Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Savoie (suite)

Sous le règne de ses fils Philibert II le Beau (duc de 1497 à 1504) et Charles III (duc de 1504 à 1553), la maison de Savoie s’italianise tout en se rapprochant de la maison des Habsbourg ; Philibert II épouse en 1501 Marguerite d’Autriche († 1530), l’énergique tante de Charles Quint. Les maladresses de Charles III achèvent d’exaspérer les habitants de Genève. Victimes de trop lourdes taxes, privés de leurs foires, qui avaient contribué à la prospérité de la Savoie, ainsi qu’en a témoigné la stabilité de la valeur de l’écu d’or de ce pays, les Genevois signent avec les Fribourgeois (1519) et les Bernois (1526) des traités de combourgeoisie qui les séparent politiquement du duché voisin. Leur adhésion à la Réforme les rejette définitivement dans l’alliance des républiques helvétiques, tandis que leur évêque se replie en 1533 à Annecy, qui devient la capitale religieuse de la Savoie et le centre de la Contre-Réforme*.

La reprise du conflit entre les Valois et les Habsbourg consacre alors la ruine de la Savoie, dont les territoires du nord du Léman ainsi que le Chablais et le pays d’Évian sont occupés par les Bernois et les Valaisans en 1536, tandis que le reste du duché passe presque entièrement sous le contrôle des forces françaises (1536-1559), qui s’assurent la maîtrise des cols alpestres lors des guerres d’Italie*.

François Ier substitue un parlement au Conseil résident de Chambéry (1536), étend à la Savoie le champ d’application de l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 et introduit les usages de la procédure française dans le duché (1553). Sa politique prépare ainsi l’annexion définitive de la principauté à la France, lorsque meurt en 1553 le duc Charles III, qui a pu sauver de son héritage Nice, Verceil et la vallée d’Aoste.


Le temps de la dépendance (1553-1713)


À l’ombre de la Maison d’Autriche (1553-1601)

À l’exemple de son père, Charles III, mais avec plus d’habileté que lui, Emmanuel-Philibert Tête de Fer (duc de 1553 à 1580) lie son sort à celui de la maison d’Autriche. Lieutenant général de l’armée impériale, il remporte le 10 août 1557 à Saint-Quentin une victoire décisive sur les forces d’Henri II ; le roi de France lui restitue l’essentiel de ses territoires cisalpins par le traité du Cateau-Cambrésis du 3 avril 1559. Consentant seulement à la perte du pays de Vaud et à celle du Vieux Chablais, cédés respectivement aux Bernois et aux Valaisans par les traités de Lausanne en 1564 et d’Évian en 1569, Emmanuel-Philibert se consacre dès lors totalement à la restauration de son État.

Dès 1560, il substitue au parlement français de Chambéry un Sénat de Savoie, dont le Premier président exerce souvent les fonctions de commandant général, c’est-à-dire de gouverneur du duché français ; il réinstalle la même année dans cette ville la Chambre des comptes, dont le siège avait été transféré à Nice, puis à Verceil. Il décide, en outre, de doter ses domaines cisalpins de ressources propres, en faisant voter par les états généraux de Savoie, réunis pour la dernière fois en juillet 1560, un don gratuit et un nouvel impôt indirect, la gabelle de sel, dont les modalités de perception sont fixées par l’édit de 1561, préparé par un dénombrement général de la population. La Savoie cisalpine capte par la route du Mont-Cenis qui aboutit à Lyon le trafic de la soie, des velours et des épices ; elle exploite les mines de fer, de cuivre et de plomb, dont la mise en valeur est assurée par des Allemands d’Augsbourg. Elle ne peut, pourtant, tirer tout le profit escompté de tant de facteurs favorables, faute d’une industrie capable d’en valoriser les produits.

Emmanuel-Philibert, qui transfère définitivement sa capitale à Turin en 1562, s’intéresse en fait surtout à l’essor du Piémont, où il accueille les Jésuites en 1561 et où il fonde le séminaire de Mondovi. Se développant ensuite à l’ouest des Alpes, la Contre-Réforme reconquiert le Chablais à la foi catholique sous l’impulsion des Jésuites, qui fondent un établissement à Chambéry dès 1564, et surtout sous celle, de 1602 à 1622, de l’évêque d’Annecy-Genève saint François* de Sales, qui contribue, avec Jeanne de Chantal, à la fondation, à Annecy en 1610, de l’ordre de la Visitation Sainte-Marie. Poursuivie par le fils d’Emmanuel-Philibert, Charles-Emmanuel Ier (duc de 1580 à 1630), qui s’est emparé du marquisat de Saluées en 1588, cette politique provoque un nouveau conflit avec Genève (1589-1593). Après une ultime tentative pour s’emparer de cette ville par surprise lors de la fameuse nuit de l’Escalade du 11 au 12 décembre 1602, la Savoie doit reconnaître officiellement son indépendance par le traité de Saint-Julien du 21 juillet 1603.

En même temps, son ambition d’annexer le Dauphiné et la Provence catholiques ayant échoué sous les murs de Grenoble, le duc provoque une nouvelle intervention française, qui le contraint à céder à Henri IV, par le traité de Lyon du 17 juillet 1601, la Bresse, le Bugey, le Valromey et le pays de Gex, contre la possession définitive du marquisat de Saluces.


Sous la tutelle française (1601-1713)

Charles-Emmanuel Ier, tournant alors ses ambitions vers l’Italie, tente, cette fois avec l’appui de la France, de faire valoir ses droits sur le Montferrat lors de la succession compliquée des Gonzague de Mantoue (1614-1617). Le traité de Monzón de 1626 ayant sacrifié ses intérêts au profit de l’entente franco-espagnole, le duc se rapproche de l’Espagne et entreprend d’assiéger la garnison française de Casale Monferrato. Vaincu par les forces de Louis XIII, qui forcent le pas de Suse en 1629, occupent Pignerol en mars 1630, puis toute la Savoie en mai et Saluces en juillet, Charles-Emmanuel meurt, laissant à son fils Victor-Amédée Ier (duc de 1630 à 1637) la charge de signer avec la France le traité de Cherasco, qui lui restitue ses États contre la cession définitive de Pignerol en 1631.

Dès lors, la Savoie est contrainte d’accepter l’influence prépondérante de la France, qui impose à ses princes de contracter des alliances matrimoniales avec des princesses françaises de sang royal appelées à exercer la régence de leur pays pendant la minorité de leurs fils : Christine de France († 1663), fille d’Henri IV et veuve, en 1637, de Victor-Amédée Ier ; Marie-Jeanne-Baptiste de Savoie-Nemours († 1724), veuve, en 1675, de Charles-Emmanuel II (duc de 1638 à 1675).