Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Tchécoslovaquie (suite)

Mais il serait faux de croire que la Tchécoslovaquie de 1938 est en état de décomposition intérieure. En 1935, Beneš est élu président de la République et assume avec autorité l’héritage de Masaryk. Un agrarien slovaque, Hodža, est Premier ministre depuis novembre 1935 et essaie de négocier avec les populistes slovaques sans aller jusqu’à l’autonomie. Une loi de 1933 permet au gouvernement de suspendre les journaux et les partis politiques qui menacent l’existence de l’État. Malgré ses succès, le Sudetendeutsche Heimatfront (Front patriotique des Allemands des Sudètes) de Konrad Henlein (1898-1945) [v. Sudètes] ne représente pas un danger intérieur réel. Ce sont seulement les pressions extérieures qui vont entraîner le démembrement de la Tchécoslovaquie après octobre 1938.


La politique extérieure de la Tchécoslovaquie de l’entre-deux-guerres

Elle est marquée par une profonde continuité, puisque Beneš reste aux Affaires étrangères de 1918 à 1935 et que son successeur, l’historien Kamil Krofta (1876-1945), a été l’un de ses proches collaborateurs. Pour le petit État tchécoslovaque, le maintien du statu quo en Europe et le respect du système de Versailles sont les conditions de sa survie. Le but essentiel de sa politique est d’empêcher la reconstitution de l’Autriche-Hongrie, sous n’importe quelle forme, et la restauration de la dynastie des Habsbourg. Beneš serait même favorable, dans les années 20, à l’Anschluss, qui ferait de Vienne une ville de province allemande et rendrait irréversible le démembrement de l’Autriche-Hongrie. Pour le maintien du statu quo, il compte sur l’appui de la France, mais aussi sur le soutien de la Grande-Bretagne. Les relations de la Tchécoslovaquie avec l’Allemagne sont bonnes jusqu’en 1937. Par ailleurs, les sympathies slaves, très vivaces, jouent en faveur d’une neutralité bienveillante envers la Russie des Soviets ; le gouvernement tchécoslovaque tente très tôt de convaincre ses alliés de la nécessité de la reconnaître de jure.

L’élément essentiel de la politique tchécoslovaque, c’est la Petite-Entente, qui l’unit à la Roumanie et à la Yougoslavie (royaume des Serbes, Croates et Slovènes). Contrairement à ce que l’on croit souvent, la Petite-Entente n’a pas été un instrument de la politique française en Europe centrale et orientale. En réalité, elle s’est formée pour faire échouer les plans de rapprochement entre la France et la Hongrie et de confédération danubienne, lancés par le secrétaire général du Quai d’Orsay, Maurice Paléologue (1859-1944). Le 14 août 1920, Beneš signe à Belgrade une alliance défensive avec la Yougoslavie, dirigée contre la Hongrie, tandis que la Roumanie se contente d’une simple déclaration d’intentions. La France, d’abord hostile à la Petite-Entente, ne change son attitude qu’en octobre 1920. Les deux tentatives de restauration en Hongrie de l’empereur Charles IV (Charles Ier d’Autriche) en mars et en octobre 1921 précipitent la formation de la Petite-Entente par la signature d’accords bilatéraux entre les trois puissances antirévisionnistes.

La Petite-Entente, dont Beneš est le dirigeant le plus influent, veut jouer le rôle d’une grande puissance au centre de l’Europe. Elle croit en la force des démocraties et a confiance dans la Société des Nations, où la Petite-Entente est représentée au Conseil par un membre élu. La propagande extérieure de la Tchécoslovaquie, soigneusement organisée, impose l’image d’un pays moderne, démocratique, laïque et pacifique.

La Tchécoslovaquie signe le 25 janvier 1924 une alliance avec la France, mais Beneš sait habilement afficher son indépendance et maintenir une marge de liberté qui renforce son prestige à l’extérieur. Mais les intérêts de grande puissance de la France ont amené des crises dans l’amitié franco-tchécoslovaque. En octobre 1925, la signature des accords de Locarno semble isoler la Tchécoslovaquie comme la Pologne face à l’Allemagne ; la France accorde alors unilatéralement la garantie de leurs frontières à ces deux pays.

L’arrivée de Hitler au pouvoir en 1933 marque une nouvelle menace pour l’Europe centrale. Mais elle provoque une réaction de défense de la Petite-Entente, qui se renforce par la signature d’un nouveau pacte d’organisation à Genève le 16 février 1933. Beneš, le Roumain N. Titulescu et le Yougoslave B. Jevtić décident de doter l’alliance d’une structure solide, avec un conseil permanent et un conseil économique. En février 1934, la formation du pacte balkanique, organisé par Titulescu, semble couvrir au sud les positions de la Petite-Entente. En juin 1933, la pression de la Petite-Entente contribue à neutraliser le Pacte à quatre et à empêcher tout révisionnisme. En 1934, la Tchécoslovaquie apporte son appui au projet de pacte oriental de Louis Barthou. Le 16 mai 1935, une alliance de la Tchécoslovaquie avec l’Union soviétique double l’alliance franco-russe, mais elle en est étroitement dépendante : l’aide soviétique ne se produira que si la France intervient aux côtés de la Tchécoslovaquie. Mais, après ces brillants succès, c’est l’éclipsé des démocraties à partir de 1936. En 1937, Beneš refuse des pourparlers secrets avec l’Allemagne sur un pacte de non-agression. La Tchécoslovaquie représente une puissance militaire réelle avec ses 45 divisions bien équipées de matériel Škoda et en partie motorisées. Ses lignes de défense fortifiées sont tournées par le sud après l’Anschluss.

Lors de la crise de Munich, le système d’alliance de la Tchécoslovaquie s’effondre. La mobilisation réussie du 21 mai 1938 marque la volonté de résistance de l’État. Cependant, le 21 septembre, le gouvernement tchécoslovaque doit s’incliner devant la pression conjuguée de ses alliés français et anglais, et accepter la cession des territoires allemands des Sudètes. Les exigences de Hitler entraînent une rupture des pourparlers, et la guerre semble imminente. Mais, les 29 et 30 septembre, à Munich, les quatre grandes puissances imposent à la Tchécoslovaquie, sans la consulter, l’abandon des régions allemandes. La Pologne du colonel Beck obtient alors la cession de la région contestée de Těšin. Le 2 novembre 1938, par l’arbitrage de Vienne, la Hongrie obtient une partie du territoire slovaque.