Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Serbie (suite)

La Vojvodine

C’est une vaste plaine, fond du Bassin pannonien, descendant parfois au-dessous de 100 m d’altitude et traversée par la rivière Tisza. Les hivers peuvent être encore rudes, mais les étés sont très chauds et la moitié des pluies s’abattent régulièrement durant les trois mois de l’été. Les caractères de la Vojvodine (efflorescences salines, maisons de pisé, précipitations parfois inférieures à 500 mm) annoncent déjà les grandes plaines de l’est de l’Europe. Le canal Danube-Tisza-Danube doit contribuer à l’irrigation nécessaire.

Le pays est un grenier agricole. Les grands domaines, d’origine magyare ou yougoslave, ont été convertis en unités ou exploitations d’État associant production végétale et animale et industries alimentaires. Comme en Hongrie, les gros villages de colonisation du xviiie s., en damier, et des formes variées d’habitat intercalaire s’insinuent dans le réseau de « villes agricoles », de plusieurs milliers d’habitants, encore habitées par des cultivateurs. La Vojvodine est la grande région de production des plantes industrielles (fourrages, betterave à sucre, tournesol et autres oléagineux, etc.) et celle où sont tentées non seulement des expériences agronomiques, mais aussi des formes nouvelles d’autogestion. On peut citer parmi les grands domaines intégrés ceux de Zrenjanin et de Belje, ce dernier s’étendant sur plus de 50 000 ha.

La présence d’une minorité de plus d’un demi-million de Hongrois ajoute à ces traits qu’on peut qualifier de pannoniens. Les centres principaux sont situés sur le Danube (avec la capitale, Novi Sad) et la Tisza ; près de la frontière hongroise se trouvent Senta, Subotica et Sombor.

L’exploitation de nappes de gaz naturel et de pétrole, notamment près d’Elemir, permet d’alimenter une raffinerie, l’usine d’engrais de Pančevo et les villages dispersés qui reçoivent le gaz naturel.


Le Kosovo

Il s’oppose presque point par point à la Vojvodine. Peuplé d’Albanais, qui ont gardé des coutumes ancestrales, le Kosovo est le pays où le nombre de personnes par famille (presque sept en 1971) est le plus élevé. Ses communes, montagnardes et pastorales, accusent un revenu national très inférieur à celui des villes et des riches campagnes du Nord. L’analphabétisme y est toujours répandu. Il existe peu d’industries, à l’exception des mines (plomb et zinc de Trepča et fonderie de plomb de Kosovska Mitrovica, un peu de chrome et du lignite). Il est remarquable de constater que la population excédentaire (densité de plus de 114 en 1971, la plus élevée de la fédération) n’émigre pas, ni dans les villes, restées de gros bourgs ruraux à caractère oriental, tels Priština et Mitrovica, ni à l’étranger, où l’éloignement comme le manque de qualification l’empêchent de trouver des emplois. Le maintien de la croissance naturelle, l’isolement — malgré la fondation de petites villes nouvelles — paralysent l’effort d’investissement consenti par le Fonds fédéral d’aide aux régions classées comme sous-développées. Restent l’artisanat local, les combinats alimentaires et l’élevage, demeuré transhumant.

A. B.


L’histoire


La fondation de l’État serbe

Lors de leur installation dans les régions yougoslaves au vie s., les Serbes occupent surtout la région de la vallée de la Morava. Pendant longtemps, ils restent divisés en multiples « župe » ayant à leur tête un « župan » ; des essais de regroupement apparaissent cependant en Raška tout d’abord et dans la région de Dioclée, près de la côte (actuel Monténégro).

Les Serbes doivent s’affirmer contre Byzance et contre les Bulgares ; c’est sous l’influence de Byzance qu’ils se christianisent au ixe s. ; la région de Raška (Rascie) est incluse dans le premier Empire bulgare, mais le župan Časlav lui fait retrouver son indépendance au milieu du xe s. et crée une principauté assez étendue ; cependant la majeure partie des terres serbes est comprise dans l’Empire bulgare du tsar Samuel à la fin du xe et au début du xie s.

À cette époque commence à s’imposer en Dioclée (v. Monténégro) une principauté avec le prince Vladimir (970-1016), vassal de Byzance, puis avec le prince Stefan Vojislav (1031-1051). Le prince Mihailo (1050-1082) obtient du pape le titre de roi ; son fils Bodin (1092-1101) étend le royaume vers le sud et le nord-est ; l’État de Zeta (ancien nom du Monténégro) a pris naissance. Au xiie s., c’est à partir de la Raška que va s’édifier l’État serbe, mais le titre du roi de Serbie conservera la trace des deux régions initiales.

L’État serbe du Moyen Âge se développe avec Étienne Nemanja, fondateur de la dynastie des Nemanjić, qui devient grand župan vers 1170. Étienne Nemanja lutte contre Byzance : vaincu tout d’abord, il fait soumission, mais garde son titre ; après la mort de l’empereur Manuel Comnène (1180), il étend ses territoires vers le sud, occupe la Zeta et donne cette région à son fils Vuk, qui prend le titre de roi de Zeta. À partir de cette époque, la région sera gouvernée par le fils du roi ou par un membre de la famille royale, en tant que royaume tout d’abord, puis à partir de 1242 en tant que principauté. Étienne Nemanja essaie sans succès d’annexer Dubrovnik : il signe alors avec la ville un traité de commerce. En 1196, il abdique en faveur de son fils, Étienne Ier Nemanjić (1196-1227), marié à une princesse byzantine ; sous le nom de Siméon, il devient moine et entre au monastère de Studenica, qu’il a fondé, puis va au mont Athos, où se trouve déjà son plus jeune fils, Sava. Tous deux créent le monastère de Hilandar, qui deviendra un centre culturel serbe important ; Siméon y meurt en 1200.

Sa mort déclenche une guerre civile qui oppose son fils Étienne, soutenu par les Bulgares, et Vuk, aidé par la Hongrie et le pape ; Étienne est battu, mais les Bulgares l’aident à reprendre le pouvoir. Finalement, Sava, revenu du mont Athos, rétablit l’accord entre ses frères aînés. Étienne (Étienne Ier Nemanjić) garde le pouvoir ; après avoir répudié sa femme, d’origine byzantine, il épouse la nièce du doge de Venise ; en 1217, il obtient du pape Honorius III la couronne royale. Le clergé orthodoxe serbe, mécontent, le couronnera de nouveau en 1222 ; il sera ainsi Étienne Prvovenčani (le « premier couronné »). À la même époque, Sava obtient du patriarche de Byzance la formation d’un archevêché serbe indépendant et organise l’Église serbe autochtone.

Après la mort d’Étienne Prvovenčani, la Serbie traverse une période de stagnation avec des rois à la personnalité moins forte qui luttent entre eux pour le pouvoir et sont soumis à l’influence des puissances voisines.