Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Sicile (suite)

Le royaume des Deux-Siciles

Ayant pris d’assaut Naples en juin 1442 et contraint le roi René à s’enfermer dans le Castel Nuovo avant de s’enfuir en Provence, Alphonse V d’Aragon entre victorieusement dans la capitale de Terre ferme le 26 février 1443 : il fonde ainsi le premier royaume dit « des Deux-Siciles » (1442-1458) du fait de la réunion sous un même monarque (et pour la première fois depuis 1282) du royaume aragonais de Sicile insulaire et du royaume angevin, dont les souverains ont continué depuis 1282 à s’intituler rois de Sicile (péninsulaire).

Les Deux-Siciles sont dissociées en 1458 à la mort d’Alphonse V, qui laisse la Terre ferme à son bâtard Ferrante et l’île de Sicile à son frère, Jean II, roi de Navarre ; elles sont réunies sous une même autorité dès 1504 lorsque Naples est rattachée aux biens de la couronne d’Aragon. Mais ce n’est qu’en 1734 qu’elles sont regroupées en un seul royaume au profit des Bourbons d’Espagne : Charles VII (1734-1759) et Ferdinand IV (1759-1825), qui ne devient Ferdinand Ier, souverain du second royaume des Deux-Siciles que lorsque celui-ci est officiellement reconstitué en 1816.

Alors que les structures sociales de l’Ancien Régime ont été abolies par les occupants français en Terre ferme, celles-ci ont survécu sans changement en Sicile, où les vastes latifundia restent la propriété des grands propriétaires absentéistes et souvent endettés. Résidant à Palerme, à Messine ou à Naples, ils les font exploiter, moyennant redevance, par des entrepreneurs de culture, les gabellotti, qui s’enrichissent aux dépens de leurs maîtres et des paysans exploitants auxquels ils sous-louent des parcelles de terre pour deux ou trois ans au plus.

L’absence de bonnes routes à l’exception de celle de Palerme à Messine ou de celles qui rayonnent autour de Naples, la médiocrité des ressources industrielles (soufre d’Agrigente) et agricoles (vin de Marsala ou de Campanie) exploitables freinent l’essor économique du royaume et empêchent la constitution d’une puissante bourgeoisie dont les membres réinvestissent toujours leurs capitaux en terres et en titres de noblesse.

La misère rurale, surtout celle des braccianti (manœuvres agricoles) favorise le banditisme, la multiplication des sociétés secrètes (carbonari), plus tard l’essor de la Mafia. Éclatant à Naples en juillet 1820 à la nouvelle de l’insurrection espagnole, gagnant l’ouest de la Sicile, qui fait sécession, le soulèvement libéral du général Guglielmo Pepe (1783-1855) est brisé à Rieti le 7 mars 1821 par les Autrichiens à l’appel du roi de Naples, qui a pourtant accordé une nouvelle constitution aux insurgés. De nouvelles révoltes éclatent dans le royaume en 1832, en 1837 à Palerme, où 32 000 personnes sont mortes du choléra, en 1841, enfin en 1844, où les frères Attilio et Emilio Bandiera, livrés par les paysans, sont aussitôt fusillés. Malgré la brutalité de cette répression, organisée par François Ier (1825-1830) et par Ferdinand II (1830-1859), les Siciliens participent activement au Risorgimento*, qui débouche sur la révolution de 1848.

La révolution éclate à Palerme le 12 janvier, où le gouvernement provisoire de Ruggiero Settimo (1778-1863) proclame la Constitution de 1812 ; gagnant le 27 Naples, où le roi publie une nouvelle constitution le 10 février, elle prend à Naples un caractère insurrectionnel le 15 mai, ce qui incite Ferdinand II à rappeler le 22 mai ses troupes combattant en Italie du Nord aux côtés des Piémontais. Après un bombardement de cinq jours qui vaut au souverain le surnom de Re Bomba, Messine est reconquise en septembre 1848. Maître de Palerme en mai 1849, le général Carlo Filangieri (1784-1867) est nommé lieutenant général en Sicile, où toute tentative d’insurrection est brisée.

Mais, sensible à l’appel d’un exilé sicilien, Giuseppe La Farina (1815-1863), fondateur en 1856 de la Société nationale italienne, dont la devise est « indépendance, unité, maison de Savoie », la Sicile se révolte en avril 1860 à l’instigation du républicain Francesco Crispi* et de Francesco Riso (1820-1860), qui décide Garibaldi* à organiser l’expédition des Mille, laquelle, du 11 mai (débarquement à Marsala) au 20 juin (prise de Milazzo) et au 28 juillet (prise de Messine), se rend maîtresse de toute l’île. Entreprenant le 19 août la conquête de la Terre ferme, où il occupe Naples le 7 septembre, le vainqueur doit céder sa conquête au roi du Piémont. Ayant brisé les forces du Saint-Siège à Castelfidardo le 18, celui-ci écrase en effet celles du roi de Naples sur le Volturno les 1er et 2 octobre.

Par les plébiscites des 21 et 22 octobre, les populations de la Sicile continentale et celles de la Sicile insulaire approuvent alors leur rattachement au royaume d’Italie, respectivement par 1 310 000 voix contre 10 000 et par 432 000 contre 600. Réfugié à Gaète, le dernier souverain, François II (1859-60), capitule enfin le 13 février 1861 et part pour l’exil. Le royaume des Deux-Siciles n’est plus.


La Sicile de 1713 à nos jours

En 1718, la Sicile est attribuée à l’empereur, qui cède en échange la Sardaigne à la maison de Savoie. Elle redevient en 1734 un royaume théoriquement indépendant, dont le premier souverain, Charles VII (1734-1759), devenu roi d’Espagne en 1759, cède alors la couronne à son fils Ferdinand IV de Naples (et III de Sicile), tige de la maison de Bourbon-Naples (1759-1860). De 1799 à 1802 et de 1806 à 1815, ce souverain se réfugie d’ailleurs dans l’île sous la protection de la flotte anglaise.

Partie intégrante du second royaume des Deux-Siciles (1816-1861), incorporée par plébiscite au royaume d’Italie en 1860, la Sicile est occupée par les forces anglo-américaines au terme d’une courte campagne menée du 10 juillet au 17 août 1943 contre 70 000 Allemands et 220 000 Italiens, campagne qui incite le gouvernement italien à déposer très rapidement les armes. Depuis 1948, elle a été érigée en région autonome dotée d’une « junte régionale » (exécutif) et d’un « Conseil régional » (législatif) élu au suffrage universel direct et habilité à transmettre des suggestions au Parlement italien.

P. T.