Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

São Paulo (suite)

Cette évolution du centre, devenu cité réservant l’essentiel de l’espace à l’activité tertiaire, a repoussé les quartiers riches, d’abord vers le nord de la ville, où se sont développées de très vastes zones de résidence en villas individuelles reflétant souvent, par leurs caractères architecturaux et leur ampleur, la richesse de leurs habitants. Au fur et à mesure que s’étend la ville, ces zones du nord et de l’ouest s’éloignent, à la recherche d’espaces calmes et à l’écart des quartiers où se fixe la population plus pauvre. Les plus récents lotissements, sur la colline de Morumbi, se trouvent très éloignés du centre-ville, ce qui entraîne des difficultés d’accès à la zone d’activité et de commerce.

Cet inconvénient a provoqué, à proximité même du centre-ville, la rénovation d’anciens quartiers dégradés, qui ont été transformés par la construction d’immeubles d’appartements de très haut luxe et groupent maintenant une fraction riche de la population. L’Avenida Paulista, au contraire, qui est située sur l’éperon le plus élevé de la ville et qui a été, à l’époque des fazendeiros du café et de la première phase industrielle, le lieu d’implantation des hôtels particuliers et des plus riches demeures de l’aristocratie pauliste, a été peu à peu reprise par le centre-ville : aux villas ont succédé des bâtiments fonctionnels, et actuellement c’est l’un des axes les plus dynamiques pour l’essor de la fonction dirigeante de la métropole.

La masse sans cesse croissante des gens pauvres et de la classe moyenne a entraîné, d’autre part, une extension démesurée, tout autour de la ville, de quartiers plus modestes qui se sont développés d’abord à l’est et qui progressent maintenant dans toutes les directions. Au long de rues en damier précairement tracées se sont construits des milliers de petits pavillons, car, même pour les gens modestes et pauvres, la résidence a continué pendant longtemps à s’effectuer, à São Paulo, en maisons individuelles. L’arrivée en avion sur l’aéroport urbain de Congonhas (l’aéroport international de Viracopos est à 90 km de la ville), aujourd’hui entièrement entouré de ces quartiers, permet non seulement d’en découvrir l’ampleur, mais aussi l’annonce de leur extension future. La spéculation foncière a préparé d’immenses zones de lotissements, où se détachent en rouge, par suite de la couleur du sol, les tracés des futures rues. Cette extension a dépassé largement les cadres du municipe de São Paulo et constitue les éléments du Grand São Paulo, dont l’aire métropolitaine déborde sur les municipes voisins et se développe dans les interstices des zones industrielles antérieures. En effet, l’ampleur de la fonction industrielle a provoqué diverses localisations des usines dans l’espace urbain, et surtout suburbain. Les premiers établissements industriels, qui n’étaient souvent que des ateliers, se sont installés aux limites de la ville du début du siècle, puis de la gare de marchandises, et ont constitué de vieux quartiers industriels où dominaient les activités textiles. Actuellement en décadence dans leurs fonctions de production, ces quartiers sont devenus soit des quartiers de petit commerce, soit des résidences de la fraction la plus pauvre de la population. Les grandes industries ont conquis d’autres espaces : plusieurs zones industrielles se sont installées, d’abord au long de la voie ferrée qui unit São Paulo au port de Santos, dans les municipes de Santo André, de São Bernardo do Campo et de São Caetano do Sul ; cet ensemble a été désigné par les initiales de ces trois communes : zone de l’ABC. C’est là que se trouvent les grandes industries de mécanique lourde, de construction automobile, de matériel agricole et les raffineries de pétrole ; de part et d’autre de la vallée qui a servi d’axe à la ligne ferroviaire se sont multipliés les quartiers de petites villas et de résidences modestes. Plus récemment, la voie ferrée semblant avoir perdu une partie de son pouvoir d’attraction, c’est au long de l’autoroute reliant également São Paulo à Santos que se sont implantées les industries les plus récentes, particulièrement les grands établissements automobiles. Cette zone industrielle routière, d’abord linéaire au long de la via Anchieta, nom que porte cette autoroute, s’élargit aujourd’hui et forme l’ensemble le plus dynamique de l’industrie pauliste. D’autres usines s’étendent vers l’ouest, dans la zone d’Osasco, qui bénéficie également d’une voie ferrée et d’une grande route, et vers l’est, au long de l’autoroute reliant São Paulo à Rio de Janeiro par la vallée du Paraíba ; cette dernière tend à devenir un axe industriel presque continu entre ces deux plus grandes villes du Brésil. Malgré ce développement autoroutier, le problème général de la circulation urbaine reste très difficile à résoudre ; l’aménagement des alentours de la ville s’est fait par la construction de voies express le long des rives du Tietê et de ses affluents, tandis que l’accessibilité au centre et la circulation à l’intérieur de celui-ci sont assurées par deux grandes voies sur pilotis qui traversent le tissu urbain en « routes de premier étage », fort préjudiciables à la qualité de l’habitat environnant. Enfin, l’ampleur sans cesse croissante des déplacements quotidiens de travail, vers le centre des affaires, a poussé la puissance publique à entreprendre la construction d’un métropolitain dont la première ligne doit relier les quartiers du sud-ouest au cœur de la cité.

Aujourd’hui, la ville même de São Paulo ne peut plus être séparée de son environnement, qui constitue une véritable région urbaine dans un rayon de près de 30 km à partir du centre. Certes, il y reste encore des espaces libres en dépit de l’ampleur des complexes industriels et des noyaux d’habitat, mais leur aménagement se heurte à de sérieuses difficultés, que tente de résoudre le service public responsable de l’organisation de l’espace dans cette aire métropolitaine. Ce service tente de maîtriser une croissance qui fera peut-être de São Paulo la première ville du monde après 1980. Quels que soient les dépenses consenties par la puissance publique et les investissements d’infrastructure, il semble très difficile de faire face à ce gigantisme croissant. Devant la menace d’asphyxie consécutive à la démesure de cet essor, peut-être serait-il préférable de replacer la ville dans le cadre d’un aménagement général de l’espace régional et national et de trouver un moyen de freiner sa croissance, plutôt que de tenter seulement de l’aménager en acceptant son rythme actuel.

M. R.

 P. Monbeig, la Croissance de la ville de São Paulo (Institut de géographie alpine, Grenoble, 1953). / A. de Azevedo (sous la dir. de), A cidade de São Paulo (São Paulo, 1958 ; 4 vol.). / P. P. Geiger, Evolução da rêde urbana brasileira (Rio de Janeiro, 1963).