Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

sensation (suite)

➙ Animal / Audition / Gustation / Nerveux (système) / Odorat / Perception / Physiologie / Psychologie / Réflexe / Sensibilité / Seuil / Tact / Vision.

 W. Wundt, Grundzüge der physiologischen Psychologie (Leipzig, 1873-74, 2 vol., 6e éd., 1908-1911, 3 vol. ; trad. fr. Éléments de psychologie physiologique, Alcan, 1886, 2 vol.). / E. Mach, Erkenntnis und Irrium (Leipzig, 1905 ; trad. fr. la Connaissance et l’erreur, Flammarion, 1908). / C. S. Sherrington, The Integrative Action of the Nervous System (New York, 1906 ; nouv. éd., New Haven, Connect., 1947) ; Man and his Nature (Cambridge, 1940 ; nouv. éd., Harmondsworth, 1955). / H. Piéron, la Sensation, guide de vie (Gallimard, 1945 ; nouv. éd., 1955) ; la Sensation (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1953 ; 6e éd., 1974). / A. Kuntz, A Textbook of Neuroanatomy (Londres, 1946). / H. Piéron, B. Chocholle et J. Leplat, Sensation et motricité (P. U. F., 1963). / J. D. Carthy et G. E. Newell (sous la dir. de), Invertebrate Receptors (Londres, 1968). / M. S. Gordon et coll., Animal Function : Principles and Adaptation (Londres, 1968). / W. R. Loewenstein (sous la dir. de), Principles of Receptors Physiology, t. I de Handbook of Sensory Physiology sous la dir. de H. Autrum (Berlin, 1971 ; 8 vol.).

sensibilité [chez l’Homme]

Propriété que possèdent certaines structures du système nerveux de recevoir, de transmettre ou de percevoir des impressions (v. sensation).



Voies nerveuses de la sensibilité
Anatomie et physiologie

L’organisme humain est exposé à des stimulations physiques et chimiques incessantes qui proviennent des organes et des tissus et qui sont sous la dépendance de leur fonctionnement et des actions exercées par les agents extérieurs. La sensibilité, en neurologie, ne concerne qu’un petit nombre de ces stimulations et des voies centripètes qu’elles empruntent. Ces voies convergent vers le thalamus (ou couches optiques) et le cortex cérébral : elles permettent au sujet conscient de se livrer à une analyse qualitative et quantitative des stimuli auxquels il est soumis et de reconnaître sur son corps le lieu de leur application. Ainsi conçue, la sensibilité est indissociable de la conscience ; elle a de nombreux points de contact avec les réactions affectives.

On distingue deux modes principaux de sensibilité :
— la sensibilité proprioceptive, qui renseigne sur les attitudes et le déplacement des segments du corps (ou sensibilité kinesthésique) ;
— la sensibilité extéroceptive, qui recueille les sensations provoquées par le tact, la pression, le froid et le chaud (sensibilité thermique) et les sensations douloureuses.


Les récepteurs de la sensibilité

Ils transmettent aux fibres nerveuses vectrices de la sensibilité les stimuli sensitifs.

• Les récepteurs de la sensibilité proprioceptive. Ils sont situés dans les muscles, leurs gaines, les tendons, les capsules et ligaments articulaires (qui contiennent également d’autres récepteurs). Ils sont sensibles aux variations de tension et de pression.

• Les récepteurs de la sensibilité extéroceptive cutanée. Ils sont répartis dans l’ensemble du revêtement cutané, mais de façon inégale selon les divers points ; en effet, certains territoires sont plus riches que d’autres en récepteurs, certains types de récepteurs prédominent en divers endroits. On en distingue plusieurs variétés : les mécanorécepteurs, sensibles aux actions mécaniques (pression, étirement, etc.) ; les thermorécepteurs (sensibles au chaud et au froid) ; les récepteurs de la douleur, constitués par les terminaisons nerveuses libres situées dans la peau (v. tact). En fait, tous les stimuli (mécaniques, chimiques, thermiques) peuvent déclencher la douleur à condition qu’ils soient suffisamment intenses et menacent l’intégrité des tissus, d’où le nom de « sensibilité nociceptive » parfois donné à la sensibilité à la douleur.

Cette spécialisation des récepteurs (proprio- ou extéroceptifs) a été longtemps discutée. On admet actuellement qu’il n’y a pas de spécificité absolue des différents récepteurs pour les diverses sensibilités, mais que ceux-ci sont d’autant plus spécialisés qu’ils transmettent leur message à des fibres nerveuses de calibre plus élevé.


Les voies de la sensibilité (fig. 1)

Les messages sensitifs sont transmis par les récepteurs sensitifs spécialisés ou par les terminaisons nerveuses libres à des fibres sensitives, prolongements périphériques des premiers neurones ou protoneurones sensitifs. La spécialisation, présente dès l’étape des récepteurs, se retrouve au niveau des fibres véhiculant la sensibilité.

• Au niveau des racines sensitives.
Les corps cellulaires des protoneurones sensitifs sont situés dans les ganglions rachidiens (en dehors de la moelle épinière) ; leurs branches centrales (allant à la moelle) constituent les racines postérieures des nerfs rachidiens. Les fibres y diffèrent par leur diamètre, leur vitesse de conduction, la richesse en myéline de leurs gaines ; ces propriétés correspondent à des différences dans les modalités des sensibilités transmises.
1. Les fibres de gros calibre (de 5 à 15 μ), ou fibres G. C., et riches en myéline ont des vitesses de conduction élevées (environ 50 m par seconde) ; elles véhiculent les sensibilités proprioceptive et tactile et appartiennent au système dit « lemniscal » (v. plus loin).
2. Les fibres myélinisées de faible diamètre (de 1 à 5 μ), ou fibres Ad., et les fibres dépourvues de myéline, ou fibres C., encore plus fines, ont des vitesses de conduction faibles (de 0,5 à 10 m par seconde) ; elles véhiculent les sensibilités thermique et douloureuse et appartiennent au système dit « extra-lemniscal ».

• Dans la moelle.
1. Les fibres G. C. donnent à leur pénétration dans la moelle une branche descendante courte, une collatérale courte qui s’articule avec les interneurones (petits neurones) de la corne postérieure et une branche ascendante principale qui constitue avec ses homologues le cordon postérieur de la moelle : les fibres s’y disposent suivant une topographie qui reflète l’image du corps et à laquelle on donne le nom de somatotopie (de dehors en dedans, on trouve les fibres d’origine cervicale, dorsale, lombaire et sacrée) ; cette disposition se retrouve, sans modification, de la moelle à l’écorce cérébrale.
2. Les fibres Ad. et C. ont un trajet plus court : elles se terminent dans la corne postérieure de la moelle au niveau de leur pénétration et aux étages sus- et sous-jacents. Elles s’articulent avec les cellules de la corne postérieure directement ou par l’intermédiaire d’interneurones situés dans la corne postérieure. Contrairement aux fibres G. C., elles transmettent la sensibilité avec une précision topographique peu nette, et leur vitesse de conduction n’est pas aussi rapide ; enfin, le message nerveux transmis peut être altéré par les interneurones. Les axones nés des cellules nerveuses de la corne postérieure, ou deutoneurones (seconds neurones), traversent la ligne médiane en avant du canal épendymaire de la moelle et parviennent dans le cordon antérolatéral du côté opposé, formant le faisceau spino-thalamique (allant de la moelle au thalamus). Ce dernier est lui-même divisé en un faisceau néo-spino-thalamique et un faisceau paléo-spino-thalamique. Les fibres du premier ont un diamètre plus élevé (et une disposition somatotopique) que celles du second (sans somatotopie).

Au total, les fibres des cordons postérieurs renseignent sur les sensibilités proprioceptive et tactile provenant du même côté du corps, alors que les fibres spino-thalamiques transmettent les sensibilités thermique et douloureuse provenant de la moitié opposée du corps.