Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Sicile (suite)

Le roi de Sicile, qui s’allie avec Pise et avec Venise en 1169 et en 1175, contraint même Frédéric Ier* Barberousse à leur accorder une trêve de quinze ans par la paix de Venise de 1177. Mais, après l’échec de son expédition contre Constantinople en 1185, le dernier des rois normands de Sicile doit accepter en 1186 le mariage de sa tante et unique héritière, Constance, fille posthume de Roger II, avec le fils de l’empereur allemand, le futur Henri VI. Un moment empêché par la révolte des sujets de Guillaume II, qui proclament roi un bâtard, le comte de Lecce, Tancrède, petit-fils de Roger II (1189-1194), l’avènement de la dynastie des Hohenstaufen* est consacré par le couronnement d’Henri VI à Palerme comme roi de Sicile (Henri Ier) le 25 décembre 1194.

Les institutions du royaume normand de Sicile

Monarchie féodale dont les institutions ont été codifiées dans les Assises de Roger II, ce royaume comprend un vaste domaine royal, l’extension des fiefs ayant été territorialement limitée par le monarque, désireux de conserver l’essentiel du pouvoir. Souverain héréditaire, celui-ci gouverne avec l’assistance de la Curia Magna, avec celle des grands barons et surtout avec celle de cinq grands officiers dont la titulature souligne la diversité ethnique et institutionnelle du royaume : l’amiral, véritable Premier ministre et chef des forces de terre et de mer comme dans les pays musulmans ; le protonotaire, chef des bureaux comme dans l’Empire byzantin ; le sénéchal, le chambrier (finances) et le chancelier enfin, dont les fonctions sont d’origine franque. Outre le domaine royal, une administration perfectionnée, d’origine arabe, assure au souverain des ressources importantes. Enfin, des tribunaux itinérants, comme en Angleterre, rendent la justice au nom du roi. La même diversité institutionnelle se retrouve au niveau des onze provinces, qui sont également gérées par un justicier sous les ordres duquel sont placés des émirs (arabes), des stratèges et des catépans (byzantins), des baillis et vicomtes (francs). En promulguant en 1231 les « constitutions du royaume de Sicile », dites « constitutions de Melfi », Frédéric II accentue le caractère absolutiste et centralisateur des institutions normandes, dont il étend le champ d’application à l’économie du royaume en érigeant en monopoles d’État les commerces de la soie, du blé, du sel et du fer.


Au temps des Hohenstaufen et des Angevins (1194-1282)

Les Hohenstaufen sont présents désormais au nord et au sud des États du Saint-Siège. La mort d’Henri VI en 1197 permet au pape Innocent III de détacher de l’Empire le royaume vassal de Sicile, dont il prend le jeune souverain Frédéric (1197-1250) sous sa tutelle. Bien que devenu, avec l’appui du pape, empereur en 1220, sous le nom de Frédéric II*, le monarque s’attache à ses possessions italiennes, dont il rêve de faire le cœur d’un vaste empire méditerranéen et qu’il dote d’une université, fondée à Naples en 1224, et d’institutions très centralisées par les constitutions de Melfi de 1231.

Après le règne de Conrad IV (1250-1254), la tentative faite par son demi-frère Manfred de conserver au nom du fils de Conrad IV, Conradin d’abord (1254-1258), puis au sien propre (1258-1266) la couronne de Sicile incite le pape Urbain IV à accorder en 1263 l’investiture de cette dernière au frère de Saint Louis, Charles Ier* d’Anjou, qui élimine son rival à Bénévent le 26 février 1266 avant de battre le 23 août 1268 à Tagliacozzo, puis de faire décapiter, le 29 octobre à Naples, le jeune Conrad V (Conradin), coupable d’avoir tenté de récupérer son royaume, au sein duquel l’île de Sicile presque entière s’était soulevée en sa faveur à l’exclusion de Palerme et de Messine.

Partie intégrante du royaume angevin de Naples, mécontente de la politique de Charles d’Anjou, qui transfère à des seigneurs français ou provençaux les grands fiefs de l’île et à des banquiers guelfes de Florence son exploitation économique et fiscale trop lourde, la Sicile se révolte à l’instigation de nombreux conspirateurs et avec l’appui préalable du prince Pierre d’Aragon, gendre de Manfred. Les Vêpres siciliennes débutent à Palerme le 30 mars 1282 et gagnent Messine, d’où les forces françaises qui ont échappé au massacre se retirent alors sur le continent.


La Sicile aragonaise


Le royaume aragonais de Sicile (1282-1409)

Héritier théorique des Hohenstaufen, le roi Pierre Ier (III d’Aragon) [1282-1285] inaugure la lignée des rois aragonais de Sicile. L’avènement au trône d’Aragon en 1291 de son successeur, Jacques (1285-1296), mécontente les Siciliens, placés pourtant sous l’autorité du propre frère du souverain, le prince Frédéric, qui usurpe alors la couronne de Sicile sous le nom de Frédéric II (1296-1337). Ce dernier favorise l’essor du parlement de Sicile, qu’il divise en trois « bras » : ecclésiastique, militaire (barons) et domanial (cités) ; mais il ne peut empêcher la reconstitution des vastes latifundia antiques du fait de l’état de guerre constant qui règne dans l’île et ruine les agriculteurs. Sous les règnes de Pierre II (1337-1342), de Louis (1342-1355) et de Frédéric III le Simple (1355-1377), la situation s’aggrave. Partagée en domaines pratiquement indépendants par les grands vassaux en 1377, la Sicile revient alors à une jeune princesse, Marie d’Aragon (1377-1402), qui est enlevée par des galères aragonaises, puis mariée en 1390 à Martin le Jeune (1392-1409), petit-fils du roi d’Aragon Pierre IV. À la mort sans héritiers de Martin le Jeune, le trône de Sicile revient à son père, le roi d’Aragon Martin le Vieux (1409-10).


La province aragonaise de Sicile (1409-1713)

Placée en 1415 sous l’autorité d’un vice-roi, Juan de Peñafiel, par le roi d’Aragon Ferdinand Ier le Juste (1412-1416), base des opérations menées par Alphonse Ier le Magnanime (V d’Aragon) [1416-1458] contre le royaume de Naples entre 1425 et 1442, la Sicile est alors réunie à ce dernier pour former le royaume des Deux-Siciles (1442-1458). Elle est séparée de la Terre ferme sous les règnes de Ferdinand Ier (1458-1494), d’Alphonse II (1494-95), de Ferdinand II (1495-96) et de Frédéric Ier (1496-1501) ; sacrifiée au xvie s. à la politique méditerranéenne des Habsbourg, qui la soumettent au pouvoir arbitraire d’un vice-roi, ruinée par les impôts trop lourds, par la montée de l’Atlantique, qui l’écarte des grands courants commerciaux, par l’accroissement des latifundia et les troubles populaires qui en résultent (révolte de la plèbe de Palerme en mai 1647), la Sicile est cédée à la maison de Savoie par le traité d’Utrecht du 13 juillet 1713.