Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

superparamagnétisme (suite)

Si W est nettement plus grand que kT, le moment MT, après avoir été orienté dans une certaine direction au moyen d’un champ magnétique suffisamment intense, ne peut plus la quitter spontanément et la conserve indéfiniment en l’absence de perturbations extérieures. On a mis à profit cette propriété pour fabriquer certains types d’aimants permanents, en agglomérant avec un liant un ensemble de tels grains.

Si W est de l’ordre de grandeur de kT ou inférieur, ce qui correspond pour le fer à un diamètre inférieur à 50 Å, le moment MT saute spontanément, sous l’influence de l’agitation thermique, d’une direction de facile aimantation à une autre, de sorte que l’équilibre thermodynamique s’établit entre toutes les orientations possibles. Il en résulte qu’un grain de moment MT se comporte d’une manière analogue à celle d’un atome de moment μ, et l’on peut appliquer la théorie du paramagnétisme de Langevin. Les principales différences consistent en ce que MT est plusieurs milliers de fois plus grand que μ et en ce que MT décroît lorsque la température s’élève pour s’annuler à la température de Curie, tandis que μ est essentiellement invariable. Ce comportement a reçu le nom de superparamagnétisme.

Dans un champ magnétique H suffisamment faible pour que le rapport a = MTH/kT soit petit devant l’unité, le moment magnétique résultant pris par un ensemble de N grains identiques orientés au hasard s’écrit

Quelques dizaines d’œrsteds suffisent généralement pour atteindre à la température de l’hélium liquide le moment résultant à saturation, égal à NMT.

Lorsque l’anisotropie des grains est négligeable, la loi complète d’aimantation s’exprime par la formule de Langevin

En dehors des grains matériellement distincts, le superparamagnétisme apparaît aussi dans un alliage lorsque, au cours du refroidissement, une phase ferromagnétique se ségrège en petits grains magnétiques noyés dans une matrice non magnétique.

Le superparamagnétisme a reçu quelques applications : les ferrofluides sont des suspensions de ces grains dans un liquide neutre tel que le toluène ; ils sont attirés vers les régions où règne le champ magnétique le plus intense. On peut ainsi les maintenir en équilibre dans une région choisie de l’espace, malgré la pesanteur.

Il convient de remarquer qu’en chauffant des grains à aimantation permanente on les transforme toujours en grains superparamagnétiques à une certaine température θB, dite température de blocage, inférieure à la température de Curie θC : cela résulte de ce que W/kT tend vers zéro quand T tend vers θC. Un ensemble de N grains identiques, refroidis depuis une température supérieure à θB, prend à la température θB un moment résultant égal à en désignant respectivement par HB et MB les valeurs à cet instant du champ magnétique et du moment magnétique du grain.

Si l’on poursuit le refroidissement, les orientations des moments des grains restent figées, tandis que leur grandeur continue à croître. Le moment résultant M que prend l’ensemble des grains ne dépend plus des variations éventuelles du champ magnétique, pourvu que ce champ reste faible, et est donné par

en désignant par MA le moment actuel du grain.

Le moment résultant M est parallèle et proportionnel au champ HB, qui existait au moment où la température passait par la valeur θB. L’ensemble des grains possède donc une mémoire magnétique. Cette propriété a reçu d’importantes applications en géophysique pour reconstituer les valeurs que le champ magnétique terrestre a prises dans le passé.

L. N.

supraconductivité

État particulier de la matière portée à très basse température, dont la première caractéristique est la disparition de la résistance électrique.


Le phénomène a été découvert en 1911 par Kamerlingh Onnes, qui, ayant réussi à liquéfier de l’hélium, observa que la résistance d’un échantillon de mercure tombait brutalement à une valeur trop faible pour être mesurée. Un courant lancé (par induction électromagnétique) dans une spire supraconductrice se maintient pendant des mois, sans force électromotrice. À partir de mesures d’atténuation de tels courants, on a pu déterminer que la résistivité d’un corps supraconducteur était au moins dix millions de fois plus faible que celle des métaux très bons conducteurs à très basse température (inférieure à 10–22 ohm-cm).

Seuls certains corps, souvent des alliages de deux ou de trois métaux, deviennent supraconducteurs à basse température. La cessation de l’état supraconducteur et le retour à l’état normal sont rapides et se font à une température bien déterminée, dite « température critique », caractéristique du corps : 7,2 K (soit – 265,9 °C) pour le plomb ; 3,78 K pour l’étain ; 1,14 K pour l’aluminium ; 21 K pour un composé ternaire à base de niobium, d’aluminium et de germanium, soit la température critique la plus élevée connue actuellement. Pour les fils de niobium-titane, qui ont aujourd’hui la préférence des techniciens à cause de leurs qualités mécaniques, la température critique est de 9,7 K, et les spécialistes mettent au point un alliage de niobium-étain dont la température critique est nettement plus élevée, soit 18 K. Le cuivre et l’argent ne deviennent pas supraconducteurs.

Mais la disparition de la résistance électrique n’est pas la seule caractéristique de l’état supraconducteur. Pour toute température inférieure à la température critique, en présence d’un champ magnétique, on observe l’effet Meissner : le flux d’induction magnétique ne pénètre pratiquement pas dans le supraconducteur tant que le champ reste inférieur à un certain champ critique ; le matériau se comporte comme un corps diamagnétique idéal de susceptibilité égale à – 1. Lorsque le champ est supérieur au champ critique, le flux pénètre dans le matériau, qui cesse alors d’être supraconducteur. Cette cessation est brutale pour les supraconducteurs doux et progressive pour les supraconducteurs durs. D’autre part, la valeur du champ critique est d’autant plus élevée que la température est plus basse ; elle est nulle à la température critique.