Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

racisme (suite)

Et dans la philosophie raciste, cette justification légitime toutes les agressions commises par le raciste, du pogrom à la déportation, de l’esclavage à la ségrégation. Aucun doute n’effleurera le colon privilégié devant l’indigène dépossédé, mais considéré comme incapable et coupable. Le nazi ne connaîtra pas d’hésitation devant le Juif des camps de concentration*, responsable de tous les désordres spirituels et moraux.


L’antisémitisme*

Jusqu’aux iii-ive s., le christianisme apparaît comme une secte juive, et les fidèles des deux communautés sont également victimes des mêmes persécutions de l’État romain. Mais, en même temps qu’elle accroîtra son influence, l’Église deviendra progressivement hostile à toute autre conception religieuse monothéiste. La rupture avec l’Église d’Orient est une des étapes de cette volonté de primauté intellectuelle, qui, par la suite, refusera et poursuivra tous ceux qui n’acceptent pas l’intégralité de ses dogmes. Du concile d’Orléans en 538, qui interdit tout mariage entre chrétiens et Juifs, au concile de Latran de 1215, qui impose aux Israélites le port de l’étoile jaune, Israël devient progressivement le peuple déicide, l’incarnation du mal. Entre-temps, de persécuté, l’évêque est devenu l’égal du seigneur féodal. Son autorité spirituelle n’admet pas de partage. Encore moins avec les Juifs. L’exceptionnelle importance des mystères* joués sur le parvis des cathédrales, qui assimilent Judas à Israël, entretient tout au long du Moyen Âge un antisémitisme populaire.

La Réforme, dans sa protestation, n’y changera pas grand-chose. Après avoir déclaré en 1573 : « Je prie mes chers papistes de me traiter de juif quand ils seront fatigués de me traiter d’hérétique... », Luther en viendra, lui aussi, comme plus tard Calvin, à appeler les pires châtiments sur les Juifs, dès qu’il se rendra compte de l’obstination des Israélites attachés à leur foi.

Par ailleurs, les accusations de crime rituel, les interdits publics et religieux qui les confinent dans certaines professions maintiendront des siècles durant cette impopularité.

Une tolérance de fait et exceptionnelle permettra çà et là en Europe l’existence précaire de certaines communautés juives, dont le sort dépendra de l’arbitraire et du bon vouloir du prince ou de l’évêque. En France, il faudra attendre la Déclaration des droits de l’homme et le décret du 27 septembre 1791 proclamant l’émancipation des Juifs pour que ces derniers voient leur existence reconnue.

Discret en Europe occidentale jusqu’à la fin du xixe s., l’antisémitisme est beaucoup plus virulent en Europe orientale. Dans certaines villes, le Juif est confiné dans le ghetto. La police tsariste crée, de toutes pièces, un faux, les Protocoles des Sages de Sion, document qui, par la suite, sera présenté en Russie comme émanant des Israélites et qui, en fait, aboutit à les discréditer dans l’opinion. De nombreux pogroms ont lieu en Russie et en Pologne jusqu’en 1917, et expliquent l’émigration de Juifs russes ou polonais vers l’Amérique, l’Europe ou la Palestine.

En Occident, jusqu’à la fin du xixe s., le Juif est plus toléré qu’admis. Il est toutefois difficile de déceler la trace d’un antisémitisme agressif.

L’affaire Dreyfus* va modifier cette situation et donner naissance à l’antisémitisme moderne. Dans cette violente polémique, les origines juives du capitaine Dreyfus donneront une allure raciste aux débats entre partisans et adversaires de la révision du procès. De cette période date cette résurgence de l’antisémitisme en Europe occidentale qui ne prendra jamais de formes agressives à l’encontre de la minorité israélite, mais qui demeurera toujours disponible, prête à surgir aux premières crises économiques des pays industrialisés.

L’accession de Hitler* au pouvoir et l’instauration officielle des thèses de la race élue aboutiront pour la première fois en Europe à l’instauration d’une politique ouvertement raciste contre les Juifs et contre les Slaves. Au chapitre iv de Mein Kampf, Hitler proclame : « Tout animal ne s’accouple qu’avec un congénère de la même espèce. Lorsqu’il y a un croisement, il ne peut y avoir qu’un abaissement. Le rôle du plus fort est de dominer, non de se confondre avec le plus faible en sacrifiant sa propre grandeur. Pas plus qu’un renard ne se comporte philanthropiquement avec une oie, un chat avec une souris, l’aryen ne doit accorder une quelconque pitié aux races inférieures ou se mélanger avec elles [...]. Un État qui, à une époque de contamination de race, veille jalousement à la conservation des meilleurs éléments de la sienne, doit devenir un jour maître de la terre... »

Le programme nazi prévoit les transferts en Sibérie des populations de la Pologne, le refus de l’assistance sanitaire à la population non allemande, l’interdiction de procréer, des expériences biologiques sur des non-aryens, enfin l’extermination.

La politique de l’étoile jaune trouvera des échos complaisants dans toute l’Europe occupée. Six millions de Juifs périront dans les camps de concentration.

Un tel héritage ne se liquide pas simplement. En Europe orientale, la politique officielle vis-à-vis des populations juives est-elle fondée sur l’antisionisme, ainsi que le soutiennent les pouvoirs publics, ou sur l’antisémitisme, comme le déclarent ceux qui reprochent à ces États de s’opposer à la libre émigration des Israélites vers Israël ? S’il est exact que, dans l’Europe actuelle, l’antisémitisme est devenu moins virulent, il demeure toujours sous-jacent, prêt à resurgir.


Le racisme colonial

Parallèlement à l’antisémitisme, l’Occident officialisera, non sans équivoque, le racisme à travers sa politique coloniale. Le pape Nicolas V, dans une bulle de 1510, autorise « les Portugais à attaquer, soumettre, réduire en esclavage les Sarrasins, païens et autres ennemis du Christ, au sud des caps Bogador et Nem, y compris les côtes de Guinée, sous réserves bien entendu de convertir les captifs au christianisme... » Mais, en même temps, les Rois Catholiques espagnols interdisent l’esclavage* des Indiens d’Amérique...