Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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ski (suite)

La Fédération française de ski, fondée en 1924 et qui connaît un essor considérable à partir de 1930, confie la préparation de l’équipe nationale à un dirigeant de premier ordre, Paul Gignoux (1908-1973). Ce dernier engage comme entraîneurs deux champions du monde, le descendeur suisse Rudolf Rominger et Toni Seelos ; il institue à Megève et à Chamonix des camps d’entraînement, fondant ainsi un système qui sera imité ultérieurement par toutes les nations alpines. Outre l’entraînement, un patient travail de recherche s’effectue, qui dissèque la technique des champions, que l’on imite et dont on perfectionne encore les styles. Sur le plan du matériel, on adopte un mode de fixation de la chaussure au ski très serré, afin que l’impulsion du pied soit instantanée, et les coureurs utilisent les « longues lanières ».

Aux championnats de 1937, c’est un triomphe : Émile Allais gagne la descente avec 13 secondes d’avance sur un autre Français, Maurice Lafforgue (né en 1915), et il récidive en slalom.

Paul Gignoux voit plus loin : se fondant sur la victoire d’Émile Allais, il met au point avec celui-ci et Georges Blanchon (né en 1901), secrétaire de la Fédération française, une méthode française d’enseignement, dont la clé de voûte est constituée par un virage moderne, le christiania pur aval, que caractérise la position d’avancée donnée par une flexion chevilles-genoux et qui permet, les skis se trouvant allégés, d’effectuer par le haut du corps un virage pivoté sur l’avant des skis. Tous les mouvements conduisant à l’exécution du christiania pur aval sont analysés et définis. La parution du manuel Ski français en 1937 donne à la nouvelle méthode son assise doctrinale : tous les moniteurs seront désormais formés selon les mêmes principes d’enseignement dans l’école créée à Val-d’Isère.

Aux championnats du monde de 1938, les succès français se poursuivent et, aux côtés d’Émile Allais, apparaît un jeune skieur âgé de seize ans, James Couttet (né en 1921), qui gagne la descente et qui illustre de façon éclatante les mérites et l’efficacité de la « méthode française ». Cette supériorité collective va être cependant de courte durée, puisque, aux championnats du monde de 1939, le ski français subit un grave échec.

À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, qui a particulièrement éprouvé les pays alpins, on se rend compte, dès la reprise des confrontations sportives aux Jeux d’hiver de Saint-Moritz (Suisse), que le ski s’est transformé. La France, avec l’éblouissante démonstration d’Henri Oreiller (1925-1962), vainqueur de la descente, a repris sa position en ski alpin, mais il est difficile de donner Oreiller comme exemple de la fameuse « méthode française », qui s’est quelque peu sclérosée entre-temps et qui a succombé au dogmatisme technique : Oreiller skie de façon peu orthodoxe, et sa qualité principale est son incroyable équilibre.

Le ski alpin devient peu à peu un sport majeur. On assiste à des progrès techniques, qui continuent d’ailleurs, mais on ne peut plus prétendre que les champions sont le résultat de telle ou telle méthode d’enseignement dont chaque nation désire conserver l’exclusivité. Le secret des succès se trouve ailleurs. Il faut former les skieurs comme les autres champions, en développant leurs qualités athlétiques, psychiques et morales. Les champions de ski sont moins tributaires d’une technique codifiée dans les manuels des moniteurs que d’un style, reflet de leur personnalité. Ainsi assiste-t-on à l’avènement des « athlètes du ski », dont les plus remarquables à l’époque sont le Suisse Georges Schneider, vainqueur du slalom des premiers championnats du monde de l’après-guerre en 1950, l’Italien Zeno Colo (né en 1920), le plus étonnant de tous peut-être, qui gagne à ces mêmes championnats le slalom géant, nouvelle épreuve du ski alpin et discipline très athlétique et qui remporte la descente des jeux Olympiques de 1952. Enfin, le Norvégien Sten Eriksen (né en 1928) s’affirme au cours de sa fulgurante carrière comme un grand slalomeur en spécial et en géant.

La plupart de ces champions modernes, dont l’enfance a coïncidé avec les débuts du ski alpin, n’ont pas, à proprement parler, appris le ski (comme les grands skieurs d’avant guerre) ; skiant beaucoup grâce au développement des remontées mécaniques, ils ont tout découvert par eux-mêmes ; ils skient instinctivement pour la majorité, et leur manière est beaucoup plus naturelle, beaucoup plus dépouillée que celle de leurs aînés.

On ne parle plus, dès lors, de méthodes d’enseignement, mais d’écoles de compétition. À cet égard, la décennie 1950-1960 est marquée par la suprématie collective de l’équipe d’Autriche, conduite par Fred Roessner (né en 1911). Ce dernier connaît à fond les problèmes du ski qu’il a étudiés en Europe et aux États-Unis. Sa « méthode » consiste dans un important travail de « mise en condition physique » l’été par une pratique sportive très éclectique, mais à base de sports collectifs et de gymnastique acrobatique, et, une fois l’automne venu, par un travail intensif sur neige, en commençant sur les glaciers, puis en accumulant les kilomètres de descente libre selon les difficultés de terrain. Les victoires se succèdent, et, en 1955, les skieurs autrichiens gagnent toutes les courses. Jamais on n’a rassemblé autant de skieurs de grande valeur : Christian Pravda (né en 1927), Anderl Molterer (né en 1931), Jose Rieder (né en 1932), Ernst Hinterseer (né en 1932), Walter Schuster (né en 1929). Le plus grand de tous, Toni Sailer (né en 1935), pratiquement invincible en descente et en slalom géant, réussit l’« impossible exploit », aux jeux Olympiques de 1956 à Cortina d’Ampezzo, en remportant les trois courses alpines : slalom spécial, géant et descente.

À l’école autrichienne succède l’école française, dirigée par Honoré Bonnet (né en 1919), venu des Alpes du Sud (Barcelonnette) et qui a séjourné neuf ans en Autriche, enseignant le ski et l’alpinisme aux troupes alpines d’occupation. Bonnet s’inspire du travail de Roessner, le perfectionne grâce à son sens de la psychologie et à la mise en place d’une organisation qui ôte aux skieurs tout souci matériel. L’époque Bonnet est marquée par les victoires, entre autres, de Jean Vuarnet (né en 1933) aux jeux Olympiques de 1960 (descente), de Charles Bozon (1932-1964) aux championnats du monde de 1962 (slalom spécial), de Marielle (née en 1945) et de Christine (née en 1944) Goitschel (slalom géant et slalom spécial), ainsi que de François Bonlieu (1937-1973, slalom géant) aux jeux Olympiques de 1964. Elle est marquée également par la réussite de l’équipe de France aux championnats du monde de Portillo (Chili) en 1966, avec la conquête de seize médailles sur les vingt-quatre attribuées et les victoires de Marielle Goitschel en géant et au combiné alpin, d’Annie Famose (née en 1944, slalom spécial), de Guy Périllat (né en 1940, slalom géant), de Jean-Claude Killy (né en 1943, descente et combiné). Honoré Bonnet se retire après les jeux Olympiques de Grenoble (1968), au cours desquels Marielle Goitschel a gagné le slalom spécial (sa sixième médaille d’or depuis ses débuts en 1962 à l’âge de seize ans), alors que Jean-Claude Killy a renouvelé, dans des conditions beaucoup plus difficiles à cause de la concurrence accrue, l’exploit de Sailer en remportant les trois titres.