Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Ruhr (la) (suite)

La sidérurgie, en s’installant sur le bassin houiller, a profité, du moins au début, de conditions avantageuses. Essen, Bochum, Dortmund et Duisburg sont devenus rapidement les grands centres de la sidérurgie. Mais les gîtes minéraliers du Siegerland s’épuisant ou n’étant plus rentables face aux minerais étrangers à forte teneur, un réaménagement des implantations sidérurgiques se révéla inévitable. La concentration amena la disparition, par fusion avec les grands konzerns, des unités de production les plus petites. Mais la localisation fut également simplifiée. Elle se fit soit en fonction du prix de transport, c’est-à-dire selon les axes de communication, soit en fonction de la philosophie économique des industriels. En 1973, la sidérurgie était concentrée autour de deux pôles : Duisburg à l’ouest, c’est le groupe rhénan ; Dortmund à l’est, c’est le groupe westphalien. Cette bipolarisation est l’expression de l’implantation de deux grands konzerns, Thyssen et Hoesch. En 1972, Thyssen, dont le siège social est à Duisburg, a produit 9 Mt de fonte, 11,5 Mt d’acier et 9,9 Mt de laminés. L’essentiel des 100 000 salariés de Thyssen est employé dans la région de Duisburg. La même année, son chiffre d’affaires dépasse 10 milliards de deutsche Mark, dont 26 p. 100 à l’exportation. À l’autre extrémité de la Ruhr, le groupe Hoesch, installé à Dortmund, profite des facilités de transport du Mittellandkanal. Sa situation plus continentale l’a amené à fusionner en 1971 avec le groupe hollandais Hoogovens (IJmuiden). La production totale du groupe, qui forme maintenant un holding, a été de 11,1 Mt d’acier en 1972. Sur les 76 000 salariés du groupe, 50 000 relèvent des établissements Hoesch. Une production minimale de 7 Mt d’acier sera maintenue à Dortmund. Le groupe, pour faire face à l’évolution des techniques de production, diversifiera ses activités au niveau des industries de transformation, cela pour compenser les coûts plus élevés découlant de la situation géographique.

L’industrie chimique est née du charbon dès la fin du xixe s. Elle est localisée dans les villes entre la Ruhr et la Lippe, mais surtout à Marl-Hüls, où se trouve un des plus grands complexes d’Europe. Un réseau de pipe-lines ravitaille les usines, en partant des cokeries ou des raffineries de pétrole de la vallée du Rhin. Par la diversité de ses produits, la chimie alimente en aval de nombreuses usines de transformation.

Avec ces deux industries dominantes, houille et sidérurgie, la Ruhr avait une réputation de « pays noir » qu’elle a cherché à détruire. Hoesch, par exemple, réserve 10 p. 100 de ses investissements annuels à la lutte contre la pollution. Les résultats d’ensemble de cette lutte sont assez remarquables.

Globalement, les deux piliers traditionnels de l’économie ne cessent de voir leur importance se réduire. En 1972, la sidérurgie employait moins de 200 000 travailleurs, alors que la population active totale de la zone relevant du Siedlungsverband Ruhrkohlenbezirk était de 2,4 millions de personnes. Ainsi, charbonnages et usines sidérurgiques n’occupent pas 400 000 travailleurs, c’est-à-dire moins du sixième de tous les salariés. À travers ces chiffres, on peut entrevoir l’évolution qu’a connue la Ruhr.


Les industries de transformation donnent à la Ruhr son aspect moderne

Elles se sont d’abord développées dans le sud et se sont implantées en relation avec les activités artisanales du Bergisches Land. Ce dernier avait connu avant la grande révolution industrielle une sidérurgie active exploitant le minerai du Siegerland et le charbon de bois que fournissait la Haubergswirtschaft (« culture » de la forêt de taillis), codifiée par l’autorité princière dès le xvie s. Bien des patrons du Bergisches Land sont « descendus » vers la Ruhr pour y faire fortune. Solingen, Remscheid, Lüdenscheid ont fait école dans la quincaillerie, les instruments de précision ou les appareils médicaux. Grâce, en partie, à l’eau pure issue du Massif schisteux rhénan, l’industrie cotonnière s’est installée à Elberfeld-Barmen (Wuppertal). Les activités diversifiées, la main-d’œuvre hautement qualifiée, les relations commerciales, l’épargne locale, les initiatives individuelles ont fait que le sud a pu se reconvertir rapidement, en ne perdant pas la prééminence. Car les grandes villes se développèrent dans le vieux pays minier. Dans les districts du sud, sauf quelques rares exceptions, les industries de transformation l’emportent. Elles sont le fait aussi bien des grands konzerns que des entreprises moyennes. Parmi les premiers, on peut citer Krupp, DEMAG, Mannesmann, Klöckner, Opel. L’exemple le plus typique est celui de la société Krupp. Partie de l’extraction du charbon, de la production de fonte et d’acier, la société Krupp a été réorganisée à la suite de reproches adressés quant à ses activités à l’époque nationale-socialiste. Aujourd’hui, elle est surtout active dans les industries de transformation d’une très haute technologie. L’extraction de la houille a été abandonnée à la Ruhrkohle AG, et la production d’acier ne représente guère que le quart du chiffre d’affaires. Par contre, la construction de machines, d’équipement, de navires (chantiers navals « Weser » à Emden), d’appareils électroniques et de réacteurs nucléaires progresse d’année en année ; 26 000 personnes sont occupées à la construction de machines, et 8 000 travaillent dans les chantiers navals d’Emden, chiffres montrant que le konzern déborde largement la Ruhr. Depuis quelques années, Krupp se lance dans le secteur tertiaire (transport, assurances). Sa participation au groupe Vereinigte Flugtechnische Werke-Fokker, un des plus actifs dans le domaine de l’aéronautique et de l’astronautique, montre le chemin parcouru et marque une nouvelle étape.

La crise minière a favorisé la diversification industrielle. Opel s’est installé à Bochum, où la dernière usine sidérurgique a été fermée et où il en va de même pour les mines qui restent. Mais, même après leur abandon, les mines posent encore des problèmes. Ainsi, chez Opel, les presses géantes ont été installées autour de l’entrée des anciens puits de mine, là où le sous-sol n’est pas encore truffé de galeries et où les effondrements ne sont pas à craindre. À Bochum, les deux usines Opel emploient 19 000 salariés et produisent 596 000 voitures, dépassant largement la production de l’« usine mère » de Rüsselsheim (242 000 voitures).