The Hunchback in the Park », « This Side of the Truth », « Why East Wind chills » ou « Fern Hill », qui exaltent ces jours que toute sa vie Thomas sembla regretter, « ces jours blancs d’agneau » à jamais enfuis.

D. S.-F.

 A. R. Tellier, la Poésie de Dylan Thomas. Thèmes et formes (P. U. F., 1964). / C. Fitzgibbon, The Life of Dylan Thomas (Londres, 1965). / C. Emery, The Word of Dylan Thomas (Londres, 1971).

Thomire (Pierre Philippe)

Ciseleur français (Paris 1751 - id. 1843).


Si Pierre Gouthière* est, dans l’art du bronze d’ameublement, le représentant supérieur du goût et du style « Louis XVI », Thomire, qui fut son élève, est celui du goût et du style « Empire ». Dès ses débuts dans la carrière, il s’était fait remarquer : c’est à lui qu’en 1775 l’administration royale commanda les ornements de bronze du carrosse du sacre de Louis XVI, dont l’ornemaniste Jean Louis Prieur avait fourni le dessein. L’année suivante, il exécutait — fonte et ciselure — le célèbre Écorché de Houdon*, sur lequel on a longtemps étudié l’anatomie à l’École nationale des beaux-arts. Quand s’éteindra Duplessis en 1783, Thomire sera choisi pour diriger l’atelier de sculpture de la manufacture royale de Sèvres*. Le maître justifia cette distinction en produisant les admirables montures des vases de porcelaine : le musée du Louvre en expose un témoignage, le grand vase du type « Médicis » ceinturé d’une frise et muni de deux cariatides formant les anses. En 1787, Thomire exécuta les ornements de bronze de l’armoire à bijoux de Marie-Antoinette, commandée par la Ville de Paris à l’ébéniste Jean Ferdinand Schwerdfeger (palais de Versailles). Il s’y montre le disciple de Gouthière, ciselant une frise délicate et quatre cariatides du goût pompéien le plus pur. Il est aussi l’auteur de l’armoire à bijoux de Marie Josèphe de Savoie, comtesse de Provence, que conserve le palais de Windsor.