Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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pigment (suite)

L’albinisme est une achromie congénitale généralisée due à un défaut biochimique de la synthèse de la mélanie. Cette anomalie, souvent familiale, se transmet en récessivité simple (v. génétique). La peau est blanc laiteux, les cheveux sont blancs ou blond pâle, les iris décolorés contrastent avec les pupilles, qui apparaissent parfois rouges. Les albinos souffrent de photophobie (craignent la lumière), sont exposés aux lucites cancérigènes et présentent parfois d’autres anomalies : surdité, épilepsie. L’albinisme partiel (nègres pie) est moins grave et transmis en dominance.

Les nævi achromiques, de disposition linéaire sur un territoire unilatéral du corps, sont souvent associés à des nævi pigmentés. Nombreuses sont les achromies acquises, en particulier les leucodermies exotiques : lèpre achromique, épidermomycose des pays chauds. Les carates de l’Amérique intertropicale comportent des taches de diverses couleurs dont certaines deviennent achromiques.

Fréquentes sont les achromies de petite surface, reliquats cicatriciels de griffures, écorchures, coupures ou encore d’une dermatose classée (sclérodermie, lichen).

Les achromies professionnelles sont observables chez les fondeurs, les forgerons, les soudeurs, les ouvriers de la chaux vive et de l’électrolyse. Elles siègent sur le dos des mains, les avant-bras, voire à la face.

• Les leucomélanodermies. Le vitiligo réalise le mieux le type de leucodermie d’apparence primitive. Les plages dépigmentées de couleur crayeuse ou laiteuse sont de dimensions variées : lenticulaire, pièce de monnaie, paume de main. Leur disposition est de tendance symétrique, affectant plus spécialement le dos des mains, les avant-bras, la face, le cou, le voisinage des organes génitaux, mais respectant les muqueuses. Le contraste entre les zones achromiques et leur pourtour hyperpigmenté s’accentue l’été sur les régions découvertes. De nature inconnue, le vitiligo débute à n’importe quel âge, évolue lentement, parfois par poussées. Tous les traitements proposés se sont montrés décevants. La leucomélanodermie syphilitique s’observe sur le cou des femmes, surtout les brunes (collier de Vénus). Plus rarement rencontrée chez les hommes, c’est un signe de syphilis secondaire. Il est fait d’un réseau pigmenté enclavant des îlots décolorés. Un examen sérologique permet d’éviter toute erreur dans les cas douteux.

A. C.


Les pigments végétaux

Les pigments sont nombreux chez les végétaux : vert des feuilles, qui vire au rouge, orangé ou jaune à l’automne ; teintes vives des organes reproducteurs : jaune, bleu, rouge, mauve, blanc...

À l’intérieur de la cellule végétale, ces pigments se trouvent localisés de deux manières différentes. Les uns, qui jouent un rôle important en physiologie, sont situés sur des plastes qui les synthétisent et les accumulent : chlorophylle a et les divers pigments accessoires qui lui sont liés dans les réactions de la photosynthèse (chlorophylle b, caroténoïdes tels que carotène et xanthophylle, phycoérythrine et phycoxanthine chez les Algues rouges et les Cyanophycées). Si la chlorophylle a a le premier rôle dans la fixation de l’énergie lumineuse et les synthèses végétales, les pigments accessoires retiennent aussi une autre partie de l’énergie, qu’ils transmettent ensuite à la chlorophylle a (v. chlorophylle et photosynthèse).

À côté des phycoxanthine et phycoérythrine, appartenant comme elles aux biliprotéines, on peut citer le phytochrome, sensible au rouge vif et rouge sombre et qui joue un rôle dans le déclenchement du photopériodisme*.

Le lycopène qui colore la Tomate en rouge est un caroténoïde fixé sur des chromoplastes, où il apparaît au microscope sous forme de petites baguettes dans le cytoplasme cellulaire.

D’autres pigments, qui semblent surtout attirer les Insectes pollinisateurs sur les pièces florales, sont solubles dans le suc vacuolaire des cellules (hydrosolubles). On en connaît surtout de deux types : les anthocyanes, responsables des teintes bleues, violettes, roses, rouges ; les composés flavoniques, qui donnent diverses nuances de jaune, de crème ou de blanc.

Les anthocyanes, ou anthocyanides, constituent un groupe chimique où les divers corps possèdent tous un noyau pyranne entouré de deux noyaux benzéniques : la cyanidine (fleur de Bleuet), la delphinine (Dauphinelle), la poenidine (Pivoine), la syringidine (Mauves), la pétunidine (Pétunia)... On décèle également de ces produits dans certaines feuilles qui rougissent en automne (Vigne vierge)... La couleur de ces pigments dépend, outre de leur constitution chimique précise, de l’acidité du milieu et de la présence de certains ions métalliques capables de les faire virer ; ainsi, ils sont rouges en milieu acide, violet si le pH est neutre, et bleu s’il est basique ; les fleurs d’Echium sont souvent roses lorsqu’elles sont jeunes, puis passent au bleu en vieillisant ; cela est lié à la modification de pH du suc vacuolaire au cours de l’âge ; par ailleurs, les fleurs d’Hortensia bleuissent lorsque la plante est arrosée par une solution contenant des sels d’aluminium ou de fer, même si l’on est en terre acide, ce qui sépare nettement cette action de celle du pH. Ainsi, on peut obtenir le virage de teinte du rose au bleu en mettant des ardoises pilées riches en aluminium au pied de ces plantes.

Les déséquilibres alimentaires (carences en K et N, ou excès de glucides, ce qui est fréquent à la fin de l’été) favorisent l’apparition des corps précurseurs des anthocyanes.

Ces dernières sont proches des flavones, isoflavones et flavonols, aussi caractérisés par un aglycone flavanne. On en trouve dans les vacuoles des écailles de bourgeons, dans certaines écorces et surtout dans les pièces florales colorées en jaune (certains Lupins). Les flavones sont présentés à côté d’autres pigments pour donner la teinte caractéristique des fleurs de Genêts, des Dahlias (jaunes ou crème), des Résédas ; les isoflavones existent chez les Iris jaunes et des Trèfles ; les flavonols notamment dans le bois de Chêne, les fleurs de Lotier...

Certains de ces composés sont invisibles pour nous, mais les Insectes, dont l’œil est sensible à l’ultraviolet, peuvent percevoir leur présence et être attirés.

J.-M. T. et F. T.

 J. Verne, les Pigments dans l’organisme animal (Doin, 1927) ; Couleurs et pigments des êtres vivants (A. Colin, 1930). / J. Leschi, Races mélanodermes et leucodermes. Pigmentation et fonctionnement cortico-surrénalien (Masson, 1952). / M. Wolman (sous la dir. de), Pigments in Pathology (New York, 1969).