Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

socle (suite)

Ainsi, la plaine des Eglab, au sud du bassin de Tindouf, est une boutonnière de socle qui a été tour à tour fossilisée et exhumée de dépôts infracambriens, cambro-siluriens, crétacés et tertiaires, chaque coup de rabot de l’érosion n’enlevant, outre la couverture fossilisante, qu’un mince copeau de socle, dont la surface polygénique est d’une rare perfection, quoique accidentée de quelques inselbergs (les « eglab »). Finalement, antéclises et synéclises sont si faiblement marquées que le relief est d’une très grande platitude. Les reliefs les plus notables sont les rebords des couvertures gréseuses, qui, sous les climats chauds, restent en saillie par rapport au socle. Leur dénivellation, cependant, est assez faible, elle n’excède pas une centaine de mètres.

On observe que, bien souvent, le relief des boucliers présente une plus grande énergie en bordure des continents, constituant des bourrelets marginaux qui isolent les platitudes intérieures de la mer. Il s’agit parfois de modestes renflements à peu près symétriques, comme la dorsale du bas Congo, qui ferme la cuvette congolaise à l’aval sans dépasser 870 m d’altitude. Mais, plus souvent, c’est un relief dissymétrique tournant un abrupt vers la mer. La cause en est parfois une flexure marquée de la bordure du continent, comme dans le massif de la Borborema, dans le Nord-Est brésilien. Plus souvent, ce sont des failles qui ont relevé la marge du continent. Suivant qu’elles ont joué à une époque plus ou moins récente, le relief offre une vigueur variable.

Les escarpements par lesquels le socle de l’Arabie s’effondre sous la mer Rouge et le golfe d’Aden sont certainement les plus frais qui se puissent observer ; la région littorale du Sud-Est brésilien montre, au contraire, un relief dérivant de failles plus anciennes : une côte sinueuse y dénote un recul inégalement rapide des escarpements en rapport avec la résistance des roches.

À la différenciation structurale des socles qui vient d’être esquissée se superpose une différenciation morphoclimatique.

Les paysages des socles sont, en effet, fortement influencés par les systèmes morphogénétiques qui les façonnent. À cet égard, les boucliers septentrionaux (Canada, Scandinavie), qui ont été raclés par les glaciers quaternaires et qui sont soumis aujourd’hui à des climats périglaciaires, présentent des modelés fondamentalement différents de ceux des boucliers tropicaux, qui sont façonnés depuis très longtemps sous des climats chauds tantôt plus humides, tantôt plus secs.

R. L.

 P. Birot, Morphologie structurale, t. II (P. U. F., 1958). / J. Tricart et A. Cailleux, Cours de géomorphologie, fasc. 2, 1re partie : Géomorphologie des régions de plateformes (Sedes, 1958).

Socrate

En gr. Sôkratês, philosophe grec (Alôpekê, Attique, v. 470 - Athènes 399 av. J.-C.).


Peu de choses sont sûres concernant Socrate en dehors de l’importance des effets que sa vie et, par conséquent, sa mort ont engendrés, effets qui, à peu de choses près, constituent toute la philosophie. Entre la poésie qui le précède et la prose qui le suit, Socrate représente le moment de l’agraphie : il n’écrit pas. Sa présence a été celle d’une parole vive : il a payé de sa personne plutôt que de sa plume. Il n’écrivait pas : la mort l’a réduit au silence. Mais, assurant le relais de son discours ironique, ce silence posthume continue de faire de lui l’accoucheur des esprits : c’est à partir de lui que parle toute la philosophie.

Trois de ses contemporains ont parlé de Socrate. Aristophane* le ridiculise dans les Nuées (423 av. J.-C.). Platon* a vingt ans quand il rencontre Socrate. Des huit années qu’il passe près de lui, tous les dialogues portent sans doute la trace, mais les premiers sont plus riches en informations. Quant à Xénophon*, s’il a fréquenté Socrate vers la même époque, il l’a fait moins assidûment ; l’intérêt de ses Mémorables s’en ressent. Entre ces trois portraits, l’accord est loin de régner. Sans doute, le Socrate d’Aristophane est-il plus jeune, mais, pour avoir le même âge, celui de Platon et celui de Xénophon ne se ressemblent pas. Qu’y a-t-il de commun entre le personnage quelconque évoqué par ce dernier et la figure qui devait, à travers les dialogues de Platon, dominer toute la philosophie ? D’aucuns, pourtant, font davantage crédit à Xénophon au vu de sa médiocrité, garante, pensent-ils, de fidélité. Quant aux autres, condamnés à chercher Socrate dans Platon, ils sont aux prises avec le problème insoluble de fixer dans les dialogues la part de leur « héros » et celle de leur auteur.

À partir de là, les anecdotes les plus contradictoires s’accumulent, parmi lesquelles, toutefois, la critique est parvenue à retenir quelques éléments fortement probables. Socrate est né dans le dème d’Alôpekê vers 470. Sa mère était sage-femme, et son père sculpteur. Lui-même aurait quelque temps exercé la profession de son père. D’un ou de trois mariages, il eut trois enfants (Lamproclès, Sophonisque et Ménéxène). Il sortit quatre fois de sa cité : en 432-429 pour le siège de Potidée, en 424 pour la bataille de Délion, en 422 pour l’expédition d’Amphipolis et à une date incertaine pour consulter l’oracle de Delphes. Les traits le plus souvent évoqués sont sa patience, sa laideur et le démon dont il se prétendait parfois inspiré. En 399, Anytos (un tanneur), assisté du poète Mélétos et du rhéteur Lycon, l’accuse de ne pas respecter les dieux et de corrompre la jeunesse. Au procès, Socrate assure lui-même sa défense. Par 281 voix contre 278, il est condamné à mort. Il boira la ciguë un soir de mars 399.

Qu’en est-il maintenant de la philosophie de Socrate ? Cette question renvoie à une autre : où est la philosophie de Socrate ? Nous avons vu qu’elle reste ouverte. La majorité des réponses qui ont été risquées consistent en commentaires plus ou moins convergents, plus ou moins hypothétiques du « Connais-toi toi-même », dont la lecture au fronton du temple de Delphes aurait révélé Socrate à lui-même, ainsi que de la formule de l’oracle selon laquelle « Socrate est le plus sage des hommes » et de l’interprétation que Socrate en aurait proposée : « En effet, je sais que je ne sais rien. »

En ce sens, tout discours sur Socrate est-il voué, comme le disait Léon Brunschvicg, à rester de quelque manière socratique, car ce que l’on sait de lui vraiment n’est rien.

D. H.

➙ Platon.