Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Pitt (William) (suite)

Devenant chef du gouvernement, Pitt a cru bon d’accepter le titre de comte de Chatham. Ainsi fait-il partie de la Chambre des lords, sur laquelle il est loin de retrouver l’énorme influence qu’il possède sur les Communes et qui l’a fait surnommer « the Great Commoner ». Sa santé décline. C’est à peine s’il peut prononcer son dernier discours lorsqu’il est question d’accorder l’indépendance aux colonies américaines (avr. 1778). En 1775, le Parlement a repoussé un bill préparé par Pitt : le texte est si libéral à l’égard des colons que des hommes comme Benjamin Franklin* (que Pitt a rencontré) et Thomas Jefferson pensent à son possible succès. Et maintenant, il faut se résigner à abandonner le plus beau fleuron de l’Empire. Ce dernier discours est tout empreint de honte et de désespoir. Pitt meurt quelques jours plus tard : à ses côtés se tient son fils, qui va un jour faire de nouveau triompher les grands desseins paternels.

J.-P. G.

➙ Canada / Empire britannique / Grande-Bretagne / Hanovre (dynastie de) / Sept Ans (guerre de).

 B. Williams, The Life of William Pitt, Earl of Chatham (Londres, 1913 ; nouv. éd., 1966 ; 2 vol.). / W. C. B. Tunstall, William Pitt, Earl of Chatham (Londres, 1938). / O. A. Sherrard, Lord Chatham (Londres, 1952-1956 ; 3 vol.). / J. H. Plumb, Chatham (Londres, 1953 ; 2e éd., 1965). / J. Brooke, The Chatham Administration, 1766-1768 (Londres et New York, 1956).

Pitt (William)

Dit le Second Pitt, homme politique britannique (Hayes, Kent, 1759 - Putney, près de Londres, 1806).



La jeunesse de Pitt (1759-1778)

L’enfance de Pitt est tout entière marquée par l’influence de son père, dont il est le fils préféré. D’emblée, Pitt est destiné à la vie politique. C’est un pur homo politicus. Il passe pour n’avoir eu aucune vie sentimentale et ne se mariera pas, sa seule faiblesse étant un goût immodéré pour le vin de Porto.

Confié à un précepteur (George Pretyman-Tomline, qui deviendra plus tard son secrétaire), il va directement au Pembroke Hall de Cambridge sans passer par Eton. Dès quatorze ans, il lit aisément Polybe et Thucydide dans le texte original. Il s’intéresse aussi à la philosophie politique (Locke) et aux mathématiques. De même, il est très au courant des travaux des économistes et lit Adam Smith.


L’entrée en politique (1778-1783)

À la mort de son père (1778), qui le touche beaucoup, Pitt, qui est pauvre, veut devenir avocat. En réalité, il cherche déjà à commencer sa carrière politique. N’ayant pu être l’élu de l’université de Cambridge, il obtient le patronage de James Lowther, qui contrôle neuf sièges de député dans le Nord : en janvier 1781, il siège en tant que député d’Appleby à l’ouverture de la session parlementaire.

En mars 1782, le parti de la cour capitule devant l’opinion publique : une coalition Shelburne-Rockingham, où Pitt a décliné l’offre d’un portefeuille secondaire, lui succède. À la mort de Rockingham, ses partisans, Fox et Edmund Burke, démissionnent. Shelburne, futur marquis de Lansdowne, fait alors appel à Pitt, qui le seconde en tant que chancelier de l’Échiquier (été 1782). Ce gouvernement conclut la paix avec les États-Unis et négocie les préliminaires du traité de Versailles (30 nov. 1782), mais il doit démissionner en février 1783.

Pitt refuse alors de former un gouvernement : avec une étonnante maturité, il réalise la force de l’opposition. Il laisse s’user les chefs de cette dernière, Fox et Frederick North ; ceux-ci, après huit mois difficiles, présentent un imprudent projet de réforme administrative de l’Inde qui provoque leur chute. Pitt devient pour dix-sept ans chancelier de l’Échiquier et Premier ministre (déc. 1783).


Le gouvernement de Pitt pendant la paix (déc. 1783 - févr. 1793)

L’effort de Pitt est avant tout consacré à la restauration des finances. La dette* publique est alors énorme (231 millions de livres !). Disciple de Shelburne et de Smith, Pitt sait que la richesse d’une nation dépend de la vitalité de son commerce. Il supprime ou diminue les énormes droits de douane qui grèvent nombre de produits. C’est apparemment renoncer à de substantielles recettes (encore que déjà diminuées par la contrebande) : en réalité, l’augmentation du volume du commerce, la prospérité générale et des économies draconiennes permettent de transformer le déficit chronique du budget en un excédent régulier. Un fonds de remboursement de la dette publique est créé et bien alimenté : la confiance dans les finances publiques est restaurée et ne faillira jamais tant que Pitt restera au pouvoir. La prospérité est encore accentuée après la signature du traité de commerce de 1786 avec la France, l’une des grandes réussites de Pitt : le marché français offre en effet un excellent débouché aux produits anglais.

Par ailleurs, Pitt connaît des déboires : son projet de réforme parlementaire, son plan de libre-échange entre l’Angleterre et l’Irlande*, ses efforts (suscités par son ami William Wilberforce) pour supprimer la traite des esclaves, tout cela échoue devant la Chambre des communes. On a critiqué Pitt pour ne pas avoir retiré ses projets, ce qui a eu parfois des conséquences graves (ainsi le développement de l’agitation en Irlande). Mais son retrait aurait fait le jeu des whigs (Ch. J. Fox, Ch. Grey, R. B. Sheridan), dont le roi ne voulait à aucun prix. Au demeurant, cela n’aurait pas favorisé la réalisation des réformes. De même, Pitt doit accepter la mise en accusation devant le Parlement de Warren Hastings, gouverneur général des Indes, dont le gouvernement approuvait l’action, mais dont la gestion autoritaire et brutale avait heurté trop d’intérêts.

Par contre, Pitt sait être ferme lors de la crise constitutionnelle de 1788-89. En octobre 1788, George III est devenu fou. Le problème de la régence se pose donc : le prince de Galles (dissolu et léger, de plus whig et ami de Richard Brinsley Sheridan) devient-il automatiquement régent ? N’est-ce pas au Parlement, au contraire, de fixer les conditions de son accession à la régence et les limites de son action ? D’emblée, Pitt tient pour la seconde solution. Par contre, les whigs sont incapables de définir une attitude commune et s’épuisent en vaines controverses. George III retrouve la raison avant que le Regency Bill soit entré en vigueur.