Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Sénégal (suite)

Le peuplement

Les Ouolofs* (32 p. 100 de la population) occupent la zone qui va du delta du Sénégal au cap Vert, où se situent les deux capitales : l’ancienne (Saint-Louis, qui a perdu en 1957-1959 sa fonction administrative, après avoir perdu son rôle économique) et la nouvelle (Dakar*, qui fut la capitale de la « fédération » d’Afrique-Occidentale française). C’est ce qui explique que le ouolof, parlé ou compris par près de 70 p. 100 de la population, tende à jouer le rôle de langue nationale. Les Sérères* (16 p. 100) sont concentrés dans le Sine-Saloum. Les Toucouleurs* (7 p. 100), de langue peule, mais cultivateurs, occupent la vallée moyenne du Sénégal (Fouta-Toro). Les Peuls* (11 p. 100), spécialisés dans l’élevage bovin, sont dispersés un peu partout ; seuls à nomadiser dans le Ferlo, ils en sont progressivement chassés sur les marges par les progrès de la colonisation agricole. On trouve encore des Mandingues (ou Malinkés*) [4 p. 100] dans la haute Gambie et la moyenne Casamance, des Sarakollés (1 p. 100) sur le Sénégal (à la frontière du Mali). Les Diolas, riziculteurs (5 p. 100), et d’autres ethnies occupent la basse Casamance. L’islām, religion dominante, tend à faire disparaître l’animisme traditionnel en basse Casamance, et les catholiques n’existent que comme minorité (Petite Côte, Casamance).

La population urbaine représente le tiers de la population totale, proportion exceptionnelle en Afrique tropicale. Il faut y voir l’effet de la présence de l’énorme agglomération dakaroise — capitale de l’Afrique-Occidentale française à l’époque coloniale, qui concentre à elle seule la moitié de cette population urbaine —, du développement ancien de l’économie de marché et d’un essor précoce, bien que limité, des activités industrielles. Mais le gonflement urbain est aussi le reflet de la paupérisation rurale. On ne compte que 100 000 salariés environ (en majorité urbains, mais pas exclusivement), avec un taux de chômage qui oscille entre 10 et 40 p. 100. Depuis une dizaine d’années, l’émigration vers la France s’est surajoutée à l’afflux vers les villes, touchant surtout les régions déshéritées du Nord, principalement la région du « Fleuve » (environ 100 000 immigrés en France). En dehors de Dakar, les principales villes sont Thiès (69 000 hab.), annexe industrielle du Cap-Vert, Kaolack (70 000 hab.), centre du bassin arachidier, Saint-Louis (49 000 hab.) et Ziguinchor (30 000 hab.), capitales régionales. Le taux de scolarisation primaire est passé de 6 p. 100 en 1950 à 24 p. 100 en 1965 et à 32 p. 100 en 1969. L’université de Dakar, créée en 1957, est la plus ancienne et la principale université de l’Afrique tropicale francophone, mais tend à devenir plus sénégalaise qu’ouest-africaine.


L’économie

Peu doué par la nature, le Sénégal a été précocement pénétré par l’économie marchande de type colonial : le premier atteint par les navigateurs venant d’Europe, il fut le point de départ de la colonisation française en Afrique de l’Ouest.

Il reste le mieux pourvu en moyens de communication, avec l’excellent port de Dakar et avec 1 186 km de voies ferrées (Dakar-Niger, en direction du Mali ; Dakar-Saint-Louis, se greffant à Thiès sur le Dakar-Niger ; plusieurs embranchements secondaires : Louga-Linguère, Tivaouane-Taïba, Guinguinéo-Kaolack-Lyndiane, Diourbel-Touba). Il dispose d’un réseau routier relativement développé (4 000 km de routes bitumées).


L’agriculture

Les sols sableux du Sénégal convenaient à la culture de l’arachide, dont la proximité du littoral facilitait l’exportation. Le Sénégal est ainsi devenu la terre de l’arachide, qui représentait encore en 1962 plus de 80 p. 100 en valeur des exportations. La culture de l’arachide n’est pas une monoculture : l’arachide est cultivée en association ou en assolement avec des plantes vivrières (mil, niébés [sorte de haricots]). Mais ce fut longtemps la seule production exportable, drainée par les factoreries des grandes sociétés de commerce ou leurs intermédiaires (« traitants » libanais ou africains) et échangée contre des produits manufacturés importés (tissus, quincaillerie), mais aussi alimentaires (sucre, riz [plus de 100 000 t importées par an]).

Le revenu paysan reste très bas (revenu monétaire du producteur d’arachide en 1969-70, par famille, tous frais d’exploitation déduits : 13 000 francs C. F. A.). C’est ce qui explique l’absence d’une agriculture capitaliste et la longue persistance de méthodes culturales archaïques : l’emploi de main-d’œuvre salariée ne peut être rentable, et les tentatives de culture mécanisée ont échoué pour des raisons financières plus que techniques. Tout au plus peut-on noter une tendance à la concentration : les exploitations de plus de 15 ha (la moyenne est de 1 ha) occupent 14 p. 100 du sol cultivé et 25 p. 100 de la main-d’œuvre. Les gros exploitants sont généralement en même temps commerçants ou appartiennent à la féodalité religieuse, qui s’est substituée à la féodalité militaire, déchue par la colonisation. Les sectes musulmanes (notamment celle des mourides) ont joué un grand rôle dans l’expansion de l’arachide ; les chefs religieux (marabouts) bénéficient des redevances ou de la main-d’œuvre gratuite de leurs fidèles. La main-d’œuvre saisonnière (navétanes venus du Mali ou de Guinée) est rétribuée en nature (parcelle individuelle et pourcentage de la récolte).

Depuis l’indépendance, un effort a été fait pour accroître cette source majeure de revenus pour le pays. La production commercialisée est passée de 500 000 t par an (1930-1939) à 800 000 t (1960-1967), avec un record de 1 200 000 t en 1965-66. Mais ce progrès a été obtenu plus par extension des surfaces cultivées (40 p. 100 de 1960 à 1967) que par intensification de la production. L’effort de modernisation (diffusion de la culture attelée, des semences sélectionnées, des engrais) n’a touché, en gros, que du tiers à la moitié des surfaces cultivées et ne s’est pas traduit par une augmentation du revenu paysan, l’accroissement des charges annulant les effets de l’accroissement de la production.