Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Shaba (suite)

Les précipitations annuelles sont presque partout inférieures à 1 400 mm (Kamina : 1 331 mm ; Lubumbashi : 1 248 mm ; Kalémié : 1 170 mm) et tombent même au-dessous de 1 000 mm dans certaines régions encaissées. L’année est marquée par une longue saison sèche de cinq à sept mois : d’avril-mai à septembre-octobre. Sauf dans les zones basses, la température moyenne annuelle est modérée : 21 °C à Lubumbashi (1 300 m d’altitude), 19 °C à Kolwezi (1 505 m) ; les minimums sont très marqués (il gèle localement), et les amplitudes diurnes et annuelles sont accentuées. L’ensoleillement est très long. Le paysage végétal le plus courant est celui de la forêt claire : arbres de taille moyenne, peu serrés, perdant leurs feuilles en saison sèche ; tapis herbacé détruit par les incendies annuels. La forêt cède la place vers le nord à la savane arborée ; les arbres disparaissent dans certaines dépressions marécageuses, ou « dembos » ; la forêt-galerie accompagne souvent les cours d’eau.

La densité rurale est faible, inférieure à 1 habitant au kilomètre carré sur le quart du territoire. Quelques régions connaissent une relative concentration : celle de l’Upemba et les rives du lac Moero, où la pêche est active. La population se divise en une trentaine de « tribus » bantoues formant des groupes ethniques, dont les plus connus sont les Lambas, les Loundas, les Tchokwés et surtout les Loubas, qui avaient pu établir un royaume puissant. Mais elle compte également un grand nombre d’immigrés venus de toutes les régions du Zaïre et de l’étranger (surtout de Zambie) pour s’embaucher dans les mines et les usines. Villes et « centres extra-coutumiers » rassemblent plus du quart des habitants. Lubumbashi a atteint 318 000 habitants en 1970.

L’agriculture utilise les techniques traditionnelles du brûlis ou de l’écobuage ; dans le Sud-Est, les paysans pratiquent encore le système chitiméné : abattage partiel de la végétation sur plusieurs hectares, les débris étant rassemblés et brûlés sur un champ cultivé une seule année. Dans le Nord-Ouest, la culture de base est le manioc ; celui-ci progresse sans arrêt aux dépens du maïs, dominant dans le Centre et qui a lui-même éliminé le millet et l’éleusine, sauf dans le Sud-Est. Le développement urbain n’a eu que fort peu d’influence sur l’ensemble du monde rural, resté très pauvre. Exploitations agricoles et fermes d’élevage se sont installées dans les zones suburbaines.

La grande richesse du Shaba (et du Zaïre) est l’abondance et la variété des ressources minérales. « L’arc du cuivre » passe par les trois principaux centres d’extraction de Kolwezi, de Likasi et de Lubumbashi, et il se prolonge en Zambie dans le Copper Belt. Le minerai à haute teneur (jusqu’à 16 p. 100) est exploité en mines ou, plus souvent, en découvertes grâce à d’énormes engins de manutention qui modèlent les carrières en gradins, typiques du paysage régional. Le cuivre (plus de 400 000 t de métal) est associé à divers autres métaux : cobalt, zinc, cadmium, parfois or, germanium et plomb. En 1967, la toute-puissante Union minière du Haut-Katanga (U. M. H. K.), créatrice d’un énorme empire minier et industriel, a dû céder la place à une entreprise nationale, devenue la Générale des Carrières et des Mines (GECAMINES). On exploite aussi le manganèse à Kisengé, dans l’ouest du Shaba (320 000 t de concentrés), la cassitérite (étain) au sud de Manono et un peu de charbon à Luena.

Quatre centrales électriques sur la Lufira et le Lualaba (2,5 TWh) satisfont les besoins des installations de concentration et de raffinage des métaux, d’où sortent 370 000 t de cuivre en lingots, 10 000 t de cobalt (premier rang mondial) et 60 000 t de zinc. Les usines ont été à l’origine des villes, dont elles dominent le paysage. À elle seule, la GECAMINES emploie 25 000 salariés. La production suscite une activité industrielle variée : complexe métallurgique de Likasi, laminoirs et tréfileries de Lubumbashi, fabrique d’explosifs ; mais la concentration urbaine a entraîné l’installation de bien d’autres entreprises (construction métallique, fonderie, tôlerie, mécanique, minoterie de maïs, huilerie de palmistes, brasseries, manufacture de tabac, filature et tissage, chaussures, etc.). Avec l’un des trois campus de l’UNAZA (Université nationale du Zaïre), Lubumbashi joule un rôle intellectuel grandissant.

Inaccessible par voie fluviale, le Shaba a été désenclavé par des voies ferrées modernes qui le relient aux côtes ouest (Lobito) et est (Beira) du continent, tandis que l’ancien B. C. K. (Bas-Congo-Katanga) aboutit pour l’instant sur le Kasaï. Une grande partie des marchandises transite ainsi par un territoire étranger. L’infrastructure aérienne a été développée : Lubumbashi accueille des quadriréacteurs. Assurant 80 p. 100 en valeur des exportations du Zaïre, le Shaba joue dans l’économie nationale un rôle vital, qui explique la gravité des événements entraînés par sa tentative de sécession après 1960 et par l’intervention, en 1977, des anciens gendarmes katangais venus de l’Angola.

P. V.

➙ Zaïre.

 Atlas du Katanga (Comité spécial du Katanga, Bruxelles, 1929-1940 ; 4 fasc.) / J.-L. Lacroix, Industrialisation au Congo, la transformation des structures économiques (Mouton, 1966). / J. Denis, P. Vennetier et J. Wilmet, l’Afrique centrale et orientale (P. U. F., coll. « Magellan », 1971).

Shakespeare (William)

Poète dramatique anglais (Stratford on Avon, Warwickshire, 1564 - id. 1616).



Le contexte historique

Au sortir du chaos sanglant de la guerre des Deux-Roses, la dynastie des Tudor* avait apporté à l’Angleterre la paix et la sécurité. La question religieuse, réglée par un compromis, était devenue secondaire. Un pasteur, qui fut l’un des premiers à écrire un mémoire biographique sur Shakespeare, conclut tranquillement : « Il mourut papiste » ; en rejetant l’autorité du pape, Henri VIII avait conquis pour le pays l’esprit de libre expérience comme celui de libre entreprise, liés à une infrastructure soudain très progressiste. La démarche souple et agile de l’âge nouveau se trouve dans les petits romans de Thomas Deloney proclamant la gloire modeste et efficace des patrons du textile aussi bien que dans les écrits de Francis Bacon* préparant la science moderne par l’esprit d’expérience et d’induction. Autant que la manufacture progressait l’agriculture, en bonne partie grâce aux « clôtures » qui élargissaient le domaine privé aux dépens des communaux et commençaient l’éviction de la paysannerie. Shakespeare était des propriétaires fonciers qui eurent leur part de cette bonne affaire. Comme les bourgeois romains du temps de Menenius Agrippa et de Coriolan, il ne craignit pas, en temps de disette, de réserver des grains pour les vendre plus cher. Il fut, avec conviction, de son temps : celui d’une grande reine, savante, pragmatique, courageuse, énergique et prudente, dont la personnalité complexe domina son époque depuis son avènement, en 1558, jusqu’à sa mort, en 1603. Élisabeth Ire* fut pour tout son peuple une idole, un mythe vivant, une Diane chrétienne, la Reine Vierge. Ses sautes d’humeur, ses fureurs l’humanisent, et Strindberg pense qu’elles sont passées dans la Cléopâtre de Shakespeare, dont elle est autrement l’opposé. L’âge l’assombrira : la Fortune n’a que des sourires contraints pour les vieilles coquettes, et son dernier favori, Essex, jeune étourdi intrépide, arrogant et fantasque, dont il semble que Shakespeare se soit souvenu pour camper la figure glorieuse et absurde de Hotspur en face d’Henri IV, et peut-être celle de Coriolan, n’était pas un bon choix. Dépité du mauvais succès de ses imprudentes entreprises, Essex finit par déclencher dans Londres une insurrection dont l’échec fut quasi ridicule, et la reine se résigna à le laisser condamner et décapiter (Bacon, qui n’est pas Shakespeare, fut son impitoyable accusateur). L’époque fut pour l’Angleterre un grand siècle, marqué par les débuts de l’expansion impérialiste, les découvertes et le premier pillage du monde. La dernière grande pièce de Shakespeare, la Tempête, pose sous forme de féerie le problème colonial.