Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Soane (sir John) (suite)

L’étonnante réalisation de la maison de l’artiste (13 Lincoln’s Inn Fields à Londres, 1792 et 1812), où une crypte romantique voisine avec une bibliothèque et un salon voûtés de baldaquins sans poids apparent, témoigne d’une volonté opiniâtre de reprendre les mêmes thèmes (comme aux Courts de Westminster, en 1820-1824, ou à Pellewell house en 1822) ; mais, plus encore, de l’ambiguïté d’une démarche révolutionnaire étouffée par le respect du passé.

À juste titre, Soane est souvent présenté comme un visionnaire*, à l’instar de Claude Nicolas Ledoux ou de Karl Friedrich Schinkel*. De fait, il avait une manière toute personnelle de conserver leur massivité à ses structures de brique, de réduire les revêtements à des plans rigides, sans autre modelé que des baguettes ou des filets creusés ou rapportés, et de parvenir ainsi à un traitement dépouillé et massif qui s’apparente aux réalisations de notre siècle.

H. P.

 J. Summerson, Sir John Soane (Londres, 1952). / D. Stroud, The Architecture of Sir John Soane (Londres, 1961).

social-démocratie

Terme qui a désigné, selon les époques, des organisations ou des tendances socialistes de types divers.



Historique

Dans une première phase, qui correspond grosso modo à la période d’avant 1914, où les partis socialistes subissent fortement l’influence du marxisme*, il s’applique à des partis et à des mouvements qui se fondent dans un esprit marxiste et considèrent le socialisme tel qu’il est défini dans les œuvres de Marx comme la meilleure expression du socialisme scientifique auquel ils croient.

Dans une seconde phase, qui s’ouvre en octobre 1917, Lénine* et ses amis communistes désignent par le nom de sociaux-démocrates tous ceux qui en Russie et en Europe centrale ont fait barrage contre le communisme et parfois ont réprimé avec violence les tentatives qu’il multipliait pour arriver au pouvoir.

Dans une troisième phase, qui commence après la Seconde Guerre mondiale, le terme de social-démocrate recouvre des partis qui, sans répudier le marxisme et sans prétendre aller au-delà, ont considérablement assoupli leurs méthodes de propagande et d’action. Ils sont de moins en moins des partis de classe ; ils ne croient pas que le plus urgent soit de pratiquer une politique de nationalisations étendues.

La social-démocratie allemande (Sozialdemokratische Partei Deutschlands en abrégé SPD) et la social-démocratie autrichienne sont passées par ces trois phases : marxistes avant 1914, foncièrement anticommunistes en 1918 et dans les années suivantes, elles sont pratiquement révisionnistes depuis qu’elles se sont reconstituées après l’écroulement de Hitler.

C’est au premier congrès d’unification de Gotha en 1875 que se constitue le parti social-démocrate allemand. Au congrès de Hainfeld, les Autrichiens s’organisent en un parti social-démocrate (1888-89), qui, sous l’influence de Victor Adler (1870-1937), devient véritablement marxiste. Dans les Balkans, en Serbie, en Bulgarie, en Roumanie se constituent pareillement des partis sociaux-démocrates. Il s’en forme aussi dans les pays Scandinaves (Suède [1889], Danemark [1871], Norvège [1887]) et en Grande-Bretagne même, où la Fédération sociale démocratique (SDF) fondée en 1884 par Henry Mayers Hyndman (1842-1921) est l’embryon d’un parti social-démocrate qui finira par avorter, au profit d’un travaillisme beaucoup plus empirique.

En Russie, le parti ouvrier social-démocrate de Russie (P. O. S. D. R.), constitué en 1898 à Minsk, se scinde en 1905 en deux formations rivales, celle des mencheviks et celle des bolcheviks.

Dans les pays latins (France, Espagne, Italie), l’expression social-démocratie, au contraire, n’a guère cours lorsqu’il s’agit de désigner les partis socialistes qui s’y constituent. Mais on la retrouve un temps aux États-Unis lorsque Eugene Debs (1855-1926) et Victor L. Berger (1860-1929) fondent en 1897 le parti social-démocrate ; toutefois, en 1901, à la suite de sa fusion avec une fraction du parti socialiste travailliste, le parti abandonne cette dénomination pour prendre celle de parti socialiste.


Les partis sociaux-démocrates face au bolchevisme

L’attitude des leaders de la social-démocratie allemande face à la guerre en juillet-août 1914 et, par la suite, leurs complaisances à l’égard de la politique de Guillaume II ont suscité une vive réaction dans les partis de l’ancienne Internationale socialiste, disloquée, et dans le parti social-démocrate allemand lui-même. Les socialistes indépendants et les spartakistes se sont dressés contre la politique suivie.

Le destin de la social-démocratie autrichienne dans le même temps n’a guère été plus glorieux, malgré la valeur des théoriciens « austro-marxistes » et l’importance des réalisations municipales de Vienne. Écartés du gouvernement par les chrétiens sociaux, les sociaux-démocrates d’Autriche voient leur force politique brisée par Engelbert Dollfuss en février 1934, puis par Hitler lors de l’Anschluss en 1938.

Dans toute cette période, les communistes ont considéré les sociaux-démocrates soit comme le dernier rempart de la bourgeoisie, soit même comme des « sociaux-fascistes ». L’évolution qui s’est produite à partir de 1935 et qui s’est traduite par l’adhésion des communistes à la formule du Front populaire n’a pas concerné réellement l’Europe centrale.

Cependant, dans les pays scandinaves, les sociaux-démocrates, plus libres de leurs mouvements, sont parvenus à constituer des gouvernements dont l’action, sans être révolutionnaire, n’est pas socialement négligeable.

En Suède, Hjalmar Branting* (1920), puis Per Albin Hansson (1932), au Danemark, Thorwald Stauning (1924) ont inauguré cette politique à laquelle les socialistes norvégiens ne viendront vraiment qu’en 1935, sous une étiquette socialiste travailliste.

G. L.