Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sensation (suite)

• Codage de la durée. Les enregistrements portés sur la figure 9 correspondent à quatre types de fibres nerveuses, qui sont souvent associées dans les mêmes récepteurs. Le type a est qualifié de statique ou de tonique : il répond pendant longtemps à une stimulation de longue durée. Le type b ne réagit qu’aux premiers instants de la stimulation, puis s’adapte rapidement et n’est plus le siège d’aucun message si la stimulation persiste (effet on des auteurs anglo-saxons). Ce type est qualifié de dynamique ou de phasique. Plus curieux est le type c, qui ne réagit qu’à la cessation de la stimulation (effet off). Enfin, le type d ne réagit qu’aux changements, que ceux-ci consistent dans l’apparition ou dans la disparition du stimulus (effet on-off). On comprend qu’un centre nerveux où aboutissent ces quatre types de fibre soit richement informé, puisque l’apparition ou l’accroissement brusque du stimulus, sa disparition ou sa diminution brusque, sa persistance invariante lui apparaissent, en quelque sorte, comme des événements qualitativement différents.

En second lieu, il est fréquent qu’un stimulus soit rythmique, et les fibres de types b, c et d sont alors particulièrement aptes à en faire connaître le rythme aux centres nerveux. Enfin, l’adaptation permet au cerveau de détourner son attention des phénomènes invariants pour la porter par priorité sur les changements, généralement plus riches de menaces et de promesses.

Gustav Theodor Fechner

Psychologue et philosophe allemand (Gross Särchen, Lusace, 1801 - Leipzig 1887).

D’abord médecin, il devint professeur à l’université de Leipzig. Menacé de cécité, il interrompit son enseignement (1840) et le reprit en 1846 pour occuper une chaire de philosophie. Il enseignait que Dieu est au monde comme l’âme est au corps, que les âmes individuelles sont des parties de l’âme divine, que la matière se réduit à des centres de forces.

En 1850, il formula une loi logarithmique relative à l’intensité des sensations et fondée sur la constance de la fraction différentielle établie par Pierre Bouguer (au xviiie s.) et Ernst Heinrich Weber (1846) : la loi de Fechner a été à la base du développement de la psychophysique et de la psychologie expérimentale. (V. psychologie.)


Le traitement central de l’information sensorielle

Chez l’Homme et les animaux supérieurs, le nombre des relais qui s’interposent entre le neurone sensoriel et le centre percepteur est parfois élevé, les connexions latérales et les actions récurrentes sont nombreuses, et il est hors de question d’étudier dans le cadre de cet article une matière aussi complexe. Bornons-nous à en dégager quelques aspects simples.

• La convergence. C’est le déversement, dans un seul neurone, de messages issus de plusieurs fibres en synapse avec ce neurone. C’est, par exemple, la convergence rétinienne qui permet l’extrême sensibilité de l’œil aux faibles lumières, au détriment de la précision du signe local.

• La divergence. C’est, au contraire, la répartition, entre plusieurs neurones, des informations issues d’une seule fibre. Elle joue un rôle important dans le fonctionnement du cervelet, par exemple.

• L’inhibition latérale. Cas particulier du phénomène très général de l’inhibition neuronique, dans lequel l’arrivée d’un potentiel d’action à un neurone, loin d’activer celui-ci, le rend réfractaire aux messages qu’il transmet habituellement, l’inhibition latérale « efface » pour ainsi dire les informations subalternes, concurrentes de celle qui requiert l’attention, et accentue ainsi les contrastes : juste à côté d’une tache verte intense, une tache blanche paraît rose (couleur complémentaire du vert) ; une irritation quelque peu diffuse de la peau est localisée exclusivement au point le plus irrité, etc.

• La symétrie. L’écart qui sépare nos deux yeux, ou nos deux oreilles, permet qu’à chaque instant notre univers visuel ou auditif du côté gauche diffère légèrement de celui du côté droit. La comparaison, au niveau central, des « hémisphères » droit et gauche dans chaque domaine assure les visions du relief, l’orientation des sons. Chez les Serpents, l’organe pair de Jacobson, recueillant les molécules récoltées au sol par les deux pointes de la langue et les comparant, guide l’animal dans le choix de sa route.

• Phénomènes plus complexes. Des études récentes, poursuivies notamment sur le Chat et le Chien, ont révélé d’étonnantes propriétés de certains neurones corticaux, qui ne répondent qu’à des stimuli tout à fait particuliers : mouvement, dans une certaine direction, d’un court bâtonnet orienté dans une autre direction, en ce qui concerne la vision ; ligne mélodique propre à un cri de reconnaissance, en ce qui concerne l’audition.

Enfin, on ne saurait terminer cette étude de la sensation sans rappeler le phénomène essentiel de l’intégration des données sensorielles de nature différente. Non seulement l’Homme fait un usage identique d’informations transmises verbalement (« entrée » auditive) ou par écrit (« entrée » visuelle) et peut y réagir par le même geste (« sortie » musculaire identique), mais les animaux supérieurs semblent bien interpréter comme signes de la même présence (celle d’un ennemi, d’une proie, d’un partenaire sexuel, etc.) une odeur, un son ou une forme. La psychologie animale est riche en exemples de cette convergence intersensorielle, fondement lointain de la notion d’objet.


Conclusion

Qu’elle informe l’animal sur les événements qui se produisent autour de lui ou sur ceux dont son propre organisme est le signe, qu’elle s’appuie sur un appareil simple ou complexe, la sensation semble, dans tout le règne animal, obéir aux mêmes grandes règles générales. En tout cas, et contrairement à l’idée que l’on s’en fait ordinairement, elle ne fournit pas une image, un reflet du monde extérieur, mais un message codé au sujet de certaines des formes d’énergie à l’œuvre dans le monde. Mais les progrès de la recherche, en physique notamment, révèlent un monde si éloigné de celui que nos sens veulent bien nous révéler que seule l’abstraction mathématique se montre adéquate à en exprimer toute la finesse.

H. F. et Y. G.