Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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poudre (suite)

Paul Vieille

Ingénieur français (Paris 1854 - id. 1934). Sa carrière se déroula entièrement au Laboratoire central des poudres, et ses premières recherches portèrent sur les explosions de mélanges gazeux. En collaboration avec Marcelin Berthelot*, il découvrit en 1881 le phénomène de la détonation dans les gaz ; simultanément, il étudia, sous la direction d’Émile Sarrau, les explosifs solides. Son ingéniosité l’amena à doter la bombe manométrique à crusher d’un dispositif enregistreur très sensible fournissant des courbes de développement de la pression en fonction du temps, grâce auxquelles il établit les lois de la célérité de la déflagration des explosifs en vase clos. Il fut ainsi conduit, en 1884, à l’idée qu’il suffisait de modifier la structure physique des nitrocelluloses pour en faire des poudres propulsives ; ce furent les poudres B, dont la fabrication commença en 1885 à la poudrerie nationale de Sevran-Livry. Cette nouvelle poudre, qui assura à l’armement français une supériorité considérable, fut le fruit de recherches expérimentales méthodiques associées au raisonnement. L’activité de Vieille se partagea dès lors entre des recherches pour l’amélioration des premiers types de poudre B et des travaux expérimentaux sur la dynamique des explosions et des phénomènes qui leur sont associés. Son plus beau travail est certainement celui qu’il exécuta en 1898-99 sur les ondes de choc dans les gaz, apportant la preuve de l’existence physique réelle des ondes de discontinuité, dont Bernhard Riemann* et Henri Hugoniot avaient antérieurement édifié la théorie purement mathématique. (Acad. des sc., 1904.)


Poudres sans fumée diverses

En 1888, en soumettant a un laminage entre des cylindres métalliques chauffés un mélange humide de nitrocellulose et de nitroglycérine, le chimiste suédois Alfred Nobel (1833-1896) réalisa la gélatinisation en même temps que la mise sous forme de plaque souple du produit qu’il découpait ensuite en petits carrés ; il appela cette poudre balistite. Vers la même époque, sir Frederick Augustus Abel (1827-1902), en Grande-Bretagne, fabriqua une poudre sans fumée en gélatinisant un mélange de nitrocellulose et de nitroglycérine par de l’acétone ; la pâte obtenue était filée à la presse sous forme de cordes — d’où le nom de cordite donné à la poudre —, puis séchée pour éliminer l’excès d’acétone.

Toutes les poudres sans fumée modernes renferment de la nitrocellulose. On les classe en poudres à simple base quand elles ne comprennent, outre le stabilisant et un peu de solvant résiduel, que de la nitrocellulose et en poudres à double base quand, avec la nitrocellulose, elles renferment de la nitroglycérine ou un ester nitrique huileux analogue ainsi que des substances qui, comme la centralite, sont des gélatinisants non volatils. Certaines poudres à double base renferment aussi de la nitroguanidine, substance qui, lors de la déflagration de la poudre, fournit beaucoup d’azote et dégage peu de chaleur ; ces poudres à la nitroguanidine sont des poudres froides et ont l’avantage de ne pas entraîner des inflammations des gaz lors du tir.

Un type très original de poudre à double base est constitué par les poudres coulées, dont la poudre française Epictête, due à G. Maire, est un exemple ; on fabrique ces poudres en gélatinisant par étuvage à une température très modérée (de 40 à 60 °C) une masse constituée par de petits bâtonnets de 1 mm d’une poudre à simple base obtenue elle-même à peu près comme une poudre B et entourée d’un mélange liquide de nitroglycérine et de triacétine ; sous l’effet de la chaleur, les bâtonnets absorbent le liquide en gonflant et se soudent entre eux. Après démoulage, on a une poudre à double base très homogène.

Enfin, on peut rapprocher des poudres à simple base les poudres pyroxylées, qui servent au tir dans les fusils de chasse ; en France la plus populaire de ces poudres est la poudre T, fabriquée au moyen d’un coton-poudre CP1 gélatinisé par l’acétate d’éthyle. Dans certaines poudres pyroxylées, on incorpore au cours de la fabrication un nitrate inorganique soluble dans l’eau, que l’on élimine par des trempages en eau chaude, ce qui fournit une poudre poreuse assez vive.


Poudres composites

On a d’abord appelé poudres composites des poudres constituées par la juxtaposition de grains d’un comburant et de grains de combustibles ; actuellement, on tend à restreindre cette appellation aux poudres dans lesquelles les grains de comburant sont enrobés dans une masse compacte combustible, appelée la matrice. Les poudres noires sont évidemment des poudres composites, mais, dans presque toutes les poudres composites modernes, le comburant est un perchlorate. Alors que les poudres à la nitrocellulose, à simple base aussi bien qu’à double base, ne peuvent pas être soumises à des températures supérieures à 150 °C sans risque de s’enflammer spontanément, les poudres composites ont des températures d’inflammation plus élevées, pouvant atteindre près de 300 °C, ce qui explique pourquoi les cartouches pour perforateurs de puits de pétrole, au fond desquels règne une température élevée, sont chargées avec des poudres composites, dont un type est composé de perchlorate d’ammonium et de carbazole. Dans les poudres composites modernes, la matrice est constituée soit par un polymère vinylique, soit par un polyuréthanne ; la fabrication consiste à couler dans des moules le monomère additionné du sel comburant (nitrate d’ammonium, perchlorate d’ammonium) et parfois d’un métal en poudre fine ; une cuisson vers 50 °C provoque la polymérisation ; les blocs ainsi obtenus servent généralement de propergols solides.

L. M.

➙ Déflagration / Propergol / Stabilité.

 L. Vennin, E. Burlot et H. Lécorché, les Poudres et explosifs (Béranger, 1932). / S. F. Sarner, Propellant Chemistry (New York, 1966). / P. Tavernier, Poudres et explosifs (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1969).