Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Savoie (suite)

La maison de Savoie renverse la situation grâce à Amédée V le Grand (comte de 1285 à 1323). Fils du comte de Piémont Thomas II, il succède à son oncle Philippe Ier, qui, faute de descendance, lui lègue ses possessions par un testament, que ratifient les états de Chambéry. Son neveu Philippe d’Achaïe reçoit le Piémont (1282-1334) en apanage, et son frère Louis Ier le pays de Vaud (1285-1302).

Maître de la Bresse depuis son mariage en 1272 avec Sibylle de Bâgé, s’alliant avec habileté selon les circonstances avec les rois de France et d’Angleterre ou avec l’empereur, Amédée V s’empare de positions stratégiques en Faucigny et en Bugey, puis obtient au traité de Montmélian (1308) la renonciation définitive de Béatrice la Grande Dauphine à ses droits sur la Savoie. Sans doute, le conflit se prolonge-t-il sous les règnes d’Édouard le Libéral (comte de 1323 à 1329), vaincu à Varey en 1325, d’Aymon le Pacifique (comte de 1329 à 1343) et d’Amédée VI (comte de 1343 à 1383), qui l’emporte aux Abrets en 1354. Surnommé le « Comte vert », Amédée VI réussit à signer avec les nouveaux maîtres du Dauphiné depuis 1349, c’est-à-dire avec le roi de France et son fils le dauphin, le traité de Paris de 1355, qui annexe ou réincorpore à la Savoie le pays de Gex, le Faucigny et lui concède l’hommage du comte de Genève en échange de ses possessions en Viennois. Ce traité, consolidé par le mariage, en 1355, du Comte vert avec Bonne de Bourbon († 1403), donne à la Savoie une cohérence territoriale et consacre sa puissance en accord avec la France.


La marche vers l’est et la vocation italienne

Héros de la croisade de Gallipoli, qu’il organise seul contre les Turcs (1366-1367), Amédée VI veut s’illustrer en accroissant ses États. Mais, ne pouvant plus orienter leur expansion vers la France, il se tourne vers l’Italie, intervenant en particulier dans le conflit opposant les principautés de la plaine du Pô : Milan, Saluées et Montferrat ; en 1382, il obtient même de Louis Ier d’Anjou la cession des possessions de la reine de Naples, Jeanne Ier, en Piémont. Un moment arrêtée par les conflits violents opposant les paysans de Maurienne et de Tarentaise (1385) à leurs seigneurs ecclésiastiques ainsi que par la révolte des tuchins en Piémont, la politique d’expansion reprend en Italie, mais cette fois en direction du sud : Amédée VII, dit le « Comte rouge » (comte de 1383 à 1391), achète en 1388 le comté de Nice, qui assure à ses États un débouché maritime qui le libère de toute sujétion à l’égard des ports assurant ses échanges extérieurs (Genève, Venise, Marseille). Après une difficile régence, dont sa grand-mère Bonne de Bourbon et sa mère, Bonne de Berry († 1435), se disputent la direction, Amédée VIII le Pacifique (comte, puis duc, de 1391 à 1440) profite de l’extinction des deux maisons comtales du Genevois et du Piémont pour racheter le 5 août 1401 les droits de la première à un héritier discutable, et par réincorporer définitivement à ses États le comté de Piémont après la mort de son cousin Louis d’Achaïe en 1418.

Peu avant l’érection du comté de Savoie en duché par l’empereur Sigismond de Luxembourg, Amédée VIII est tiré de sa retraite de Ripaille par le concile de Bâle, qui l’élit pape en 1439 sous le nom de Félix V dans l’espoir de mettre un terme au Grand Schisme. En vain : il doit abdiquer en 1449, non sans s’être fait nommer cardinal légat.


Le temps des difficultés (1440-1553)


Les crises intérieures

Duc de Savoie de 1440 à 1465 du fait de l’abdication prématurée de son père, Amédée VIII, Louis Ier, trop soumis à son épouse, la belle et impérieuse Anne de Lusignan († 1462), est le premier d’une série de ducs incapables, par leur jeunesse ou par leur immaturité, de prévenir le déclin de leur maison. Tolérant l’insubordination de la noblesse, les révoltes de son fils Philippe Ier (II) sans Terre, duc de Bresse, et l’exécution successive des chanceliers Guillaume Bolomier en 1446 et Giacomo Valperga di Masimo e di Caluso en 1452, il allie deux de ses enfants à ceux de Charles VII, le futur Amédée IX (duc de 1465 à 1472) et Charlotte avec Yolande de France et le dauphin Louis, qui transgresse ainsi l’opposition paternelle.

Louis Ier, brouillé avec Charles VII, qui lui impose l’humiliant traité de Cleppé, ne tire aucun avantage de son alliance avec Louis de France, conclue secrètement en 1446. Établi en Dauphiné de 1447 à 1456, allié aux Sforza de Milan, le futur Louis XI prend ainsi à revers l’État savoyard. Yolande de France († 1478), régente au nom de son fils Philibert Ier (duc de 1472 à 1482), décide alors d’accélérer elle-même le déplacement du centre de gravité de l’État savoyard de l’ouest à l’est des Alpes pour mieux échapper à cette dépendance trop étroite à l’égard des Valois.

Accentuée par son second fils, Charles Ier (duc de 1482 à 1490), qui épouse en 1485 Blanche de Montferrat († 1509), cette politique mécontente les barons savoyards et les bourgeois de Chambéry, dont le rôle de capitale est progressivement abandonné au profit de Turin.

Ce conflit, qui favorise la constitution d’un parti savoyard hostile au parti piémontais, amène les états de Rumilly à faire appel à Louis XI, qui désigne en 1478, pour gouverner le duché, un lieutenant général, le comte Louis de La Chambre († 1517).

Sous le règne du trop jeune Charles Jean Amédée, ou Charles II (duc de 1490 à 1496), au nom de qui gouverne sa mère, la régente Blanche de Montferrat, les états de Pignerol décident la création de deux administrations différentes, l’une pour la Savoie proprement dite, l’autre pour le Piémont et le comté de Nice.


Les difficultés extérieures

En fait, à cette date, le recul territorial est déjà entamé. Yolande de France joue une partie difficile entre Louis XI et Charles le Téméraire ; elle est sauvée par le premier des ambitions de son beau-frère Philippe de Bresse, et s’allie ensuite au second, en lutte contre les Suisses, qui ont occupé quelques places fortes en Savoie.

La mort sans héritiers de Charles II en 1496 double la crise politique d’une crise dynastique, car elle provoque l’avènement de son grand-oncle, l’inquiétant Philippe de Bresse (Philippe I ou II sans Terre, duc de Savoie en 1496-97).