Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Tchécoslovaquie (suite)

Du 1er octobre 1938 au 15 mars 1939, la Tchécoslovaquie a une brève survie sous le nom de IIe République tchécoslovaque. Dès le 5 octobre Beneš a démissionné et a été remplacé à la présidence de la République par Emil Hácha (1872-1945). La Slovaquie et la Ruthénie subcarpatique ont obtenu leur autonomie. Sous la pression allemande, le gouvernement de Prague doit abandonner toute politique extérieure indépendante, prendre des mesures contre les Juifs. Le 15 mars 1939, les troupes nazies pénètrent dans les pays tchèques, après avoir obligé Hácha à accepter un protectorat allemand sur la Bohême-Moravie. Les dirigeants slovaques sont contraints par Hitler à proclamer l’indépendance de l’État slovaque (v. Slovaquie). Les troupes hongroises envahissent la Ruthénie subcarpatique.

Ainsi, la politique démocratique de la Tchécoslovaquie de l’entre-deux-guerres se termine par un échec total ; le tchécoslovaquisme semble alors condamné. Seul le gouvernement tchécoslovaque en exil à Paris, puis à Londres tente de maintenir l’unité du pays.


La guerre et la résistance (1939-1945)

Beneš a constitué après mars 1939 un Comité national tchécoslovaque. Des unités tchécoslovaques combattent en France, puis elles sont évacuées par Sète en Grande-Bretagne. Ce n’est qu’en juillet 1940 que les Britanniques reconnaissent Beneš comme le chef d’un gouvernement provisoire. Mais ils sont encore réticents à admettre la totale nullité des accords de Munich.

Jusqu’au 27 mai 1942, l’ex-protectorat de Bohême-Moravie est soumis à un régime strict, mais sans brutalités excessives, car le but de l’Allemagne est d’exploiter au maximum les ressources agricoles et industrielles, en évitant tout conflit inutile. Le Reichsprotektor, le baron Konstantin Neurath (1873-1956), ancien ministre des Affaires étrangères d’Allemagne, qui reste à Prague jusqu’en septembre 1941, est partisan d’une occupation classique et hostile à la politique de germanisation à outrance préconisée par Karl Hermann Frank (1898-1946), député sudète devenu secrétaire d’État du protectorat. Emil Hácha reste président et mène une politique hésitante de collaboration. Pour tenir en échec le petit groupe des fascistes tchèques de Rudolf Gajda (1892-1948), il dissout le Parlement et crée un parti de la solidarité nationale, qui rassemble 2 millions de membres autour d’objectifs ambigus. Le gouvernement, qui compte une majorité de francs-maçons, est présidé par un partisan de la résistance, le général Alois Eliáš. Deux ministres rejoignent bientôt Beneš à Londres.

La résistance intérieure s’est organisée dès l’été 1939 et, au début de 1940, les mouvements non communistes fusionneront pour former l’UVOD. Le 28 octobre 1939, pour l’anniversaire de l’indépendance, des étudiants et des ouvriers manifestent. En novembre 1939, Hitler ferme pour trois ans les universités tchèques et prend des mesures contre l’intelligentsia. Après juin 1941, les communistes entrent dans la résistance et négocient avec l’UVOD.

Le 27 septembre 1941, le tout-puissant Reinhard Heydrich (1904-1942) arrive à Prague, officiellement comme suppléant de Neurath, en fait comme son successeur. Il prend des mesures de rigueur en faisant arrêter en octobre 1941 le général Eliáš (fusillé en 1942) et en le remplaçant par un gouvernement J. Krejči, plus docile. Le parti de la solidarité nationale est dissous. En même temps, la police allemande essaie de démanteler l’UVOD. Mais Heydrich sait aussi maintenir le calme pour faciliter l’exploitation du pays au profit de la S. S. et de l’Allemagne.

Le 27 mai 1942, deux parachutistes tchèques envoyés de Londres réussissent un attentat contre Heydrich. C’est alors l’instauration d’un régime de terreur brutale. Le 10 juin, le village de Lidice est détruit. Kurt Daluege (1897-1946), qui a succédé à Heydrich, fait procéder à 1 357 exécutions de mai à juillet. La résistance non communiste, l’UVOD, est la plus durement touchée. Quant à la résistance communiste, elle se réorganise dans la clandestinité, en liaison avec le DNRV, nouvelle organisation de résistance, constituée au début de 1943 par d’anciens membres de l’UVOD et des hommes politiques de la Ire République.

Le gouvernement de Londres remporte d’importants succès. Dès juillet 1941, les relations sont renouées avec l’U. R. S. S., et le socialiste Zdeněk Fierlinger (1891-1976) reprend son poste d’ambassadeur. Une brigade tchécoslovaque, commandée par le général Ludvík Svoboda (né en 1895), combat aux côtés des troupes soviétiques. Les communistes réfugiés à Londres entrent dans le Conseil d’État créé par Beneš. La politique tchécoslovaque s’éloigne alors de la politique polonaise, qui reste hostile à l’U. R. S. S. Le 12 décembre 1943, Beneš signe à Moscou un traité d’amitié avec Staline : l’U. R. S. S. garantit à la Tchécoslovaquie ses frontières de 1938 et s’engage à ne pas intervenir dans ses affaires intérieures. Ainsi, contrairement à ce que l’on croit parfois, le sort de la Tchécoslovaquie n’a pas été réglé à Yalta, en février 1945. Beneš renforce aussi sa position avec ses alliés occidentaux : en août 1942, le gouvernement britannique a reconnu la nullité des accords de Munich.

La résistance intérieure en Bohême-Moravie ne peut développer de mouvements armés d’envergure. Elle ne reçoit d’armes ni de Londres, trop éloigné, ni de Moscou, et les conditions naturelles sont peu favorables aux maquis. Seuls quelques groupes de partisans se maintiennent en Moravie occidentale. Tout autre est la situation en Slovaquie. En août 1944 éclate l’insurrection slovaque, soutenue par une partie de l’armée du gouvernement de Jozef Tiso (1887-1947). Malgré l’échec du soulèvement, c’est une victoire morale pour la résistance, pour le gouvernement Beneš, qui a lancé l’ordre de l’insurrection, et pour le Conseil national slovaque, qui l’a dirigée.

Dès la fin d’octobre 1944, les troupes soviétiques atteignent l’Ukraine subcarpatique, qui, en dépit des promesses de Staline, est réunie à l’U. R. S. S. Dès mars 1945, Beneš gagne Moscou, et, le 5 avril, le gouvernement tchécoslovaque, installé à Košice, en Slovaquie orientale libérée, peut publier son programme.