Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Thaïlande (suite)

L’histoire

L’histoire de la Thaïlande est profondément marquée par les conditions géographiques qui font de la contrée une zone de passage et le lieu de rencontre de tous les courants traversant la péninsule indochinoise. Elle paraît caractérisée : sur le plan économique, par la conquête progressive de la plaine agricole du bassin inférieur du Ménam ; sur le plan politique, par le rôle croissant des ethnies thaïes, aboutissant à l’unification du pays au profit des dynasties d’Ayuthia, puis de Bangkok ; sur le plan religieux, par une constante prépondérance du bouddhisme. Aussi remarquables sont, au xixe s., le maintien de l’indépendance nationale face aux entreprises coloniales des puissances occidentales et la modernisation graduelle du royaume. Si, depuis une quinzaine d’années, des problèmes se posent avec une acuité accrue, ils résultent autant de la conjoncture internationale que de difficultés internes.

Les Thaïs*, qui ont donné leur nom au pays, n’interviennent dans l’histoire politique qu’à partir du deuxième quart du xiiie s. Ces populations non chinoises s’étaient établies avant l’ère chrétienne dans la Chine méridionale (Guangdong [Kouang-tong], Guangxi [Kouang-si], Guizhou [Kouei-tcheou]), sans rapports directs avec le royaume de Nanzhao (Nan-tchao), contre l’opinion longtemps admise ; une lente migration en direction du sud-ouest devait les conduire, par le nord du Viêt-nam et le Laos, jusqu’à la région s’étendant du nord du bassin du Ménam au Mékong. Des chefferies y sont organisées aux xie-xiie s., et la première mention des Thaïs « Syām » (les Sien des auteurs chinois, les Siamois des Occidentaux) apparaît dans l’épigraphie du Champa* dès 1050. Leur accession à l’indépendance et leurs rapides progrès au cours du xiiie s sont favorisés par l’affaiblissement de la puissance angkorienne et hâtés, après 1280, par la menace née de la poussée mongole dans l’Asie du Sud-Est.


La préhistoire et la protohistoire

Grâce aux recherches conjuguées des services archéologiques de Thaïlande et d’organismes scientifiques étrangers, la révélation, surtout à partir de 1960, de la richesse et de la diversité de la préhistoire thaïlandaise a profondément modifié la connaissance du passé de la péninsule indochinoise. Alors qu’il avait été admis que la Thaïlande n’avait connu qu’une activité fort réduite jusqu’aux v-vie s. apr. J.-C., le très long passé qui nous est aujourd’hui dévoilé atteste la densité de peuplements très anciens, l’importance traditionnelle des grands axes de communication et une réelle originalité des cultures. Les sites les plus importants et les plus nombreux paraissent localisés dans l’Ouest (bassin du Mékhlong, péninsule Malaise) et dans les provinces du Nord et du Nord-Est. Si les dates fournies par les tests (C 14, thermoluminescence) semblent parfois étonnamment hautes au regard des chronologies indiennes et chinoises, il n’en reste pas moins qu’une séquence continue relie le Paléolithique (galets aménagés des provinces de Kanchanaburi et de Chieng Rai) à la protohistoire. Le Mésolithique (outillage partiellement poli) paraît associé à des restes humains d’affinités austro-mélanésiennes (peut-être avec traits protomalais) et est présent dans les provinces du Nord, de Lopburi, de Kanchanaburi et de Ratburi. Le Néolithique, reconnu dans plus de quarante provinces, témoigne des progrès du peuplement et une nette différenciation des cultures (outillage lithique, abondance et diversité de la céramique, pratiques funéraires, habitat). À Non Nok Tha (prov. de Khon Kèn) sembleraient apparaître dès le IVe millénaire (?) la riziculture, la domestication des bovidés et une industrie du bronze qui serait la plus ancienne de l’Asie méridionale et de l’Asie orientale (?). Le bronze « final », de type dongsonien, est assez largement représenté (env. 500-200 av. J.-C.). Caractérisées par l’apparition du fer et l’usage de tissus de chanvre, les nécropoles de Lopburi Khao et de Khao Khi Phoi (prov. d’Uthai Thani) semblent conduire jusqu’à l’aube de la période historique.


L’histoire avant les Thaïs

Les débuts de cette période, fort pauvres en documents épigraphiques, ne peuvent être reconstitués que par bribes, grâce surtout aux sources extérieures et aux renseignements fournis par l’archéologie. La tradition bouddhique rapportant l’envoi par Aśoka de missionnaires à Suvannabhumi (la « Terre de l’or », probablement la basse Birmanie et l’ouest du bassin du Ménam) en même temps qu’à Ceylan, vers 250 av. J.-C., quoique souvent mise en doute, n’est peut-être pas dénuée de tout fondement et serait le plus ancien témoignage sur l’activité de la région. Au début de l’ère chrétienne, la même contrée est mentionnée chez les auteurs grecs et latins ; au iiie s. apparaissent dans les textes chinois les allusions au commerce transitant par le nord de la péninsule Malaise. Y existent des royaumes indianisés aux localisations incertaines, en relation avec le Fou-nan et, à partir de 424, avec la Chine. Ce n’est qu’au viie s. qu’un royaume de Dvāravatī, connu par le témoignage des pèlerins chinois, par quelques missions en Chine et récemment authentifié par la découverte de médailles nommant un « seigneur de Dvāravatī », peut être localisé dans la région de Nakhon Pathom. De peuplement môn et de culture bouddhique, il semble avoir eu une influence considérable, encore que son étendue, son organisation et sa durée nous demeurent inconnues. On a souvent proposé d’y inclure Lopburi ; l’existence de médailles inscrites au nom de Lavapura (Lopburi) invite à en faire une contrée autonome, quoique de même culture mône. C’est, en tout cas, de Lopburi que, d’après des chroniques présentant certaines garanties d’historicité, seraient partis les colons qui devaient fonder dans la vallée de la Mé Ping, en 661 (ou au viiie s. ?), le royaume mon de Haripuñjaya (Lamphun). Dans les provinces de l’Est, l’épigraphie établit la présence khmère dès la fin du vie s.