Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Piast (suite)

Le relèvement et l’apogée de la dynastie : Ladislas le Bref (1306-1333) et Casimir III le Grand (1333-1370)

L’énergie indomptable de Ladislas le Bref mobilisa progressivement les forces nationales contre l’emprise allemande, dangereusement développée par les rois tchèques (1300-1305). Ladislas s’imposa d’abord avec l’aide hongroise en Petite Pologne, puis en Poméranie. Mais, hostiles, les grands féodaux lui opposaient d’autres Piast. Décidés à briser ses efforts, le Brandebourg et l’ordre Teutonique s’allièrent à Jean de Luxembourg, qui, devenu roi de Bohême (1310-1346), prétendait aussi au trône polonais et avait pour lui le patriaciat allemand des grandes cités. L’ordre enleva, à Ladislas, Gdańsk par traîtrise (1308) et toute la Poméranie orientale (1309). Mais Ladislas parvint à mater la révolte des bourgeois et des moines allemands de Cracovie (1311-12), et s’imposa en Grande Pologne avec l’aide de la chevalerie locale et de la population polonaise des villes (1314). Il consolida les positions acquises et se fit couronner roi de Pologne en 1320 à Cracovie, avec l’accord tacite du pape. L’aigle blanc sur un bouclier pourpre devint l’emblème royal.

Ladislas ne se résigna jamais à abandonner la Poméranie à l’ordre Teutonique et poursuivit sans relâche sa restitution. La vanité du recours à la Justice pontificale (1320) le poussa à consolider l’amitié hongroise, affermie par le mariage de sa fille avec le roi Charles Robert d’Anjou. En 1325, Ladislas osa s’allier contre l’ordre à l’irréductible Lituanie païenne. Mais le roi de Bohême Venceslas II réussit à se faire prêter hommage par les Piast de Silésie (1327-1329) et par un duc de Mazovie qui se rangea aux côtés de l’ordre Teutonique, lequel envahit le nord du pays. Ladislas le battit à Płowce (1331), mais se vit enlever la Couïavie entière avec le patrimoine de sa maison (1332). Absorbé par ses campagnes, il ne put se consacrer aux institutions ; il gouverna le pays avec l’aide des lignages modestes, dévoués à sa cause, et convoqua en 1331 la première Diète. Il affermit si bien son pouvoir que son fils Casimir lui succéda sans difficulté aucune (1333). Le royaume qu’il avait reconstruit, bien qu’inachevé et menacé, offrait une base solide à l’œuvre glorieuse du plus grand des Piast.

Casimir III* le Grand ne put reconstruire l’État de Boleslas le Vaillant : la Silésie et la Poméranie ne reviendront en totalité à la Pologne qu’en 1945. Mais il renforça ses positions, s’ingéniant à ménager l’avenir, et chercha des compensations dans une politique orientale qui agrandit son État des riches provinces de Ruthénie (Lwów) et de Volhynie. Grand législateur, bâtisseur infatigable et fondateur de l’université de Cracovie, il sut être le populaire « roi des paysans » et demeura pour son peuple l’idéal du souverain.

C. G.

➙ Casimir III le Grand / Mieszko Ier / Pologne.

 O. M. Balzer, Généalogie des Piast (en polonais, Cracovie, 1895). / S. W. Zakrzewski, Bolesław le Vaillant (en polonais, Lwów, 1925). / Z. Kaczmarczyk, la Monarchie de Casimir le Grand (en polonais, Poznań, 1939-1946 ; 2 vol.). / K. Maleczyński, Bolesław Bouche-Torse (en polonais, Wrocław, 1946). / P. Grodecki, la Pologne des Piast (Varsovie, 1969). / T. Manteuffel, la Pologne des premiers Piast (en polonais, Varsovie, 1970). / S. Kieniewicz et coll., Histoire de Pologne (en polonais, Varsovie, 1971). / H. Ludat, Am Elbe und Oder um das Jahr 1 000. Skizzen zur Politik des Ottonenreiches und der slavischen Mächte in Mitteleuropa (Cologne, 1971). / P. W. Knoll, The Rise of Polish Monarchy, 1320-1370 : Piast Poland in East Central Europe (Chicago, 1972).

Picabia (Francis)

Peintre et poète français (Paris 1879 - id. 1953).


Rarement, voire jamais pour un artiste, les critiques ont évolué aussi radicalement qu’à propos de Picabia, des louanges les plus élogieuses aux pires vitupérations. C’est qu’après avoir pratiqué un impressionnisme de bon ton, il passa pour être l’auteur de la première peinture abstraite et fut aux États-Unis, en 1913, le représentant de la peinture européenne d’avant-garde. Il voulut prouver qu’il était encore possible de formuler l’équivalence art = vie ; à ce titre, il se heurta à la fonction régnante de l’art et à l’art lui-même, allant jusqu’à sa destruction ou à sa négation.

Né d’un père cubain et d’une mère française, bénéficiant assez jeune d’une fortune personnelle, Picabia est, de 1903 à 1908, avec plus d’un millier de toiles de facture impressionniste, un artiste apprécié par la société parisienne élégante, dans laquelle il évolue avec facilité et complaisance. La rencontre de sa future femme, Gabrielle Buffet, musicienne particulièrement sensible, la rétrospective Cézanne* de 1907 et le climat du cubisme* naissant vont lui permettre de donner forme à ses aspirations. Dans l’aquarelle Caoutchouc (1909, musée national d’Art moderne, Paris), l’écrasement des objets (en l’occurrence, des oranges) sur leur support et la reconstruction géométrique des volumes montrent la nouvelle orientation de l’artiste. Les cubistes poursuivront plus avant cette démarche, mais Picabia, qui ne s’est jamais senti lié par une esthétique déterminée, fera rejaillir l’énergie alors comprimée par la réduction non-représentative de formes diverses dans des toiles caractéristiques comme la Procession à Séville (1912, coll. priv.) et Udnie, jeune fille américaine, ou la Danse (1913, musée national d’Art moderne).

Ses deux voyages à New York en 1913 et en 1915, année des débuts — avant la lettre — de dada*, le confrontent aux rouages de la technicité industrielle. Sa révolte se précise. L’efficacité qui sous-tend le mécanisme de la machine dans les catalogues industriels va être supprimée, ridiculisée au nom des valeurs de l’homme qu’elle tend à annihiler. C’est cette tentative que nous trouvons dans les dessins ou peintures Machine tournez vite (1916, coll. priv.), Portrait de Marie Laurencin (1917, coll. priv.) ou L’Enfant carburateur (Guggenheim Museum, New York). La présence de l’élément verbal dans ces épures accentue leur rapport insolite à la fonction de jeu, dont ne se départiront pas les dadaïstes.