Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

ski (suite)

Le ski, c’est d’abord, selon la conception norvégienne, une course à travers la campagne (le ski de fond pour les sportifs et la randonnée pour les touristes) et un saut. Pour être considéré comme un bon skieur, il faut participer à ces deux épreuves. Le ski sportif, à l’origine, c’est cela, et uniquement cela, soit à Holmenkollen ou dans les autres concours organisés dans les pays nordiques, puis ailleurs, soit dans les jeux Nordiques (dès 1900, réplique des jeux Olympiques d’été, rénovés depuis 1896 par Pierre de Coubertin), soit dans les premiers jeux Olympiques d’hiver, organisés tous les quatre ans depuis ceux de Chamonix en 1924, ou bien enfin dans les championnats du monde, qui se déroulent depuis 1925 (fond, saut et combiné nordique).


L’avènement du ski alpin

Le ski alpin, sur les pentes abruptes des montagnes, ne va pas tarder à affirmer un caractère spécifique. On se rend très vite compte, en Autriche, en Suisse et en France (où les premiers essais de ski ont lieu à Chamrousse en 1879 avec le Grenoblois Henry Duhamel [1853-1917], où le premier club est fondé dans le Dauphiné en 1896 et où, en 1904, le ministère de la Guerre crée une école normale de ski à Briançon), que la technique norvégienne est dépassée dès que les déclivités sont importantes.

Naturellement, le terrain alpin est fondamentalement différent des vallonnements scandinaves ; il présente un ensemble de pentes de 25 à 45 p. 100 entre 1 000 et 4 000 m. Une forme d’évolution spécifique en skis va donc naître sur les Alpes : c’est ce qu’affirme en 1910 un alpiniste anglais, Vivian Caulfield, dans un ouvrage fondamental, How to ski and how not to, qui démontre les limites, sur pentes raides, des virages définis par les Norvégiens, le télémark et le premier christiania, et qui, à l’origine, offraient un moyen de s’arrêter dans la pente à l’issue d’un saut. Mais les skieurs de l’époque ne recherchent pas les terrains pentus.

Sur la lancée de Vivian Caulfield, un Bavarois, Carl Johann Luther (1882-1968), évoque un virage adapté aux pentes raides, le « stem-christiania », qui sera utilisé par l’école autrichienne dès avant les années 30.

C’est cependant un Anglais, sir Arnold Lunn (1888-1974), qui va précipiter le mouvement et mériter le nom de « père du ski alpin ». Amené à organiser des séjours dans l’Oberland bernois, et en particulier à Mürren, A. Lunn découvre les ressources du ski alpin, dont il va promouvoir la spécificité par le biais de la compétition et sous deux formes : la descente, c’est-à-dire la recherche de la trace la plus directe dans la pente, et le slalom, qui consiste à passer entre des fanions disposés de telle sorte que les concurrents aient la possibilité d’utiliser les différentes méthodes connues pour tourner dans la pente. Il s’emploie à codifier ces courses spécifiquement alpines. Dès 1924, les premières compétitions internationales, sous la forme d’un « combiné » descente-slalom, ont lieu à Mürren et à Grindelwald.

Avec beaucoup d’obstination et malgré les réserves des Scandinaves, pour qui le ski est une sorte de religion, Lunn cherche à faire admettre les épreuves nouvelles dans le programme des championnats du monde de ski. Il marque déjà un point important en créant, avec son ami l’Autrichien Hannes Schneider (1890-1955), directeur de la célèbre école de ski de l’Arlberg, l’Arlberg-Kandahar, première grande course « classique » du ski alpin, qui a lieu le 1er avril 1928 à Sankt Anton am Arlberg et qui, depuis, se déroule chaque année dans un des cinq grands pays alpins, l’Autriche (Sankt Anton), l’Allemagne fédérale (Garmisch-Partenkirchen), la France (Chamonix), l’Italie (Sestrières) et la Suisse (Mürren).

Deux ans plus tard, au congrès d’Oslo, la Fédération internationale de ski (créée au moment des jeux Olympiques d’hiver de Chamonix en 1924) adopte les règlements des courses de descente et de slalom, et décide l’organisation de championnats du monde dans ces spécialités. Les premières de ces compétitions ont lieu à Mürren en 1931.


L’aventure de la compétition

La course, par le degré de passion qu’elle exige, par l’énergie et l’ingéniosité qu’elle sollicite, apporte de grands progrès dans l’art d’évoluer sur les pentes neigeuses. Pendant des décennies, les concours sportifs seront le véritable « banc d’essai » de l’usager aussi bien en ce qui concerne le développement de la technique que le perfectionnement du matériel. Ce qui a conféré au ski alpin sa spécificité, c’est, outre les compétitions de slalom et de descente, l’apparition des carres métalliques vissées sur le côté des skis, permettant de mordre sur la neige, de se cramponner dans la pente : invention due, peu avant 1930, à l’Autrichien Ludwig Lettner.

Aux championnats du monde de 1933, le slalom spécial est remporté (avec 13 secondes d’avance) par un jeune Autrichien Toni Seelos (né en 1911), et les experts remarquent que le champion exécute un virage au cours duquel les deux skis restent pratiquement parallèles. C’est le début d’une véritable révolution : le « stem », popularisé par la méthode d’enseignement mise au point à Sankt Anton par Hannes Schneider (mouvement au cours duquel les spatules des skis sont rapprochées et les talons écartés, le virage s’exécutant par le transport du poids du corps d’un ski sur l’autre). Ce style de virage paraît maintenant dépassé, encore qu’il demeure très utile au débutant.

La bataille pour le ski parallèle, c’est la France qui la mène, et avec succès, à une époque où la victoire en compétition fournit la preuve de l’efficacité d’une méthode d’enseignement et, partant, contribue à développer le tourisme hivernal.

En 1937, les championnats du monde de ski alpin ont lieu pour la première fois en France, à Chamonix. Jusqu’alors, les skieurs français n’ont joué qu’un rôle modeste dans les compétitions malgré la virtuosité de skieurs très doués, comme le Pyrénéen François Vignole (né en 1914) et le Savoyard Émile Allais (né en 1912).