Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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sport (suite)

Le sport médiéval, chevaleresque et démocratique, si vivant pendant cinq siècles, disparut avec la Renaissance. La classe dirigeante se tournait alors vers les choses de l’esprit ou la mièvrerie de la vie des cours, et le peuple, écrasé, avait d’autres problèmes. En 1650, on dénombrait à Paris cent quatorze jeux de paume ; il n’en restait que dix en 1780 et qu’un seul en 1839. La période révolutionnaire, en dépit des théories de Jean-Jacques Rousseau sur l’éducation (Émile), puis la période impériale ont complètement ignoré l’idée sportive.


Le sport moderne

La renaissance du sport, au xixe s., fut-elle la conséquence naturelle de l’éveil des nationalités et de la révolution industrielle ? Dans une certaine mesure, sans doute. Cette renaissance commence par la Prusse, humiliée à Iéna. En 1811, Friedrich Ludwig Jahn (1778-1852) cristallise les théories de Fichte et proclame que le souci du corps doit aller de pair avec celui de l’esprit ; il donne alors à son pays son premier gymnase. La gymnastique aux agrès, la lutte, l’haltérophilie se développent et s’épanouissent à partir de 1842 ; la gymnastique gagne la Scandinavie avant d’être repensée par le Suédois Per Henrik Ling (1776-1839), qui substitue au dur travail allemand des agrès, destiné à préparer les soldats, une gymnastique toute de souplesse et d’harmonie, avec, pour objectif, la formation d’hommes robustes et sains.

On peut citer encore le Suisse J. H. Pestalozzi (1746-1827), les Tchèques Miroslav Týrš (1832-1884) et Jindřich Fügner (1822-1865), créateurs des Sokols, sociétés patriotiques de gymnastique qui furent à l’origine de la renaissance de la Bohême, jusque-là asservie, mais c’est en Grande-Bretagne que le sport moderne devait soudain apparaître dans tout son éclat.

Au début du xixe s., la jeunesse anglaise s’adonnait au jeu, à l’alcool et, dans les collèges, à la brutalité... Un historien et théologien, Thomas Arnold (1795-1842), directeur du collège de Rugby, inspiré par le révérend Charles Kingsley (1819-1875), qui prêchait un « christianisme musculaire » s’attachant à réformer les mœurs, poussa ses élèves vers la pratique des sports et des jeux réglementés, organisés par les élèves eux-mêmes afin de développer leur sens des responsabilités et leur goût des initiatives.

Le mouvement sportif se répand ensuite dans les collèges, envahit les universités, gagne toute la Grande-Bretagne et ses dominions, l’Australie, l’Afrique du Sud, le Canada et la Nouvelle-Zélande.

L’exemple atteint l’Amérique du Nord sous l’impulsion d’Herbert Spencer. Mais ce n’est qu’après la guerre de Sécession, vers 1865, que les États-Unis, brûlant les étapes, parviennent rapidement au premier rang grâce à leurs universités. En 1895, à Manhattan, la rencontre entre les meilleurs athlètes de Londres et de New York marque la fin de la suprématie britannique. Les Américains introduisent alors des jeux nouveaux, tels que le base-bail, le football américain et le basket-ball.

L’Europe continentale s’éveille vers 1880 ; ce sera ensuite le tour des pays de l’Amérique latine. En France, les premiers pas dans le sport furent l’œuvre d’ardents propagandistes tels que Jules Simon (1814-1896), Marcelin Berthelot* (1827-1907), Jean Richepin (1849-1926), Pierre de Coubertin (1863-1937), à qui l’on doit la rénovation des jeux Olympiques.

Depuis longtemps, on pratiquait l’aviron : la Société nautique de Valery-sur-Somme, le Club nautique et athlétique de Rouen étaient fondés avant le Rowing Club de Paris (1853). La gymnastique, dans le prolongement des tentatives avortées de François Amoros (1769-1848), se fédérait en 1873 en Union des sociétés de gymnastique de France, tandis que le Havre Athletic Club, créé par des footballeurs britanniques, devenait en 1872 le premier club du jeu qui reste à ce jour le plus largement pratiqué dans le monde. Dix ans plus tard (1882), des collégiens créaient le Racing Club de France, premier grand club omnisport.

Sur le plan international, les jeux Olympiques contribuent à l’internationalisation du sport et à la réconciliation des différentes disciplines, jusque-là férocement concurrentielles. Il fallut, cependant, attendre 1921 pour qu’à Lausanne soient jetées les bases sur lesquelles repose encore toute l’organisation du sport moderne, fondé sur la reconnaissance de fédérations internationales spécialisées, nées pour la plupart sous l’impulsion des Français. Ces fédérations se dotent d’un pouvoir, librement accepté par tous les pays.

Cependant, après la Seconde Guerre mondiale et surtout depuis 1968, le sport international repose sur trois piliers essentiels : le Comité international olympique, créateur et propriétaire des célèbres jeux quadriennaux ; les associations des comités nationaux olympiques, c’est-à-dire le pouvoir national ; les fédérations internationales sportives, c’est-à-dire le pouvoir technique. Ces dernières organisent périodiquement des championnats du monde et des championnats continentaux.

En France, où chaque sport se dirige de manière indépendante, le club est la cellule initiale ; les sociétés, ou leurs sections spécialisées, se groupent en comité départemental ; plusieurs comités départementaux sont rassemblés dans un comité régional. Au sommet se trouve la fédération, elle-même affiliée à la fédération internationale spécialisée (F. I. S.).

Près de soixante disciplines sportives sont proposées. Les unes sont universelles ; les autres sont nationales, tels le bandy dans les pays nordiques, sorte de football sur glace, le cricket en Grande-Bretagne, le baseball ou le football américain aux États-Unis. Mais vingt-deux F. I. S. seulement étaient, en 1973, reconnues par le Comité international olympique.

La France est particulièrement éclectique, puisque près de cinquante sports sont officiellement reconnus par les pouvoirs publics. Les plus populaires, par le nombre de pratiquants ou celui des spectateurs qu’ils déplacent, sont le football, le rugby, le judo, le tennis, le basket-ball, le cyclisme et, sur un certain plan, la boxe professionnelle.