Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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taoïsme (suite)

Les grands poètes comme Tao Yuanming (Tao Yuan-ming*, 365 ou 372-427) et Wang Wei (v. 700 - v. 760) sont les meilleurs représentants de l’« École champêtre » (Tianyuanchi [T’ien-Yuan-Che]). Et pourtant, parmi leurs œuvres, on trouve des poèmes qui chantent la misère du peuple et l’ardent désir de servir le pays. Leur amour de la nature n’exclut point l’idéalisme confucianiste.

Wang Wei est également grand peintre. Il est considéré comme l’ancêtre des peintres de « paysage transcrivant la vie intérieure » (xieyi hua [sie-yi houa]) ou encore « paysage des lettrés » (wenren hua [wen-jen houa]). On dit de lui qu’« il y a la poésie dans sa peinture et il y a la peinture dans sa poésie ». La peinture « Montagnes et Eaux » atteindra son apogée pendant les dynasties Song* et Yuan*.


La religion taoïste

C’est la religion la plus importante de Chine après le bouddhisme.


Doctrine

La philosophie taoïste s’oppose au confucianisme par son affirmation de l’existence et son refus de l’essence. La religion taoïste veut découvrir tout ce qui compose cette existence réelle. Le taoïste philosophe vit l’existence à travers une expérience mystique. L’adepte de la religion taoïste, lui, veut déchiffrer le mystère, découvrir le mécanisme de cette expérience et, par là, trouver dans l’homme les secrets pour prolonger son existence en une existence éternelle. Toute signification métaphysique de la philosophie taoïste prend un sens concret dans la religion taoïste. Le vide est identifié à l’espace réel, le souffle cosmique à la respiration, l’essence au sperme, etc. En un mot, une philosophie mystique devient un système de pensée occulte. À partir d’une philosophie de l’existence s’édifie une pratique de l’existence.


L’immortalité

Dans la religion taoïste, la vie éternelle n’est pas conçue comme une immortalité spirituelle, mais elle est réelle et physique. Il n’y a pas transcendance, mais seulement transmutation. Pour la réalisation de cette transmutation, il existe toutes sortes de recettes. La vie étant un phénomène psychophysiologique, les recettes sont d’ordre mental, physiologique, chimique, pharmacologique... Au cours de l’histoire, les taoïstes ont accumulé tant de recettes qu’il est pratiquement impossible d’en dresser la liste exhaustive, ni d’en faire un ensemble cohérent. Nous en citons quelques-unes des plus importantes.

• L’alchimie externe (waidan [wai-tan]). C’est parvenir à l’immortalité par une force extérieure, c’est-à-dire par l’absorption des éléments incorruptibles qui rendent le corps immortel. L’or et le cinabre sont les deux principaux ingrédients de l’alchimie chinoise. Le plus ancien traité d’alchimie, dû à Wei Boyang (Wei Po-yang, iie s.), est intitulé Zhouyi Cantongqi (Tcheou-Yi ts’an-t’ong-k’i). En se servant des notions du yin et du yang, des cinq éléments et de la transformation des hexagrammes, il donne une base théorique à l’alchimie.

Plus tard, un autre théoricien taoïste, Ge Hong (Kö Hong, 252-333), donne les recettes les plus diverses de longévité.

On note dans l’histoire de la Chine maint empoisonnement causé par les drogues de longue vie que les taoïstes donnèrent aux hauts fonctionnaires d’État et à plusieurs empereurs.

• L’alchimie interne (neidan [nei-tan]). C’est créer la transmutation du corps en travaillant directement sur notre organisme. D’après cette théorie, les termes dont se sert Wei Boyang ne désignent pas des substances chimiques, mais les forces et les principes qui composent le microcosme comme le macrocosme. En harmonisant ces forces à l’intérieur du corps et en y introduisant le principe vivifiant pour remplacer le principe mortifiant, peu à peu, l’homme peut parvenir à l’immortalité.

• La gymnastique. Elle facilite la circulation du souffle dans le corps. La bonne circulation du souffle est signe de vie, de santé. Il existe de nombreuses méthodes de gymnastique, et la plus généralement connue est le taiji-quan (t’ai-ki-k’iuan). C’est une sorte d’exercice de relaxation en mouvement, entièrement dirigé par une concentration de la conscience.

• Les bonnes actions. On ne peut acquérir l’immortalité uniquement par les connaissances alchimiques et les exercices psychophysiologiques. Il faut également cultiver son sens moral et faire le bien.


La béatitude

Dans la religion taoïste, l’immortalité est physique et la béatitude terrestre. Être est synonyme de bien-être. Pour écarter les malheurs et obtenir la béatitude, il existe, comme dans la recherche de l’immortalité, différentes méthodes : l’astrologie, la géomancie, les cérémonies, les talismans.


La diffusion de la religion taoïste

Si la « tendance taoïste » (aspiration à la longue vie) est antérieure à l’apparition du livre de Laozi (ive s. av. J.-C.), le taoïsme religieux, fortement stimulé par un sentiment nationaliste, ne s’organise qu’à partir du iie s. apr. J.-C. Pour rivaliser avec le bouddhisme, introduit depuis l’Inde au ier s. et qui représentait une religion d’une grande maturité, le taoïsme s’inspira de ses institutions, de ses rites et de ses écrits. Prenant le bouddhisme comme modèle, il édifia des temples, se donna un clergé et une liturgie. L’énorme littérature canonique réunie plus tard sous le nom de Daozang (Tao-tsang) fut aussi constituée sur le modèle du Sanzang (San-tsang) [Tripitaka] bouddhique. Certains ouvrages sont visiblement des plagiats des œuvres bouddhiques.

À l’époque tumultueuse des Six Dynasties (220-589), il y eut d’âpres luttes entre le bouddhisme et le taoïsme. Chaque partie cherchait à obtenir la faveur de l’empereur pour mater l’adversaire. Plusieurs fois, le bouddhisme fut banni, les temples détruits, les moines massacrés ou obligés de retourner à la vie séculière.

Deux empereurs de la dynastie des Song, Zhenzong (Tchen-tsong, 928-1022) et Huizong (Houei-tsong, 1101-1226), tous deux fervents taoïstes, présidèrent à la composition du canon taoïste dont la première édition date de 1019.

Sous la dynastie des Yuan (1276-1368), Kūbīlāy khān, petit-fils de Gengis khān et fondateur de la dynastie, interdit le taoïsme et ordonna la destruction par le feu de tous les ouvrages taoïstes, sauf Laozi. Cependant, les autres empereurs des Yuan furent tolérants à l’égard des religions.

Les Ming (1368-1644) se montrèrent également plus ou moins hostiles au taoïsme.