Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

poudre

Substance explosive servant à lancer un projectile au moyen d’une arme à feu.



Mode de fonctionnement

Les gaz produits très rapidement par la déflagration de la poudre propulsive constituent l’agent moteur d’un projectile ou, dans le cas des fusils de chasse, d’une grappe de projectiles, dans l’âme de l’arme à feu, en lui communiquant une vitesse élevée. Pour le bon fonctionnement d’une arme, la célérité de la déflagration de la poudre doit être régulière afin qu’il n’y ait pas d’à-coup de pression ; il faut, bien entendu, que, dans les conditions de son emploi, la poudre ne détone pas, car elle endommagerait l’arme ou pourrait même la faire voler en éclats. Les balisticiens ont coutume d’appeler combustion cette déflagration de la poudre, mais la déflagration d’une poudre dans une arme à feu diffère considérablement, tant par sa rapidité que par la nature des gaz produits, de la combustion de cette même poudre à l’air libre.

Une poudre doit fournir des gaz dont l’action érosive sur l’arme soit aussi réduite que possible ; on désire aussi que la poudre produise peu de fumée, autrement dit que les gaz émis renferment le moins possible de particules solides en suspension et que ces gaz ne s’enflamment pas en débouchant à l’air libre, quand le projectile quitte l’arme. D’autre part, la manipulation d’une poudre et son transport doivent pouvoir se faire dans de bonnes conditions de sécurité ; enfin, une poudre doit être stable, cette dernière condition étant particulièrement importante pour les poudres de guerre, qui sont conservées de très nombreuses années dans les approvisionnements. Toutes ces sujétions rendent la fabrication des poudres fort complexe.


Poudre noire

Pendant de nombreux siècles, on ne connut pas d’autres sortes de poudres que la poudre noire, mélange intime de salpêtre (nitrate de potassium), de soufre et de charbon de bois, dans des proportions relatives s’écartant respectivement peu de 75 p. 100, de 12,5 p. 100 et de 12,5 p. 100. La poudre dut son nom à la forme pulvérulente du mélange primitif ; elle le conserva quand on l’obtint par agglomération, sous forme de petits blocs de plusieurs centimètres. La poudre noire n’a pas servi seulement comme poudre propulsive ; elle a été également utilisée comme explosif de tir dans les mines, car son explosion, bien qu’appartenant au type des déflagrations, peut être rendue assez vive pour que ses effets se rapprochent de ceux d’une détonation véritable.

Ce sont probablement les Arabes qui, dans le haut Moyen Âge, préparèrent les premiers de la poudre noire ; elle ne se répandit pas en Europe avant la fin du xiiie s. ; on la fabriquait alors par trituration des constituants, à la main, dans un mortier au moyen d’un pilon en bronze ; au xvie s., on installa le long des cours d’eau, loin des habitations, des moulins à poudre dans lesquels se trouvaient des batteries de pilons mis en mouvement par la marche d’une roue à aubes. Vers 1830, on commença à utiliser pour la trituration des meules en fonte pesant plusieurs tonnes, qu’on entraîna par la suite avec des machines à vapeur, puis avec des moteurs électriques. À la trituration, opération fondamentale de la fabrication des poudres noires, succédaient soit l’agglomération au moyen de presses, soit le passage dans un granulateur ; la fabrication se poursuivait par des lissages, des séchages, des tamisages et des mélanges.

Lors de la déflagration de la poudre noire, plus de la moitié des corps formés sont des solides en poussière ; aussi le tir de cette poudre produit-il une fumée noire opaque, encrassant considérablement les armes à feu.


Poudres B

Vers 1850, on avait pressenti la possibilité, de pouvoir utiliser le fulmicoton (nitrocellulose) pour la fabrication de poudres propulsives, mais les premières tentatives donnèrent lieu à des accidents. C’est à Paul Vieille que l’on doit l’invention, en 1884, de la première poudre à base exclusive de nitrocellulose. Il y fut conduit par les résultats de l’étude de la déflagration en vase clos des dérivés nitrés aromatiques : une substance qui, comme le picrate de potassium, déflagre de façon très vive sous sa forme pulvérulente habituelle à cause de sa vitesse d’inflammation très élevée peut, une fois agglomérée à la presse sous forte pression en petits blocs durs, déflagrer bien moins rapidement et très régulièrement. Vieille conçut l’idée que le coton nitré, qui, à l’état sec et sous sa forme fibreuse naturelle, ne peut pas être amorcé en vase clos sans que son explosion aille en s’accélérant pour aboutir à une détonation, devait, si on le mettait sous une forme compacte, déflagrer à une allure modérée sans détoner ; or, on peut donner aux nitrocelluloses une grande compacité grâce au phénomène de gélatinisation. Vieille vérifia que des plaquettes ou des grains de nitrocellulose gélatinisée déflagrent très régulièrement ; ainsi fut obtenue la première poudre propulsive à la nitrocellulose, appelée d’abord poudre V, puis, un an plus tard, poudre B, qui se montra très supérieure à la poudre noire : une masse de poudre moindre permettait de communiquer à un projectile une bien plus grande vitesse. En outre, la déflagration de la poudre B ne produisait que très peu de fumée, ce qui la fit appeler poudre sans fumée. Le gélatinisant employé dans la fabrication des poudres B est le mélange de 64 p. 100 d’éther et de 36 p. 100 d’alcool éthylique ; ce mélange, appelé aussi dissolvant, est assez volatil et peut être éliminé presque totalement de la poudre terminée ; celle-ci se présente alors sous forme d’une matière cornée de couleur ambrée. On emploie dans la fabrication de la poudre B deux sortes de nitrocelluloses : un coton-poudre à degré de nitration élevé, le CPI, qui gonfle sans se désagréger dans le mélange alcool-éther, et un coton-poudre moyennement nitré, le CP2, entièrement soluble dans ce mélange.

La fabrication de la poudre B, à partir des cotons-poudres humides, comprend les opérations suivantes : déshydratation des cotons-poudres au moyen d’alcool ; malaxage du CP1 et du CP2 déshydratés par le mélange alcool-éther, avec addition de 1 à 2 p. 100 d’un stabilisant, ce qui donne une pâte formée par le CP1, gonflé et enrobé par le collodion de CP2 ; étirage de la pâte entre des filières plates au moyen de presses hydrauliques ; première élimination du dissolvant par essorage des bandes étirées ; découpage de ces bandes ; seconde élimination du dissolvant par trempage de plusieurs heures dans de l’eau chaude (70 °C environ) ; séchage et mélange. La poudre B pour fusil se présente sous la forme de petits grains carrés de faible épaisseur ; les poudres B à canon sont constitués de petits rectangles larges de 2 à 5 cm et longs de 12 à 30 cm ; leur épaisseur varie de 0,3 mm environ pour les poudres les plus vives à 3 mm pour les poudres très lentes, telles celles utilisées dans les gros canons de la marine.