Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Sénégal (suite)

L’effet conjugué, à partir de 1968, de l’alignement des prix sur les cours mondiaux, imposé par l’association à la Communauté économique européenne (antérieurement l’arachide sénégalaise bénéficiait de prix privilégiés sur le marché français), et d’une série d’années de sécheresse a abouti à la chute de la production (408 000 t en 1972-73) et des revenus (12,5 milliards de francs C. F. A. en 1969-70 contre 20,5 milliards en 1961-62).

Les efforts de diversification de la production agricole n’ont eu jusqu’ici qu’une portée limitée et ont été contrariés par la pluviométrie déficiente de 1968 à 1973 : introduction du coton (33 000 t en 1974) ; développement des cultures maraîchères (70 p. 100 dans la région du Cap-Vert) pour la consommation urbaine et l’exportation ; mise en valeur des ressources de l’élevage (création, près de Dakar, de deux fermes d’embouche) ; essor de la riziculture pour limiter les importations, surtout en Casamance (mais la production stagne aux environs de 140 000 t, partiellement en raison de la conversion à la canne à sucre de l’ancien casier rizicole de Richard-Toll en 1972). Mais la pêche, de son côté, connaît une expansion rapide (357 000 t en 1974) : elle est devenue la première ressource de l’économie, après l’arachide.


L’industrie

Dès l’époque coloniale, la présence de la capitale « fédérale », Dakar, avait valu au Sénégal une industrialisation précoce, bien que limitée : industries de « substitution » aux importations (brasserie, tabac et allumettes, textile, chaussures, cimenterie) ; industries de transformation des produits exportables (huileries d’arachide, conserveries de poisson), presque toutes concentrées dans l’agglomération du Cap-Vert et à Thiès. Il s’y ajoute depuis l’indépendance, outre de nouvelles unités (textiles notamment), une raffinerie de pétrole, une usine d’engrais, une fabrique de matériel agricole.

L’expansion industrielle est incontestable : son chiffre d’affaires est passé de 44 milliards de francs C. F. A. en 1964 à 80 milliards en 1970. Mais le Sénégal est désormais surclassé par la Côte-d’Ivoire (100 milliards en 1970). En dépit du soutien de l’État, l’industrie sénégalaise, conçue pour le marché ouest-africain francophone, a souffert, dans les années qui ont suivi l’indépendance, de la perte d’une grande partie de ses marchés extérieurs ouest-africains, où se sont édifiées des industries concurrentes. Elle est également affectée par les fluctuations du marché agricole intérieur et des revenus paysans. L’expansion a surtout marqué les industries exportatrices hors du marché africain.

L’huilerie, dont la concentration s’est accentuée, traite depuis 1971 la totalité de la production arachidière sénégalaise, qui n’est plus exportée que sous forme d’huile (huile brute surtout, raffinée à Casablanca ou en France) et de tourteaux. Mais la chute de la production ne lui permet pas de travailler à pleine capacité.

Dans le domaine minier, l’exploitation des sables titanifères (ilménite) de la Petite Côte a été abandonnée peu après l’indépendance en raison de la faiblesse des cours mondiaux ; l’exploitation de phosphates d’alumine à Pallo, près de Thiès, par Pechiney est en recul (1969 : 250 000 t ; 1972 : 165 000 t). En revanche, la Compagnie sénégalaise des phosphates de Taïba (consortium franco-américain avec participation de l’État sénégalais) a développé sa production de phosphates de chaux (600 000 t en 1960, première année d’exploitation ; 1,5 million de tonnes en 1974), qui fournit en valeur l’essentiel des exportations sénégalaises de produits minéraux. La production des marais salants du Sine-Saloum, en partie exportée, a doublé depuis 1960 (150 000 t de sel en 1974).


L’évolution des structures commerciales

Dans l’économie de « traite » traditionnelle, le commerce, contrôlé par quelques grandes sociétés, dominait toute la vie économique. Ces grandes sociétés continuent de contrôler l’essentiel du commerce extérieur.

Mais les structures traditionnelles de la traite ont évolué. La nationalisation, depuis 1960, de la commercialisation de l’arachide au bénéfice d’un Office d’État (à participation privée) avait pour objectif de donner à l’État le contrôle de la traite. Elle a abouti à la fermeture d’un grand nombre de factoreries de brousse, privées d’une bonne moitié de leur chiffre d’affaires ; les grandes sociétés se sont repliées sur le commerce de gros et les grands magasins urbains ; nombre de succursales de ces sociétés et de détaillants libanais ont été remplacés par des commerçants sénégalais. Favorisés par l’État, les hommes d’affaires sénégalais ne jouent, cependant, encore qu’un rôle économique limité.

Dans le commerce extérieur, les produits de l’arachide ne représentent plus en 1971 que 35,7 p. 100 en valeur des exportations, plus du fait de la chute de la production de l’arachide que des progrès de la diversification. La part de la France dans le commerce extérieur reste prépondérante, mais a fléchi (50 p. 100 environ des exportations et des importations en 1970-71, contre 85 p. 100 des exportations et les deux tiers des importations dans les années 1960-1962). Ce commerce extérieur reste largement déficitaire (importations couvertes aux deux tiers par les exportations en 1960, déficit négligeable en 1966 [année record de l’arachide], importations couvertes à 80 p. 100 en 1975).

Le tourisme (plages de sable du littoral, parc national de Niokolo-Koba à la frontière guinéenne), malgré un gros effort d’équipement, n’apporte que des ressources supplémentaires limitées.

J. S.-C.

➙ Afrique noire / Dakar / Empire colonial français / Faidherbe (L.) / Francophones (littératures) / Ouolofs / Senghor (L. S.) / Sérères.

 G. Hardy, la Mise en valeur du Sénégal de 1817 à 1854 (Larose, 1921). / J. Trochain, Contribution à l’étude de la végétation du Sénégal (Larose, 1942). / A. Villard, Histoire du Sénégal (Ars Africae, Dakar, 1943). / A. Delcourt, la France et les établissements français au Sénégal entre 1713 et 1763 (Institut fr., Dakar, 1952). / J. Charpy, la Fondation de Dakar (Larose, 1958). / L. S. Senghor, Nation et voie africaine du socialisme (Présence africaine, 1962). / H. Deschamps, le Sénégal et la Gambie (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1964 ; 2e éd., 1968). / P. Pélissier, les Paysans du Sénégal. Les civilisations agraires du Cayor à la Casamance (Impr. Fabrègne, Saint-Yrieix, 1967). / V. Diarassouba, l’Évolution des structures agricoles du Sénégal (Cujas, 1968). / M. A. Klein, Islam and Imperialism in Senegal. Sine-Saloum, 1847-1914 (Stanford, 1968). / S. Amin, le Monde des affaires sénégalais (Éd. de Minuit, 1969). / P. Fougeyrollas, Où va le Sénégal ? Analyse spectrale d’une nation africaine (I. F. A. N., Dakar, et Anthropos, 1970). / J.-C. Gautron, l’Administration sénégalaise (Berger-Levrault, 1970). / G. W. Johnson, The Emergence of Black Politics in Senegal. The Struggle for Power in the Four Communes, 1900-1920 (Stanford, 1971). / B. Barry, le Royaume de Waalo-Le Sénégal avant la conquête (Maspero, 1972). / J. Copans, P. Conty, J. Roch et G. Rocheteau, Maintenance sociale et changement économique au Sénégal, t. I : Doctrine économique et pratique du travail chez les Mourides (O. R. S. T. O. M., 1972). / M. Diarra, Justice et développement au Sénégal (Nouv. éd. africaines, 1973).