Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Philippe II

(v. 382 - Aigai 336 av. J.-C.), régent (359), puis roi de Macédoine de 356 à 336.


Il était le plus jeune fils du roi Amyntas III.

Envoyé à Thèbes, comme otage, par son beau-père, Ptolémée d’Alôros, roi de 368 à 365, il y acquit une solide connaissance de la culture grecque. Son frère Perdiccas III (365-359), parvenu au pouvoir, le rappela et lui confia un gouvernement local. Perdiccas mort, Amyntas IV, son fils, lui succéda. Comme il était tout jeune, Philippe prit la régence. La situation de la Macédoine était alors délicate. Le régent eut à lutter contre les peuples barbares voisins, Illyriens et Péoniens, et contre deux prétendants au trône, soutenus l’un et l’autre par des puissances étrangères. La diplomatie et les armes permirent au régent de triompher de ces difficultés et de vaincre tous ses adversaires. Bon général, ayant su se gagner la sympathie de la noblesse, il organisa l’armée, en constituant une garde noble, et le corps d’infanterie lourde dit « la phalange ». Celle-ci était un mode de groupement des hommes en unités très compactes, en rangs serrés, armés de la lance appelée sarisse, de plus de 5 m de long, et de ce fait maniée par plusieurs soldats. La phalange se révéla longtemps imbattable. Enfin, Philippe prit aux Thraces les mines d’or du mont Pangée, qui devaient lui assurer un revenu d’un millier de talents et lui permettre de frapper de célèbres monnaies d’or, les statères. Il put dès lors évincer son neveu et se faire proclamer roi par les nobles.

À l’égard de la Grèce, il pratiqua une politique de conquête lente et insidieuse, utilisant ingénieusement la désunion entre les cités pour les vaincre les unes après les autres. Sa principale adversaire fut Athènes*, dont il attaqua de bonne heure des colonies et où Démosthène*, plus clairvoyant que d’autres, annonçait, dans ses discours véhéments, le danger macédonien et la catastrophe presque inéluctable. Ne cessant de mettre en garde ses concitoyens, Démosthène dénonçait les manœuvres de Philippe et exhortait — en vain ou trop tard — les Athéniens à accroître leurs moyens de défense. Mais Philippe, rusé diplomate, avait ses alliés dans la ville même : un parti promacédonien, qui le soutenait et dont le rhéteur Isocrate (436-338) était un des plus notables représentants. Tantôt allié, tantôt ennemi des cités et craignant une union autour d’Athènes, Philippe n’hésita pas à signer des traités avec Athènes même, pour la mieux endormir. Aidé par les uns, neutralisant les autres, dupant tout le monde, il prit ainsi successivement Amphipolis, Pydna, Potidée, Olynthe enfin, qu’il fit raser, après lui avoir, quelques années plus tôt, fait cadeau de Potidée, prise aux Athéniens, pour la brouiller avec Athènes. Il utilisa, à ces mêmes fins, le roi odryse Kersébleptès (359-342), en attendant de jeter un de ses voisins contre lui. Il profita de dissensions en Grèce centrale pour pénétrer en Thessalie et aller jusqu’à Delphes, en se faisant passer pour le champion du dieu de Delphes, puis en s’installant au conseil amphictyonique, qu’il dominait (guerre dite « sacrée », 356-346). La paix de Philocratès avec Athènes (346), longuement négociée, ne résolut rien. Philippe guerroyait partout à la fois : il s’étendait vers le Péloponnèse, où son hostilité à Sparte* devait se traduire par une redistribution des territoires au profit des autres cités, il opérait en Illyrie, en Épire, en Thessalie. La Thrace était conquise. Les incidents diplomatiques et militaires se poursuivaient avec Athènes, d’autant plus aisément que celle-ci avait des intérêts partout. Des colons athéniens malmenés se vengeaient en ravageant les côtes de Thrace, Philippe s’en plaignait à Athènes, mais capturait aussi des convois maritimes, à elle destinés. Visant loin, il projetait d’attaquer l’Empire perse : Démosthène songeait, lui, à une alliance avec la Perse. Enfin Athènes s’allia à Thèbes, ce qui aboutit à la défaite commune de Chéronée (338). Philippe ménagea la puissance athénienne. Au congrès panhellénique de Corinthe (338), il organisa les cités grecques en une ligue permanente, dont il se fit désigner comme le chef civil et militaire.

Ses ambitions à l’égard de la Perse se concrétisaient : l’avant-garde de son armée passait en Asie quand il mourut assassiné par un garde, Pausanias. Le mobile du meurtre, en réalité mystérieux, a été attribué traditionnellement à la jalousie d’Olympias (v. 375 - Pydna 316), son épouse et la mère d’Alexandre* le Grand. Ce dernier devait porter à son sommet la gloire de la monarchie macédonienne, en poursuivant l’œuvre de son père.

R. H.

➙ Alexandre le Grand / Grèce.

 P. Cloché, Un Fondateur d’empire : Philippe II, roi de Macédoine (Dumas, Saint-Étienne, 1955) ; Histoire de la Macédoine jusqu’à l’avènement d’Alexandre le Grand (Payot, 1960).

Philippe II Auguste

(Paris 1165 - Mantes 1223), roi de France (de 1180 à 1223).


Fils unique de Louis VII et de sa troisième femme, Adèle de Champagne, il reçut une instruction sommaire : il apprit à lire et à écrire en français, mais il ne sut jamais le latin. Le temps d’étudier lui manquait : son père, frappé d’hémiplégie, l’avait fait sacrer à Reims le 1er novembre 1179, à quatorze ans. Tandis que ce père resta toute sa vie « le Jeune », Philippe mérita vite d’être qualifié de prudens et sapiens, avant d’être surnommé le Conquérant et enfin Auguste : peut-être parce qu’il était né en août, mais surtout parce que, comme l’écrivit un moine contemporain, Rigord, il augmentait (augebat) le domaine royal ; ce surnom ne s’imposa qu’au xvie s.


Les débuts du règne

Ce tout jeune homme se débarrassa aussitôt de la tutelle de sa mère et de ses quatre oncles champenois. Il épousa la nièce du comte de Flandre, Isabelle de Hainaut, le 28 avril 1180, et, comme un des oncles était archevêque de Reims, les deux époux se firent couronner hâtivement à Saint-Denis. La reine mère demanda protection à Henri II* Plantagenêt, mais celui-ci préféra la paix (Gisors, 28 juin 1180). Cette neutralité inattendue permit à Philippe d’affronter une coalition qui réunissait le comte de Flandre, le comte de Hainaut, le comte de Blois et de Chartres, le duc de Bourgogne, inquiets de ces premiers succès. Après cinq ans de guerre intermittente (1181-1185), les barons se résignèrent à reconnaître à Philippe Auguste la possession de l’Artois, du Vermandois et de la ville d’Amiens au traité de Boves en juillet 1185, et celle de Châtillon-sur-Seine, enlevé en 1186 au duc de Bourgogne.