Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Ruhr (la) (suite)

La mise en place du peuplement et la population

L’extraction de la houille et la sidérurgie sont largement responsables de la mise en place du peuplement. À cela s’ajoute que la zone d’extraction de la houille correspondait à une zone de lœss, le Hellweg, qui a été de tout temps une riche région agricole et une importante zone de passage d’ouest en est. Ces conditions quasi idéales expliquent l’essor rapide de la population, qui se marque surtout par la croissance rapide des villes au xixe s.

L’accroissement de la population urbaine appelle quelques remarques. L’augmentation de la population des villes a été facilitée par l’annexion de nombreuses communes suburbaines ou cités ouvrières construites à proximité des lieux de travail. Très tôt, le patronat de la Ruhr a entrepris une politique de logements favorisant la concentration urbaine et notamment le développement des grandes villes. Vers la fin du xixe s. naît la « Grosstadt » industrielle dans la Ruhr. A. Krupp fournit de remarquables exemples d’urbanisme nouveau. La cité-jardin, importée d’Angleterre, sera introduite à Essen (Margarethenhöhe). Par des publications nombreuses, le grand konzern vantera les avantages urbanistiques offerts par lui et attirera de nombreux ouvriers ruraux qui n’avaient jamais vu un tel « confort ». Le tableau résumant l’évolution de la population permet de retracer l’histoire et la progression du peuplement de la Ruhr. La zone du Hellweg a connu une progression démographique extraordinaire dans la seconde moitié du xixe s. L’unité allemande, en créant un gigantesque marché de consommation, a favorisé cet essor. La main-d œuvre est venue de Silésie, voire de Pologne. Pour ces travailleurs, on a multiplié les maisons comportant un jardin, de telle manière que leurs occupants, d’origine paysanne souvent, puissent pratiquer quelques cultures et ne pas se sentir trop dépaysés. C’est en partie pour cette raison que, malgré les fortes densités humaines, la Ruhr n’a jamais connu de nombreux taudis. Le développement de la vallée de l’Emscher est plus récent et marque bien la progression de l’extraction de la houille vers le nord. En même temps, les grandes villes y sont moins nombreuses. Vallée de la Lippe et bas Rhin marquent, à travers l’essor démographique des villes, une double évolution : l’augmentation se ralentit considérablement ; la concentration urbaine est abandonnée au profit des villes moyennes. Mais les villes de l’Emscher, de la Lippe et du Bas Rhin s’opposent à celles du Hellweg. Ces dernières se sont presque toujours développées à partir de noyaux urbains anciens, qui constituent, aujourd’hui, le cœur des grandes villes, la city. Il en est ainsi d’Essen, où la ville médiévale se lit facilement dans le plan de la ville actuelle. La vieille ville est le centre commercial ; en partie réservée aux piétons, elle joue un rôle régional croissant. Par contre, les nouvelles villes, où les aspects géométriques se marient plus ou moins heureusement avec les nombreux espaces verts, sont dépourvues de monuments anciens. Aussi la vie culturelle est-elle plus active dans les anciennes villes, où a subsisté une bourgeoisie ne vivant pas forcément de l’industrie et qui a su maintenir certaines traditions locales. Sur le plan architectural, on peut distinguer quelques différences entre les villes rhénanes de la Ruhr occidentale et les villes westphaliennes de la Ruhr orientale.

La plupart des grandes villes ont atteint leur apogée numérique vers 1963. Seules les villes de la Lippe connaissent encore une progression (ralentie). Cette situation est due plus à l’évolution urbaine générale qu’à la crise houillère. En effet, si la population des villes décline, celle des arrondissements périphériques ne cesse de croître. Dans les grandes villes, certaines opérations de rénovation urbaine peuvent expliquer la baisse de la population (Duisburg, Dortmund). Mais, à l’heure actuelle, avec l’essor de l’automobile et dans le cadre d’un aménagement régional volontaire, la Ruhr connaît un certain étalement de la population au profit des districts ruraux. Nombreux sont les foyers à revenus élevés qui s’installent dans les communes encore rurales de la retombée du Massif schisteux. Enfin, une autre raison peut être invoquée : la tertiarisation du centre des villes.


L’aménagement récent

Si le Siedlungsverband Ruhrkohlenbezirk a été créé en 1920 pour trouver des solutions aux problèmes découlant de l’industrialisation explosive du xixe s., son action a été élargie à la suite des destructions consécutives à la Seconde Guerre mondiale ainsi qu’à la suite des problèmes posés par l’environnement. Le S. R. a été le premier organisme important d’aménagement du territoire créé en Europe. Sa compétence est toutefois réduite depuis 1976. Formé par les représentants des collectivités locales, il a été amené à concevoir un plan d’aménagement visant à séparer les aires industrielles. Quatre villes ont été promues métropoles d’équilibre : Duisburg, Essen, Bochum et Dortmund. Elles concrétisent le rôle prééminent des villes du Hellweg. Gelsenkirchen pourrait jouer un rôle analogue pour les villes de la zone nord. Chacune des quatre métropoles domine une zone coupée, du nord au sud, par un large ruban d’espaces verts et de surfaces agricoles, destiné à jouer le rôle de poumon et de filtre à air. Ces zones ont aussi une fonction d’aire de récréation pour les grandes villes. Désormais, il sera presque impossible de construire dans ces zones. L’agriculture, qui ne représente que 1 p. 100 des emplois dans la Ruhr, jouera à l’avenir un rôle notable grâce à l’importance des surfaces qu’elle occupe. De plus, malgré le faible nombre d’emplois qu’elle fournit, elle couvre le quart des besoins alimentaires de base de la Ruhr.

Chaque métropole est dotée d’une université ou d’un « établissement d’enseignement supérieur intégré » (Gesamthochschule). Bochum a été la première ville de la Ruhr à être dotée (1965) d’une université. Cette création tardive illustre le retard culturel qu’avait pris la Ruhr. Cependant, depuis cette première création, ce retard tend à être comblé rapidement. De nouvelles créations d’universités ont eu lieu dans la Ruhr ou dans son voisinage immédiat : Düsseldorf, Wuppertal, Siegen, Bielefeld (plus celles des métropoles). Le développement culturel va de pair avec le développement universitaire. Chaque grande ville possède sa propre troupe de théâtre. Recklinghausen organise chaque année les Ruhrfestspiele (« festivals de la Ruhr »), qui ont une réputation mondiale. Ainsi peut-on écrire que la crise industrielle récente a favorisé le développement intellectuel et culturel. À présent, la Ruhr a ses propres foyers culturels, ce qui lui permet de devenir une région au sens vrai du terme.