Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

psaume protestant (suite)

Les sources du psaume

Les historiens distinguent généralement trois sources : emprunt au répertoire religieux existant (chant grégorien et liturgie catholique), emprunt au répertoire profane et populaire (chanson française) et compositions originales. Les parodies, centons, contrafacta, sont monnaie courante à cette époque.

Les paraphrases françaises des psaumes de David sont dues à Théodore de Bèze* (1519-1605), à Clément Marot* (1496-1544), à Jean Calvin (recueil de 1539). Les musiciens font œuvre d’adaptateurs et d’harmonisateurs de mélodies héritées : par exemple, le timbre Victimae pascali laudes, séquence attribuée à Wipo (xie s.), se rencontre dans le psaume LXXX [O Pasteur d’Israël escoute]. O. Douen a soutenu que de nombreuses mélodies proviennent d’un démarquage d’airs profanes. Selon P. Pidoux, « cette thèse n’est plus défendable aujourd’hui ». Cependant, le parallélisme entre certaines mélodies de chansons profanes est évident : le psaume CXXXVIII (Il faut que de tous mes esprits) [texte de C. Marot, Lyon, 1548, 1549 ; Genève, 1551, 1554], encore chanté de nos jours (Il faut grand Dieu que de mon cœur...), reprend la mélodie, simplifiée, des chansons de C. Marot Quand vous voudrez faire une amie et Une pastourelle gentille...

La paternité des mélodies originales est souvent contestée. Loys Bourgeois (v. 1510 - apr. 1557), chantre de l’église Saint-Pierre de Genève, composa probablement les mélodies des psaumes LXVII, CXXVII, CXXXIII (textes de Théodore de Bèze) et des psaumes XXIV, XXV, LI, CXVIII (textes de C. Marot). Le chantre strasbourgeois Mathias Greiter écrivit en 1526 la mélodie du psaume CXIX (Beati immaculati), devenu dans sa paraphrase allemande Es sind doch selig alle die... Ce timbre a été utilisé en 1539 par J. Calvin pour le psaume XXXVI (En moy le secret pensement) ; il accompagne également le psaume LXVIII (Que Dieu se montre seulement), psaume « des Batailles ». Les successeurs de Loys Bourgeois à Genève, François Gindron, Guillaume Franc à Lausanne ainsi que Pierre Dagues comptent aussi parmi les auteurs présumés de mélodies. Dans le domaine musical, le psautier huguenot peut être considéré comme un produit de Strasbourg, de Genève et de Lausanne. La tradition de Genève l’emportera finalement. Les versions de Genève constituent sur le plan hymnologique la source officielle de timbres qui seront repris par les compositeurs du xxe s., soucieux de rappeler les valeurs du passé en incorporant les mélodies dans des œuvres vocales et instrumentales. En France, en Suisse et en Belgique, les psaumes huguenots appartiennent encore à la liturgie réformée et se chantent chaque dimanche.

Les musiciens

Auteurs de mélodies, harmonisateurs protestants et musiciens catholiques ayant cultivé la forme (en France, en Suisse et — occasionnellement — en Allemagne et en Hollande) au cours du xvie et du xviie s. :
Loys Bourgeois (v. 1510 - apr. 1557) ;
Jean Caulery (xvie s) ;
Pierre Certon († 1572) ;
Thomas Champion († v. 1580) ;
Richard Crassot (xvie s.) ;
Pierre Dagues (xvie s.) ;
Pierre Du Buisson (xvie s.) ;
Michel Ferrier (xvie s.) ;
Guillaume Franc († 1570) ;
François Gindron (fin du xve s. - † 1564) ;
Claude Goudimel (v. 1520-1572) ;
Mathias Greiter (v. 1490-1550) ;
Philibert Jambe de Fer († 1566 ou 1572) ;
Clément Janequin* (1485-1558) ;
Claude Le Jeune* (v. 1530-1600) ;
Paschal de L’Estocart (v. 1539? - apr. 1584) ;
Didier Lupi second (milieu du xvie s.) ;
Samuel Mareschall (1554-1640) ;
Jacques Mauduit (1557-1627) ;
Antoine de Mornable (v. 1515-?) ;
Jean Servin (v. 1530 - apr. 1596) ;
Heinrich Schütz (1585-1672) ;
Signac (début du xviie s.) ;
Hughes Sureau du Rosier (v. 1510-1575) ;
Jan Pierterszoon Sweelinck (1562-1621).


La forme

Le psaume, destiné au culte, est syllabique et strophique. Sa structure s’apparente à celle de l’hymne, avec reprise de la mélodie des deux premiers vers : AB A′B′ CDEF. Le texte est une paraphrase — dans la langue du xvie s. — des psaumes de David. Il est chanté à l’unisson par l’assemblée des fidèles dans le cadre de l’office, À l’époque de la Réforme, l’orgue était banni des églises à la suite de l’attitude radicale des réformateurs, J. Calvin et Zwingli*, en Alsace et en Suisse. En Allemagne, des instruments à vent peuvent soutenir le chant, comme le prouve l’iconographie.

Le psaume, exécuté par la maîtrise, est harmonisé à quatre voix, en style note contre note. La mélodie, qui est d’abord placée au ténor, sera confiée au superius, où elle est plus nettement perceptible. Son évolution se poursuit parallèlement à celle de la « musique mesurée à l’antique », préconisée par les humanistes et en particulier dans les écoles protestantes. Le psaume destiné au concert (ou à un culte solennel) est harmonisé en contrepoint fleuri ou en style de motet. Ces psaumes sont aussi chantés « ès maisons ». Claude Goudimel (v. 1520-1572) a considéré l’harmonisation des psaumes « comme le plus doux travail de sa vie... le plus fidèle témoignage, de tous ses labeurs le plus beau ». La forme est aussi pratiquée hors de France, par J. P. Sweelinck*, Roland de Lassus*, H. Schütz*...

L’essor du psaume a été brisé par les circonstances historiques, mais les musiciens français et suisses, tels Alexandre Cellier (1883-1968), Arthur Honegger*, Marie-Louise Girod (née en 1915), Georges Migot (né en 1891), Henri Gagnebin (né en 1886), Roger Vuataz (né en 1898), Pierre Pidoux (né en 1905), Pierre Segond (né en 1913), renouent volontiers avec le passé. Par sa destination et par sa nature, le psaume huguenot reste une forme vivante et accessible à tous.

É. W.

➙ Bèze (Th. de) / Calvin (J.) / Choral / Églises protestantes / Luther (M.) / Marot (C.) / Protestantisme / Réforme / Schütz (H.).

 O. Douen, Clément Marot et le Psautier huguenot. Étude historique, littéraire, musicale et bibliographique (Impr. nat., 1878-79, 2 vol. ; réimpr. De Graaf, Nieuwkoop, 1967). / P. Pidoux, le Psautier huguenot du xvie s. Mélodies et documents (Bärenreiter, Bâle, 1963 ; 2 vol.). / S. J. Lenselink, le Psautier huguenot, t. III : les Psaumes de Clément Marot (Assen, Bâle, 1969). / E. Weber, « la Réforme en Allemagne et en France », dans Encyclopédie des musiques sacrées, sous la dir. de J. Porte, t. II (Labergerie, 1969).