Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Sjöström (Victor) (suite)

Après Maître Samuel (1920), l’Épreuve du feu (1921), la Maison cernée (1922) et le Vaisseau tragique (1922), Sjöström reçut des propositions alléchantes envoyées par les magnats d’Hollywood, qui rêvaient de s’attacher les services des gloires cinématographiques de la vieille Europe. La situation du cinéma suédois ayant contraint Charles Magnusson à refréner ses ambitions et la crise menaçant, il accepta un contrat que parapha Samuel Goldwyn. Hélas ! comme tant d’autres, il perdit sa liberté et dut lutter contre le mercantilisme et l’étroitesse d’esprit de ses producteurs américains. À la voracité et à l’incompréhension, il opposa un entêtement robuste et une rudesse toute paysanne, qui lui permirent de mieux résister moralement à la « machine hollywoodienne » que son homologue Mauritz Stiller. Si le Glaive et la loi (1924) et Larmes de clown (1924) n’ajoutèrent rien à sa gloire, il n’en sera pas de même de la Lettre écarlate (1926) [d’après Nathaniel Hawthorne] et surtout du Vent, une manière de chef-d’œuvre qui fut une catastrophe commerciale. L’Amérique ne comprenant visiblement pas le talent de Sjöström, celui-ci rentra en Suède tourner les Markurells de Wadköping (1931), puis signa en 1937 son dernier film, Sous la robe rouge (tourné en Grande-Bretagne). En 1957, quand Ingmar Bergman* écrivit le scénario des Fraises sauvages, il pensa tout naturellement à Sjöström pour interpréter le rôle du vieil Isaak Borg. Le rôle était beaucoup plus qu’un hommage, beaucoup plus que la transmission d’un relais d’une génération à l’autre, c’était un geste de ferveur, un suprême défi à la vieillesse et à la mort, et en même temps l’ultime prolongement d’un acte de foi. Car le plus beau mérite de Sjöström, c’est d’avoir cru au cinéma avec la foi naïve du pèlerin qui part pour la Terre promise. Mieux que tout autre, Sjöström a permis au septième art de respirer l’air du large. Le lyrisme aidant, son œuvre apparaît de nos jours comme extraordinairement homogène. Nul autre que lui n’a su décrire à l’aide d’images mouvantes ces forces profondes de la nature qui servent d’intermédiaire entre Dieu et l’homme.

J.-L. P.

 R. Jeanne et C. Ford, Victor Sjöström (Éd. universitaires, 1964). / B. Idelstam-Almquist, « Victor Sjöström », dans Anthologie du cinéma, t. I (C. I. B., 1966).

ski

Sport consistant en une glissade sur la neige à l’aide de patins allongés (appelés skis).



La naissance du ski sportif

En 1887, un journal de Bergen (Norvège) publiait ironiquement l’écho suivant : « Fridjtof Nansen projette d’accomplir l’an prochain, à skis, une course de fond à travers le Groenland. Places assises dans les crevasses des glaciers. Les billets de retour ne sont pas nécessaires. »

Et pourtant, au cours de l’été 1888, le jeune conservateur du musée de Bergen Fridjtof Nansen (1861-1930), un des plus extraordinaires explorateurs que le monde ait connus, avait gagné la partie : avec ses skis de chêne à trois rainures et ses bâtons longs de 2 m, il avait parcouru plus de 500 km et tiré ses traîneaux jusqu’à une altitude de 2 700 m. La publication du récit de l’exploration sous le titre de À travers le Groenland en 1892-93 (traduction française de Charles Rabot) devait provoquer dans le monde, et d’abord en Europe, un engouement incroyable pour le ski, sorte de « patin » utilisé pour glisser sur la neige que quelques originaux commençaient d’importer de Norvège. L’exploit de Nansen marque le véritable départ du ski moderne, qui devait, dès lors, connaître une expansion qui n’a pas cessé. Nansen venait de rappeler avec éclat que la patrie du ski était la Norvège. Le nom même de cet engin était norvégien.

Les origines du ski sont incertaines. Chez les peuplades primitives du nord de l’Europe et de l’Asie, on connaissait le ski ou le patin bien avant la roue.

Il est probable que l’on est passé progressivement de la « chaussure de neige », sorte de raquette, au patin permettant de se déplacer en glissant. Suivant les époques et les régions, le ski a revêtu des formes différentes : tantôt les deux skis étaient courts et rappelaient la raquette (on les recouvrait généralement de peaux de bêtes), tantôt ils étaient très longs (de 2,50 à 3 m), tantôt — en particulier chez les Lapons —, l’un des skis était nettement plus long que l’autre, le plus court servant à se propulser.

Jusqu’à la fin du xviiie s., le ski demeura l’apanage des pays nordiques. Engin utilitaire, mode de locomotion sur les surfaces enneigées, il devait connaître une évolution nouvelle en Norvège en prenant un caractère sportif. Les Norvégiens ont, d’ailleurs, eu l’occasion de le rappeler avec fierté lors des jeux Olympiques d’hiver de 1952, qui se déroulèrent à Oslo : ils ont refusé de faire venir, conformément à la tradition, la flamme olympique de Grèce mais l’ont allumée au cœur de la province de Telemark, où naquirent les premières compétitions de ski.

Dans le Telemark, puis dans toute la Norvège, on passa des fêtes de villages (où, en particulier, on sautait des toits enneigés) à des concours organisés et codifiés. Deux compétitions se déroulaient alors régulièrement : la course à travers la campagne, sur des distances variables, et le saut sur des collines où étaient aménagés des tremplins naturels. En 1877 fut fondé le Ski Club de Christiania (Oslo), et en 1883 l’Association norvégienne de ski, qui organisa des concours annuels d’abord sur la colline de Huseby, puis, à partir de 1892, à Holmenkollen, dont le nom devint aussi célèbre dans les pays nordiques que celui d’Olympie dans l’Antiquité grecque.

La performance de Nansen et la publicité qui l’entoura contribuèrent, dès lors, à développer le ski sous son triple aspect — utilitaire (surtout dans l’armée), récréatif et sportif — dans toutes les contrées favorisées par la neige.

Le ski de tourisme et le ski sportif ne cesseront, d’ailleurs, de suivre une évolution parallèle, les progrès de la compétition se répercutant longtemps sur le « ski pour tous » en ce qui concerne les techniques et le matériel. On s’en rendra surtout compte avec la naissance du ski alpin, qui s’inspire d’un double héritage : la tradition norvégienne et l’alpinisme en skis.