russo-japonaise (guerre) (suite)
Le 20 février commence la bataille pour Moukden, dont l’ampleur marque un tournant de l’histoire militaire qui déjà annonce la Première Guerre mondiale. Le front russe, commandé par Kouropatkine, a été sensiblement renforcé grâce au Transsibérien, dont le rythme a atteint de trois à dix trains par jour. Étendu sur 80 km de part et d’autre de la voie ferrée de Moukden, il comporte une triple ligne de tranchées qui relient entre eux une vingtaine de redoutes et cinq forts ; 300 000 soldats russes, appuyés par un millier de canons, sont répartis entre la IIe (Kaulbars), la IIIe (Bilderling) et la Ier armée (Linevitch) ; la cavalerie est aux ordres du général Rennenkampf (1854-1918). En face, le maréchal japonais Ōyama dispose de forces sensiblement égales : ses quatre armées sont déployées sur un front de 65 km devant Moukden. Au cours de quinze jours de combat furieux, qui causent des pertes considérables de part et d’autre, aucun résultat décisif n’est obtenu. En revanche, les mouvements d’encerclement à grande distance, conduits d’abord par la gauche (Nogi), puis par la droite japonaise (Nodzu), obligent les Russes à abandonner leurs positions défensives, puis à évacuer Moukden le 9 mars et à entamer une longue retraite de 100 km vers le nord, qui consacre l’indiscutable victoire des Japonais. Les pertes ont été très lourdes des deux côtés (96 000 Russes, dont 20 000 prisonniers, et 70 000 Japonais), et les forces du maréchal Ōyama sont hors d’état de poursuivre.
Quelque temps plus tard, la guerre sur mer s’achève, elle aussi, par un désastre pour les Russes. Au cours de l’hiver 1904-05, l’amirauté russe avait décidé d’envoyer en Extrême-Orient sa flotte de la Baltique, commandée alors par l’amiral Rojestvenski (1848-1909). Celle-ci mettra huit longs mois à parvenir en Extrême-Orient, après de pénibles incidents avec les Anglais (alliés des Japonais) à hauteur du Dogger Bank en octobre 1904 et après de longues escales à Madagascar et en Indochine (dans la baie de Clam Ranh), qui mettent la France en position difficile. À son arrivée dans le détroit de Corée, l’escadre russe (12 cuirassés, 8 croiseurs, 9 torpilleurs) sera détruite en vue de l’île de Tsushima les 27 et 28 mai 1905 par la flotte japonaise, qui, aux ordres de l’amiral Tōgō, rassemble 12 cuirassés, 16 croiseurs et 65 torpilleurs.
La paix de Portsmouth
Dans cette situation critique, les Russes se décident à traiter. Grâce à la médiation de l’Angleterre, de la France et du président des États-Unis Theodore Roosevelt, ils obtiennent un armistice, qui précède le traité de paix signé le 5 septembre 1905 à Portsmouth (New Hampshire). La Russie reconnaissait au Japon un droit de protectorat sur la Corée, lui cédait Port-Arthur, Dairen et ses droits sur le territoire du Liaodong, le chemin de fer Sud-Mandchourien ainsi que la partie de l’île de Sakhaline située au sud du cinquantième parallèle. Sur le plan militaire cette guerre, qui avait vu la première apparition en force de la mitrailleuse et du canon à tir rapide, donnait au feu une importance désormais capitale, qu’allaient consacrer les fronts continus de 1914-1918. Dans le domaine politique, le traité de Portsmouth marquait un arrêt brutal de l’expansion russe vers l’Orient et témoignait, sur le plan international, de l’ascension du Japon au rang de grande puissance.
H. de N.