Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

socle (suite)

Cependant, les socles ne sont pas exclusivement constitués de roches cristallines. Des structures sédimentaires plissées y ont été parfois conservées, dans lesquelles les roches les plus fréquentes sont des schistes, des grès, des quartzites et, plus rarement, des calcaires. L’érosion différentielle trouve là des conditions très favorables au dégagement de formes structurales. Excavant les roches tendres, elle met en valeur des barres de roches dures, dont les altitudes concordantes témoignent de l’aplanissement dont elles dérivent. Ce type de relief est dit « appalachien », l’exemple le plus caractéristique étant en effet situé dans les Appalaches, dans l’est des États-Unis. Dans certains cas, les barres rocheuses sont en partie des reliefs résiduels que l’érosion n’a jamais réussi à niveler : tel est le cas des barres de quartzites de la région de Falaise, en Normandie, qui peut servir de type à ces reliefs dits « pseudo-appalachiens ».

L’uniformité du relief des socles est rompue enfin par l’encaissement des réseaux hydrographiques, qui en morcellent les surfaces planes. Ces réseaux montrent très généralement un désaccord flagrant avec les accidents structuraux.

S’établissant sur des topographies nivelées et parfois masquées par des couvertures sédimentaires, les rivières s’écoulent suivant les lignes de plus grande pente, en conformité avec les déformations en antéclise. En creusant, elles se surimposent ainsi sur les structures plus ou moins complexes du socle.


Types géomorphologiques de socles

Suivant l’ampleur des antéclises et l’intensité de leur soulèvement, suivant aussi le rythme des déformations qui leur ont donné naissance et la nature des matériaux rocheux qu’ils offrent à l’érosion, les socles présentent des paysages variés, quoique d’une incontestable parenté. Schématiquement, on peut les classer en deux grands types.


Les massifs anciens

L’exemple type est celui de l’Europe hercynienne, dont l’évolution en plate-forme a débuté avec l’aplanissement de la chaîne hercynienne à l’aube de l’ère secondaire. Au cours du Secondaire, ce socle a été gauchi, et des cuvettes ont été envahies par des mers qui tantôt transgressaient, tantôt régressaient. Au Tertiaire, une tendance généralisée à la surrection se manifesta, plus accusée dans les zones qui étaient restées émergées ou qui n’avaient connu qu’une subsidence modérée. Ainsi, des massifs se sont individualisés là où le socle, débarrassé de la couverture sédimentaire qui l’avait partiellement ou totalement fossilisé, a été de nouveau raboté par l’érosion, qui y a façonné de nouveaux aplanissements. Ces massifs présentent en plan une forme plus ou moins circulaire ou légèrement ovale, d’un diamètre variant de quelques dizaines à quelques centaines de kilomètres ; l’énergie de relief, mesurée entre les parties culminantes et les bassins périphériques, y est comprise entre quelques centaines de mètres et 1 500 m, ce qui correspond à des bombements à grand rayon de courbure.

À ces déformations d’ensemble se combinent des accidents localisés qui déterminent des jeux de blocs limités par des abrupts de faille. Il en résulte un relief compartimenté comme celui du nord-est du Massif central français, où horsts et fossés sont découpés par des failles hercyniennes qui ont rejoué au Tertiaire. Ces déformations assez vigoureuses permettent aux rivières de s’inciser fortement en gorges pittoresques. Si, enfin, la lithologie s’y prête, l’érosion différentielle peut dégager des formes appalachiennes comme on en trouve dans le Massif armoricain.

Au total, si les plates-formes sont bien le thème dominant de la géomorphologie de ces massifs anciens, une certaine diversité de formes n’en est pas absente.


Les boucliers

Ils sont caractérisés, au contraire, par une extrême platitude et une plus grande uniformité. Si quelques rebords de plateaux peuvent y présenter des dénivellations notables, l’énergie des reliefs, dans l’ensemble, y est plus faible que dans les massifs anciens, car les déformations tectoniques qui ont engendré ces reliefs ont des rayons de courbure beaucoup plus grands. Cela résulte de l’extrême rigidité des boucliers, elle-même due à une consolidation beaucoup plus ancienne.

Les boucliers se sont, en effet, consolidés dès le Précambrien. Au cours du Paléozoïque, ils ont connu une évolution semblable à celle des massifs anciens : le socle de l’Afrique nord-occidentale, par exemple, a été envahi par des mers qui ont déposé des sédiments assez épais dans le bas Sahara et dans le Sahara occidental. Mais, à la suite des déformations tectoniques primaires (cadomienne, calédonienne et hercynienne), les boucliers ont connu une longue évolution presque exclusivement continentale, au cours de laquelle l’érosion n’a cessé d’user les parties en saillie, accumulant les débris ainsi arrachés dans des aires légèrement subsidentes. On comprend, de ce fait, la grande monotonie de leur relief, d’autant que les déformations tectoniques y ont été de plus en plus atténuées.

Ce sont précisément les modalités et le rythme de ces déformations qui servent de base à une classification des boucliers. Certains, comme le bouclier scandinave, ont connu tout au long de leur histoire postpaléozoïque une tendance continue à la surrection. Ils ont donc été constamment soumis à une ablation qui a multiplié les surfaces d’aplanissement. Hormis leurs dimensions, très importantes, puisque dépassant largement le millier de kilomètres, ils s’apparentent quelque peu aux massifs anciens ; mais ils sont plus aplatis, au point qu’en Finlande, par exemple, ce sont les bourrelets morainiques glaciaires qui créent les reliefs les plus notables.

Tout autre est le cas des « tables », où la différenciation du relief est à peine marquée. L’Afrique nord-occidentale en est un exemple caractéristique : ici, le socle a subi des gondolements de faible amplitude, mais dont les pôles de soulèvement et de subsidence ont migré à plusieurs reprises.