Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Sibérie

En russe Sibir, région de l’U. R. S. S.


À l’est de l’Oural, tout change de dimension et de nature. C’est un autre monde, peu peuplé, hostile à l’homme. Mais cette Sibérie naturelle, ancienne se transforme. Elle est une source inépuisable de richesses, le « pays de l’avenir » comme disait Nansen.

C’est l’ampleur d’un espace si peu peuplé qui étonne le plus. En 1970, l’ensemble de la Sibérie comptait un peu plus de 25 millions d’habitants, environ le dixième de la population de l’Union soviétique, alors que le territoire de la Sibérie, plus de 12 millions de kilomètres carrés, représente plus de 57 p. 100 de celui de l’U. R. S. S., soit environ vingt-cinq fois la superficie de la France. Le nombre de fuseaux horaires (huit), la durée des voyages (notamment par le Transsibérien) donnent une idée plus concrète encore de cet espace.


Le milieu naturel

Quelques traits majeurs différencient la grande plaine européenne de la Sibérie.

La Sibérie est montagneuse. Sans doute, le bassin de l’Ob est-il un immense marécage, mais ailleurs s’élèvent des montagnes. Ainsi, au sud, l’Altaï, qui dépasse 4 000 m, et le Saïan, plus modeste, sont des massifs anciens, rajeunis au Tertiaire. Ces montagnes ont gardé des forêts de résineux, des minerais non ferreux et d’alliage ; le Kouzbass* s’étend à leur pied. Elles possèdent dans leur partie la plus élevée de beaux bassins de steppe d’altitude et des réserves de bois inexploitées.

À l’est du Baïkal, qui trace dans l’écorce terrestre une cicatrice de près de 2 000 m de profondeur, s’allongent des arcs élevés, plus ou moins moulés sur le bouclier de l’Angara : ainsi, vers l’est, les Iablonovyï, les Stanovoï, les chaînes de Verkhoïansk, et au nord-est celles qui constituent la presqu’île des Tchouktches. Les altitudes se tiennent entre 2 000 et 3 000 m.

En Sibérie centrale, le bouclier de l’Angara représente une boursouflure assez négligeable sur le plan orographique. Il est entouré de bassins houillers, de chaînes bien moulées sur la forme du bouclier, creusées de gorges superbes qui rendent le relief très accidenté.

Enfin, en Extrême-Orient, les plis de l’île de Sakhaline, les Kouriles, le Kamtchatka appartiennent au nord de la « Ceinture de feu » du Pacifique, où le volcanisme est loin d’être éteint, trait original en U. R. S. S.

Le climat est beaucoup plus rude qu’en Europe, le froid plus sec, les pluies ou les neiges sont moins fréquentes. L’Oural oppose une barrière aux dernières perturbations océaniques. Surtout, les zones climatiques et de végétation sont plus larges, poussant des apophyses plus loin vers le sud. Ainsi la toundra, mince en Europe, s’étale sur les plateaux, le sommet des caps et des presqu’îles, comme Taïmyr ou le Kamtchatka. Au nord, quelques îles seulement sont libres de glace (Nouvelle-Zemble), mais, à partir de la mer des Laptev, tout peut être gelé certains étés. La merzlota, ou « sol perpétuellement gelé », relativement rare en Europe, s’étend au nord d’une ligne qui passe par l’embouchure de l’Ob, la haute Toungouska et le bas Oussouri, c’est-à-dire dans la zone de la forêt. La forêt elle-même se compose en grande partie de mélèzes, bien adaptés à la relative sécheresse : elle est de loin la plus vaste forêt de résineux du monde et renferme la moitié environ des réserves mondiales de bois. Mais l’épicéa, le sapin, les bouleaux même ont disparu. Seul le ruban de forêt traversé par le Transsibérien a gardé des traits européens, tandis que la forêt d’Extrême-Orient commence dans les bassins de l’Amour inférieur. Tous ces exemples montrent que la Sibérie dans l’hémisphère Nord est le pôle du froid. La station d’Oïmekon (ou Oïmiakon), avec un froid absolu de – 84 °C, a détrôné Verkhoïansk. Il est remarquable de constater que les isothermes, surtout l’hiver, se moulent autour de la basse Lena. Quant à l’été (le printemps ne durant que quelques jours), il est chaud et surtout humide et brumeux, et la population est accablée par les moustiques. La zone de la toundra ne dépasse pas la moyenne de 10 °C l’été, alors que la forêt peut connaître des températures supérieures à 30 °C.


La population et les ressources

La Sibérie est peu peuplée ou sous-peuplée. Les peuples indigènes — d’ethnies variées —, nettement localisés, de nature hyperboréenne, éleveurs de rennes, ne dépassent pas le demi-million, auquel il faut ajouter le chiffre des plus évolués, les Iakoutes, environ 300 000 dans la république autonome qui a été formée. L’ensemble des 25 millions d’habitants d’origine européenne se localise le long du Transsibérien, dans les îlots de steppe au sud, à proximité d’une recherche ou d’une exploitation minières. La Sibérie comprend beaucoup d’arrondissements nationaux, ou okroug, précisément à cause de la diversité des populations autochtones. C’est également le pays où le pourcentage de population urbaine, composée majoritairement de Russes, est le plus élevé, de 60 à 90 p. 100.

La Sibérie est un immense réservoir de richesses, soupçonnées déjà par les premiers colons, vagabonds, émigrés, Cosaques, et dont certaines furent déjà exploitées par la Russie tsariste. Depuis le régime de planification, des centaines d’équipes de géologues multiplient les prospections.

C’est ainsi qu’ont été découverts les gisements de charbon d’excellente qualité du Kouzbass (qui forme avec l’Oural, plus riche en fer, un combinat sidérurgique), les bassins charbonniers aux réserves énormes, les plus riches de l’U. R. S. S., mais non encore exploités, entourant le bouclier de l’Angara (bassins des Toungouska Supérieure et Moyenne, gisements de la Lena, ceux de la presqu’île des Tchouktches, sans compter les bassins de moindre importance, échelonnés, à partir du Baïkal, jusqu’à Vladivostok).