Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Serbie (suite)

Les trois fils d’Étienne règnent successivement : Radoslav (1227-1234), qui subit l’influence byzantine ; Vladislav (1234-1243), qui est lié par son mariage à l’empereur bulgare ; enfin Étienne IV Uroš Ier le Grand (1243-1276). Du vivant de son père, le fils d’Uroš, Étienne V Dragutin, avec l’aide des Hongrois, s’empare du trône ; Uroš se fait moine, tandis que sa femme, Hélène d’Anjou, prend la tête de la région de Zeta, qu’elle gouvernera pendant trente ans.

À la suite d’échecs dans la lutte contre Byzance, Étienne V Dragutin (1276-1282) doit passer le pouvoir à son frère Milutin ; il conserve cependant des terres dans le nord de la Serbie. Étienne VI Uroš II Milutin (1282-1321) étend le royaume aux dépens de Byzance, surtout en Macédoine. À la mort de Dragutin, Milutin s’empare d’une partie des terres de son frère après avoir lutté contre les Hongrois. Il doit aussi réprimer une révolte de son fils Étienne, gouverneur de Zeta, qui sera aveuglé et envoyé en exil à Byzance. Après la mort subite de Milutin en 1321, trois prétendants se disputent le trône : les fils de Milutin, Étienne, soutenu par les nobles, et Constantin, qui est en Zeta, et le fils de Dragutin, Vladislav.

C’est Étienne VIII Uroš III Dečanski (1321-1331) qui l’emporte. Il conquiert des terres dans la vallée du Vardar ; Bulgares et Byzantins s’allient pour arrêter son avance, mais ils sont battus à Kjustendil (1330). La Serbie s’affirme dès lors une puissance balkanique de première importance.

Sous Étienne IX Uroš IV Dušan (1331-1355), la Serbie s’allie avec la Bulgarie et maintient le statu quo avec la Hongrie. Dušan développe la lutte contre Byzance : dans un premier temps, il étend son pouvoir jusqu’à Ohrid et Prilep (1334), puis, profitant de troubles dynastiques à Byzance, il conquiert l’Épire, la Thessalie et atteint le golfe de Corinthe et l’ouest de la péninsule. Ayant pressenti le danger représenté par les Turcs, qui en 1354 se sont installés à Gallipoli, il propose au pape de devenir capitaine de la chrétienté, mais n’obtient pas son accord ; il meurt peu après. Sous son règne, l’État serbe du Moyen Âge a atteint son apogée : en 1346, Dušan a été consacré empereur à Skopje, devenue sa capitale ; en 1349, il institue un Code demeuré célèbre ; l’Église serbe, enfin, est désormais autocéphale.

Après sa mort (1355), l’empire, trop hétérogène, se disloque. Le fils de Dušan, Étienne X Uroš V (1355-1371), dernier empereur et dernier Nemanjić, se heurte aux grands féodaux ; les Turcs poursuivent leur avance dans les Balkans et gagnent une première bataille sur la Marica (1371).

Après la mort du dernier Nemanjić c’est un noble, Lazare Hrebeljanović (1371-1389), qui prend le pouvoir, avec le titre de prince, et installe sa capitale dans le nord, à Kruševac. Il essaie de restaurer l’ordre dans la principauté avec l’aide du roi de Bosnie*, Tvrtko Ier. Profitant du désordre en Anatolie, il bat les Turcs en 1387. Mais le sultan Murat Ier accourt et un nouveau combat s’engage à Kosovo polje en juin 1389. À l’issue d’une bataille difficile au cours de laquelle le Sultan est tué, les Serbes sont vaincus ; la défaite de Kosovo polje prend dans l’histoire serbe l’allure d’une tragédie nationale dont le souvenir est resté vivace, notamment dans un cycle de chants populaires et au monastère de Ravanica. Toutefois, la principauté subiste : le fils de Lazare, Étienne Lazarević (1389-1427), vassal des Turcs, aide ceux-ci lors de la croisade de Nicopolis contre les chrétiens ; mais, profitant des luttes intestines chez les Turcs, il renforce son pouvoir avec l’aide des Hongrois, dont il obtient Belgrade, qui devient pour la première fois capitale de l’État serbe. Étienne Lazarević reprend aussi les terres de Zeta.

Après sa mort, c’est son neveu Georges Branković (1427-1456) qui lui succède ; celui-ci continue de renforcer la principauté avec l’aide des Hongrois, qui lui reprennent cependant Belgrade ; il situe sa capitale alors à Smederevo, où il élève une forteresse. Mais les Turcs reprennent leurs conquêtes : en 1427, Braničevo à l’est est perdu ; en 1441, la majeure partie de la Serbie est soumise ; après la chute de Byzance, Smederevo doit se rendre (1459). Les nobles fuient dans les terres du Nord sous contrôle hongrois.


La domination turque

La Serbie passe sous la domination des Turcs, qui y instaurent le système féodal des sipahi et lèvent l’impôt du sang. En 1557, grâce à un vizir serbe, le statut de patriarcat est restauré à Peć pour l’Église orthodoxe serbe, rattachée au xve s. à l’archevêché d’Ohrid. Cette Église joue un rôle important sous la domination turque, en entretenant parmi la population les traditions et la culture nationales et en soutenant la résistance aux Turcs. Elle s’efforce d’autre part d’établir des liens avec l’étranger, avec la Russie en particulier. Son autonomie sera progressivement réduite par les Turcs, qui, en 1766, supprimeront le patriarcat. Des patriotes serbes continuent de résister aux Turcs : ce sont les hajduks, qui attaquent l’occupant et organisent des soulèvements lors des guerres austro-turques.

En 1688, la Serbie est temporairement libérée du joug turc par l’Autriche. Mais, dès 1690, les Turcs reviennent et s’installent cette fois au sud du Danube : Belgrade, qui est devenue un centre artisanal et commercial important, est transformée en une forteresse frontière. À la suite d’une nouvelle guerre austro-turque, le traité de Passarowitz (1718) donne à l’Autriche le droit d’occuper le nord de la Serbie et Belgrade, qu’elle gardera jusqu’au traité de Belgrade de 1739 mettant fin à la guerre de 1736-1739. En 1789, l’Autriche occupera de nouveau Belgrade pour une année, mais son administration laissera un assez mauvais souvenir.

Cependant, les représailles turques provoquent la fuite de la population vers les régions autrichiennes : la plus célèbre de ces migrations a lieu en 1640 quand 30 000 familles serbes quittent le Kosovo avec à leur tête le patriarche Arsène Crnojević, et obtiennent de l’empereur le droit de s’établir au nord du Danube, en Vojvodine.