Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Serbie (suite)

À la fin du xviiie s., les Turcs accordent une plus grande autonomie à la région de Šumadija : perception d’un tribut fixe par les chrétiens mêmes, interdiction du retour des janissaires dans les terres serbes. Le paşa de la région est d’ailleurs favorable aux réformes, mais il se heurte aux janissaires qui demeurent dans les villes et qui, en 1801, le tuent. Les exactions contre la population augmentent.

Un premier projet de révolte est éventé et les chefs (Aleksa Nenadović et Ilija Birčanin) sont exécutés à Valjevo (janv. 1804). Mais le mouvement de révolte se développe sous la conduite de Karadjordje (Karageorges). Des succès importants sont remportés par celui-ci (bataille de Mišar en août 1806, prise de Belgrade en janv. 1807) ; mais les négociations conduites avec la Porte par Pierre Ičko dans le dessein d’obtenir un statut d’autonomie pour la Serbie échouent. Lors d’une attaque des insurgés, le vojvode Stevan Sinđelić subit une défaite devant Niš en 1809 : les têtes des soldats serbes, empilées par les Turcs, formeront la Ćele kula (tour des Crânes) dont parle Lamartine dans son Voyage en Orient. Depuis 1809, un détachement russe est présent à Belgrade, mais il est retiré en 1812 après la signature du traité de Bucarest entre la Russie et la Turquie ; les Serbes obtiennent alors peu de satisfactions, et la guerre reprend : les Turcs sont vainqueurs, Karadjordje passe en Autriche (nov. 1813), tandis que les Turcs réoccupent les terres serbes.

Les rivalités des vojvodes entre eux et avec Karadjordje ont contribué à affaiblir le mouvement ; toutefois, les soulèvements ont facilité un début d’organisation étatique : un acte constitutionnel et un code sont rédigés ; un effort est fait pour développer l’éducation.

En réponse aux nouvelles exactions des Turcs, une nouvelle révolte est organisée par l’un des princes restés en Serbie, Miloš Obrenović ; après des victoires serbes, un armistice est conclu, et les Turcs, dont la position internationale est affaiblie par la défaite de la France à Waterloo, accordent une certaine autonomie à la Serbie, avec Miloš Obrenović comme grand-prince.


Vers l’indépendance

Les conditions de l’autonomie seront définies en 1826 à la conférence d’Akkerman, conditions dont l’exécution sera suspendue lors de la guerre russo-turque avant d’être confirmées par un hatišerif de 1829 : celui-ci fixe le montant du tribut annuel, met fin au régime féodal turc, limite la présence des garnisons turques à six villes (dont Belgrade) ; la famille Obrenović se voit reconnaître un droit héréditaire. De plus, six régions situées au sud et momentanément libérées pendant le soulèvement sont rattachées à la Serbie.

À l’intérieur, Miloš Obrenović mène une politique autoritaire, luttant contre les princes du Conseil et éliminant l’opposition (assassinat de Karadjordje en 1817, répression de la révolte des princes en 1834) ; le prince contribue grandement au développement intérieur et extérieur de la Serbie.

Se voyant imposer par les Turcs une constitution qui limite ses pouvoirs, Miloš décide d’abdiquer en juin 1839, en faveur de son fils Milan Obrenović qui meurt presque aussitôt ; son autre fils, Michel, devient alors prince sous le contrôle de tuteurs institués par les Turcs ; sans autorité, il est renversé en 1842 par le fils de Karadjordje, Alexandre (1842-1858).

Sur le plan extérieur, le ministre Ilija Garašanin établit un plan qui envisage la dissolution éventuelle de l’Empire ottoman et une extension de la Serbie sur les terres habitées par des Serbes vivant encore sous le joug étranger ; la révolution de 1848 est en effet l’occasion de contacts avec les Serbes sous occupation autrichienne. Au congrès de Paris, en 1856, l’autonomie de la Serbie est placée sous la garantie des grandes puissances. Sur le plan intérieur, l’organisation de l’État se développe (Code civil en 1844), mais l’opposition entre le prince et le conseil se durcit ; le prince, peu populaire, est contraint d’abdiquer en 1858 et Miloš est rappelé : il régnera de janvier 1859 à septembre 1860, restant fidèle aux méthodes autoritaires.

À la mort de Miloš, c’est son fils Michel qui lui succède (1860-1868). Sous son règne, à la suite d’une rixe déclenchée à Belgrade en 1862, la Serbie obtient l’évacuation des forteresses encore occupées par les garnisons turques.

D’autre part, le plan de Garašanin est mis en application avec le développement de la propagande panserbe hors de Serbie et la conclusion de traités avec divers pays balkaniques en vue d’une coopération dans la lutte contre les Turcs (Monténégro en 1866, Grèce en 1867). Alors que son éventuel remariage avec une cousine divise les ministres, le prince Michel est assassiné en juin 1868, sans doute à l’instigation de partisans de Karadjordje. C’est cependant un cousin du prince Michel, Milan Obrenović, alors âgé de treize ans, qui lui succède (1868-1889), sous le contrôle d’une régence.

Une Constitution très absolutiste est accordée en 1869. On voit alors se constituer des formations politiques : ces années sont marquées par l’activité d’un socialiste, Svetozar Marković (1846-1875) ; un parti radical se forme dont les chefs sont poursuivis à la suite d’une révolte dans l’est de la Serbie. Le parti radical, qui a été l’animateur de ce mouvement, obtient la majorité à l’assemblée. Appelé au gouvernement, il contribue à l’adoption d’une Constitution qui institue le parlementarisme.

Sur le plan extérieur, la Serbie se solidarise avec le soulèvement de Bosnie-Herzégovine de 1876, attaquant même la Turquie ; malgré les défaites serbes, le statu quo est maintenu grâce à l’intervention russe (paix de Constantinople.

Après l’entrée en guerre de la Russie contre les Turcs, et sa victoire, le traité de San Stefano (mars 1878) prévoit un agrandissement territorial important pour la Serbie. Mais le traité est rendu caduc par le traité de Berlin, qui confirme cependant l’indépendance totale de la Serbie et son extension dans la région de Niš. En 1882, Milan se proclame roi.