Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

armée (suite)

Général Weygand (1867-1965)

« [...] La force militaire est à base d’hommes, soutenus, bien entendu, par du matériel, encadrés dans des organisations, agissant selon des combinaisons. Hommes sont les chefs et les soldats. Sans doute l’armement, les engins de guerre de toute nature prennent, avec les progrès de la science et de l’industrie, une importance croissante sur les champs de bataille. Sans doute la tactique et la stratégie des chefs, devant tenir compte de facteurs de plus en plus nombreux et complexes, et exigeant plus de savoir et un plus grand esprit de précision, prennent une place chaque fois plus décisive. Mais plus le matériel est perfectionné, plus son service réclame des soldats au cœur intrépide ; et à toute époque les meilleures conceptions du commandement n’ont valu que si le combattant a montré le courage d’accomplir la mission reçue en faisant bon marché de sa vie. Aujourd’hui, comme jadis, à armes et à commandement à peu près équivalents, c’est le cœur du soldat qui gagne les batailles.

« Dans la lutte pour la vie, à laquelle tout grand pays est condamné, le soldat reste l’élément principal et le seul constant, tandis que les autres facteurs du combat se transforment autour de lui. » (Histoire de l’armée française, 1938.)

« [...] L’un des principes animateurs de l’armée, écrira Weygand plus tard, est précisément la lutte contre l’abandon de soi-même, l’abandon à la volonté de l’ennemi [...]. L’armée est pour la nation une maison de verre. La nation lui apporte, par le comportement de sa jeunesse, une image de son propre avenir [...]. » (Conférence à l’École supérieure de guerre, 1958.)

Hans von Seeckt (1866-1936)

Chef de l’armée allemande de 1920 à 1926.

« [...] Il faut souligner que l’armée fait partie du peuple et qu’elle doit le sentir [...].

« [...] Cette façon dont est composée l’armée et les liens étroits qui en résultent avec toutes les classes de la population, la communauté de sort avec elles, empêchent l’armée de devenir une caste, alors qu’elle ne doit être qu’une profession. L’armée ne doit pas devenir un État dans l’État, mais doit, en le servant, se fondre avec lui et devenir ainsi l’image la plus pure de l’État [...].

« [...] De même que l’État, l’armée n’existe pas pour elle-même, mais tous deux sont des formes par lesquelles se manifeste la volonté de vivre d’un peuple [...]. » (Extrait de Pensées d’un soldat, 1929.)

Lénine (1870-1924)

« Que chaque institution de la Russie soviétique ne cesse jamais d’accorder à l’armée la première place. L’histoire enseigne que les gouvernements qui n’attachent pas aux questions militaires une grande importance conduisent leurs pays à leur perte [...]. « L’armée doit être régulière et fermement disciplinée. Ou bien nous en formons une, telle, ou bien nous périrons. » (VIIIe Congrès du parti, 1919.)

J. de L.

➙ Arme / Armement / Défense / Militaire (état) / Service national.

 J. Boudet (sous la dir. de), Histoire universelle des armées (Éd. de Bois-Robert, Romorantin, 1965 ; nouv. éd., Laffont, 1967 ; 4 vol.).

armement

Ensemble des moyens offensifs et défensifs de tous ordres nécessaires à un État pour assurer sa sécurité.


Au terme de la longue évolution qui a fait passer l’arme* du stade de l’instrument élémentaire de l’homme des cavernes aux redoutables engins de la Seconde Guerre mondiale, la bombe d’Hiroshima remettait en cause tout l’équilibre pragmatique des armements dits « classiques ». Jointe au développement du moteur-fusée et de l’électronique, qui permettent le transport et le guidage à grande distance de projectiles de destructions massives, l’arme nucléaire a bouleversé le tableau des armements. À côté de matériels d’une technologie de plus en plus complexe et dont le prix de revient unitaire ne cesse d’augmenter subsiste toute la gamme des armes classiques, qui vont de la mitrailleuse au porte-avions en passant par le char et l’avion de combat.

Le terme d’armement recouvre aujourd’hui un ensemble de plus en plus diversifié. Il est donc important d’en discerner les principales composantes, que l’on peut grouper dans les familles ci-après :
— les armes à feu classiques et leurs munitions (canons*, fusils*, mitrailleuses*, mines*, etc.) ;
— les systèmes d’armes qui mettent en œuvre des dispositifs de propulsion, de guidage, de repérage et de poursuite de l’objectif, et parmi lesquels se placent les missiles* (v. autopropulsé, etc.) ;
— les matériels terrestres dont la mobilité est assurée par un moteur, qu’il s’agisse de blindés*, de matériels d’organisation du terrain ou d’enfouissement, de ponts ou, plus simplement, de véhicules de transport ou de liaison (v. génie, transport) ;
— les aéronefs d’interception, de reconnaissance, de transport, etc., avec leur infrastructure (v. aviation, bombardement, chasse, transport) ;
— les matériels ressortissant au domaine de l’arme aéroportée* (parachutage, largage, etc.) ;
— les navires de surface et les sous-marins, avec leur appui aérien et antiaérien (v. aéronavale, marine, porte-avions, sous-marin) ;
— les matériels aptes aux déplacements à terre, dans l’eau et sur l’eau (v. amphibie) ;
— les moyens de transmission et les matériels permettant de déceler l’adversaire en tous lieux, y compris les contre-mesures de guerre électroniques (v. électronique, radar, transmission) ;
— les armes nucléaires* ;
— les moyens d’agression biologiques et chimiques ainsi que ceux qui protègent contre leurs attaques (v. gaz).


La course aux armements est devenue une compétition scientifique, technique, industrielle et financière

Cette simple énumération donne la mesure de l’ensemble des problèmes nouveaux posés à un État moderne pour assurer sa sécurité. En effet, la concurrence entre grandes puissances, qui, au début du xxe s., visait essentiellement à équiper de gros effectifs, se situe désormais sur le plan scientifique et technique. S’il est important de posséder un ensemble suffisant et cohérent d’armements de types connus, le rythme accéléré du progrès impose surtout de disposer d’armes originales et de perfectionnements inédits capables de surclasser les moyens existants d’un adversaire éventuel. La nécessité s’affirme donc d’un effort de recherches sans cesse renouvelé, qu’il s’agisse de connaissances fondamentales ou d’innovations directement applicables à des fins militaires. De tels efforts sont particulièrement coûteux. C’est ainsi qu’en France les dépenses de recherches d’intérêt militaire atteignaient en 1968 le tiers des crédits de recherches engagés par l’État, lesquels représentaient environ les deux tiers du budget d’études et de recherches de la nation. Si l’on ajoute que les matériels de plus en plus complexes sont aussi de plus en plus dispendieux (le coût d’un avion de combat est multiplié par 10 tous les dix ans), on conçoit qu’il ne soit plus possible d’équiper les effectifs considérables que connurent les armées des deux guerres mondiales. D’autre part, l’aboutissement pratique d’une action de recherches se compte en années sans que l’on soit toujours assuré du succès de cet effort : il s’écoule couramment cinq ans entre le début d’une étude de matériel et, en cas d’adoption de son prototype, le lancement de sa fabrication en série. L’expérience prouvant que la vie d’un matériel en service ne dépasse pas actuellement de dix à vingt ans, il faut donc, dès sa mise en service, mettre à l’étude celui qui devra le remplacer et qui sera d’un type non seulement plus évolué, mais peut-être même d’une formule différente. Ainsi, les problèmes d’armement débordent-ils largement du cadre du seul ministère de la Défense. Pour la recherche, ils exigent la coopération des laboratoires de l’État, y compris ceux de l’université et de l’industrie. Au niveau de la fabrication, l’emploi de machines de conception nouvelle et l’amélioration de la productivité permettent seuls de réduire le prix de revient unitaire des matériels pour une performance donnée.