Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Ruhr (la) (suite)

Le problème de l’eau

Dès la fin du xixe s., il est posé sous un double aspect : ravitaillement et assainissement. Les villes se sont regroupées en syndicat pour résoudre ces problèmes sur une large base régionale. Les agences de bassin les plus importantes sont celles de la Ruhr, de la Lippe et de l’Emscher. Les agences de bassin créées en France à partir de 1964 se sont inspirées de ces modèles. La région consomme annuellement 2,5 milliards de mètres cubes d’eau. La consommation d’eau potable dépasse 120 litres par jour et par habitant. Des barrages ont été construits sur la Ruhr, la Wupper et leurs affluents. La morphologie du Massif schisteux, grâce aux vallées encaissées, facilitait leur création. Les ouvrages les plus importants barrent la Ruhr et la Wupper. Le bassin du Hengsteysee a une capacité de 1,25 million de mètres cubes, ce qui est dérisoire par rapport aux retenues alpines. Mais le taux de renouvellement des eaux des barrages de la Ruhr, leur grand nombre (62 pour l’ensemble de la Rhénanie, dont plus des trois quarts concernent la Ruhr) soulignent l’importance du problème de l’eau. S’inscrivant le plus souvent remarquablement dans la montagne et dans la forêt, certains lacs sont accessibles au public et sont devenus des zones de tourisme nautique. L’assainissement se pose surtout dans les régions basses, où les effondrements miniers ont souvent provoqué la formation de polders artificiels (Emscher). La vallée de la Ruhr au sens strict est devenue une zone de déversement servant au filtrage des eaux. Un plan d’eau aménagé sur la Ruhr entre Dortmund et Bochum doit permettre des compétitions nautiques.

La Ruhr est une région essentiellement urbaine. Le développement des équipements universitaires et culturels lui confère un degré d’autonomie croissant.

F. R.

➙ Dortmund / Duisburg / Essen / Rhénanie-du-Nord-Westphalie / Rhin (le).

 E. Juillard, l’Europe rhénane (A. Colin, 1968).


L’occupation de la Ruhr

Le traité de Versailles, qui met officiellement fin à la guerre entre l’Allemagne et les Alliés (juin 1919), comporte parmi ses stipulations principales la réparation des dommages de guerre par le Reich. Mais, à la suite de graves divergences qui se font jour entre les Alliés, l’article 231 ne détermine pas le montant de ces réparations. Le pourcentage des versements, discuté âprement entre Français et Anglais surtout, est fixé par la conférence de Spa (16 juill. 1920) ; mais, peu à peu, Lloyd George et les financiers anglais font adopter le principe du règlement forfaitaire, — principe que rejette Poincaré*, qui quitte la présidence de la Commission des réparations, mais qu’accepte Briand* (accord de Paris, 29 janv. 1921). La conférence de Londres de février-mars 1921 fixe à quarante-deux annuités le mode de paiement ; mais les Allemands prétendent ne pas pouvoir payer.

En mars 1921, les troupes françaises occupent Düsseldorf, Ruhrort et Duisburg. À la suite de l’ultimatum de Londres (4 mai), qui fixe à 123 milliards de mark-or le total des obligations allemandes, l’Allemagne accepte de payer. Mais, dès octobre, elle demande un moratoire provoqué par la chute du mark. Une conférence interalliée s’ouvre alors à Cannes (janv. 1922) ; Briand et Louis Loucheur sont prêts à des accommodements, à condition qu’un traité franco-anglais garantisse à la France sa sécurité. L’opinion française taxe Briand de faiblesse, et Poincaré lui succède : celui-ci accepte le moratoire (11 mars), mais, quand l’Allemagne en réclame un second (juill.), il s’irrite et annonce que, si le Reich n’acquitte pas les paiements de réparations, il devra remettre à ses créanciers les mines domaniales de la Ruhr. En agissant ainsi, il croit pouvoir obliger les Allemands à reprendre le paiement des réparations ou, à défaut, mettre en exploitation les gisements miniers au profit des créanciers. Il a pour lui l’opinion publique et les partis de droite et du centre ; mais il semble n’avoir pas tenu compte de l’avis des économistes.

Si les Anglais sont opposés à une occupation de la Ruhr, qui, selon eux, serait désastreuse pour la vie économique européenne, les Belges et les Italiens sont d’accord avec les Français pour une prise de gages productifs, et, au début de janvier 1923, ils décident la création d’une Mission interalliée de contrôle des usines et des mines de la Ruhr (M. I. C. U. M.).

Le 11 janvier 1923, des troupes franco-belges commandées par le général Degoutte (1866-1938) occupent Bochum, Essen et les principaux centres miniers de la Ruhr, qui est ainsi coupée économiquement du Reich : or, celui-ci trouve dans la Ruhr 88 p. 100 de son charbon et 70 p. 100 de sa fonte. Aussitôt, le gouvernement allemand (Wilhelm Cuno), qui table sur une possible rupture entre la France et l’Angleterre, organise une « résistance passive », caractérisée par la grève de 400 000 mineurs et métallurgistes ainsi que des employés de chemin de fer ; en même temps, des troubles éclatent un peu partout, notamment sous la forme de sabotages et d’attentats. Les Alliés répliquent par la création d’une régie des chemins de fer, constituée avec 10 000 cheminots français, et par l’expulsion de plusieurs dizaines de milliers de fonctionnaires et de cheminots allemands ; un cordon douanier isole la Ruhr du reste de l’Allemagne.

En fait, la « résistance passive » se retourne contre le Reich, qui s’aperçoit que l’Angleterre reste inactive et que l’économie allemande subit de très graves préjudices, que le mark s’effondre et que le chômage sévit. L’exploitation des mines de la Ruhr par les autorités franco-belges inquiète les industriels et les financiers allemands, qui, le 26 septembre 1923, acculent le successeur de Cuno, Stresemann*, à cesser la résistance. Cette « capitulation » allemande ouvre la voie au succès de la politique du « gage productif ».