Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Pessoa (Fernando António Nogueira) (suite)

À treize ans, Fernando Pessoa commence à écrire des poésies en anglais et continuera longtemps à composer dans cette langue, concurremment avec le portugais. On connaît aussi des vers de lui en français. Après avoir débuté dans la critique littéraire en 1912, il publie, deux ans plus tard, un de ses premiers poèmes en portugais, « Paludes », d’où naîtra l’éphémère mouvement du « paulisme », forme intellectualisée du « saudosisme ». C’est au cours de cette même année 1914 que se révèlent à lui ses trois principaux hétéronymes, projections extérieures à lui-même différentes de lui-même.

Alberto Caeiro est le premier et le préféré. Homme simple, antimétaphysique, soumis à ses sensations, il se refuse à interpréter le réel :
« J’ai compris que les choses sont réelles et toutes différentes les unes des autres.
« J’ai compris cela par mes yeux, jamais par la pensée. »
Son écriture est simple, naturelle, et fait presque penser à la prose.

Ricardo Reis, latiniste teinté de grec et païen, se dit le disciple de Caeiro. Il aime la nature autant que son maître, mais il ne connaît pas la joie. Le silence des dieux et l’image anticipée de la mort l’affectent. Horace est son modèle, et son style est recherché, encombré de latinismes.

Álvaro de Campos est également un disciple de Caeiro. Ingénieur, il est nerveux, émotif et le moins intellectuel des trois. Blasé d’abord, puis chantre ardent de la cruelle trépidation des grandes cités, il finit par sombrer dans l’ennui. Auteur en prose également, il propose que les poètes se dédoublent en plusieurs personnalités, « chacune reflétant la moyenne des courants sociaux du moment ».

Lorsque Pessoa écrit pour son propre compte, il se distingue par son refus du sentimentalisme. Il vit des situations imaginaires, et ses émotions ne sont que des vibrations de l’intelligence. Il est fidèle aux symboles consacrés, et sa préférence va au vers court, à la sobriété, au rythme musical. Message (Mensagem), malgré son messianisme, ne le voit pas renoncer à sa froide lucidité :
« Sans la folie l’homme est-il autre chose
« Qu’une bête en bonne santé
« Cadavre de demain qui se multiplie. »

Sollicité par des forces divergentes, capable de les écouter et de les faire parler selon leur langage, Fernando Pessoa n’est vraiment lui-même que dans la totalité de ses individualités projetées, dans la diversité et dans la richesse dialectique de ses oppositions, dans l’impuissance à conjurer les forces irrationnelles de son univers.

R. C.

 J. G. Simões, Vida e obra de Fernando Pessoa (Lisbonne, 1950 ; 2 vol.). / A. Guibert, Fernando Pessoa (Seghers, 1960).

peste

Maladie infectieuse grave atteignant les animaux et l’Homme.



Introduction

La peste est une épizootie qui atteint de nombreux Rongeurs domestiques ou sauvages, dont le Rat. Elle peut être transmise à l’Homme par certaines Puces*. Son agent est le bacille de Yersin (Pasteurella pestis). Son traitement repose sur les antibiotiques. Sa déclaration est obligatoire aux services d’hygiène nationaux et internationaux.

Responsable de graves épidémies au Moyen Âge et jusque dans les temps modernes, la maladie a régressé, mais ne disparaît pas. La peste humaine est moins fréquente en Afrique, en Asie, mais la peste animale est stable en Iran, en Amérique du Nord, s’étend en Amérique du Sud et réapparaît dans certains foyers (Java, Brésil).

L’agent vecteur de la peste est la Puce, qui se contamine en piquant un animal à la phase septicémique. La Puce a un hôte spécifique (Rat, Chien, Homme, etc.) : la Puce humaine assure la transmission inter-humaine ; la puce du Rat assure rarement le passage du Rat à l’Homme (permettant le passage de l’épizootie à l’épidémie).

De nombreux Rongeurs peuvent héberger le bacille pesteux (qui peut également persister dans la terre), et les Rongeurs résistants constituent un réservoir de la maladie.

L’épidémiologie varie selon les régions : en Afrique, après contamination accidentelle de l’Homme à partir de Rats, l’épidémie s’étend grâce à la Puce humaine. Il s’agit de peste bubonique. Mais la survenue de complications pulmonaires, à l’origine de transmissions aériennes, entraîne l’apparition de pestes pulmonaires.


Diverses manifestations de la peste


La peste bubonique

Elle succède à une piqûre de Puce infectée. Le début est brutal après deux à six jours d’incubation, avec fièvre à 40 °C, syndrome toxi-infectieux et bubon (ganglion habituellement inguinal, d’abord mobile, puis fixe, très douloureux). À ce stade, les antibiotiques enrayent l’évolution. En l’absence de traitement, la mort survient dans 30 à 80 p. 100 des cas par complications et septicémie.


La peste pulmonaire primitive

Elle est liée à la localisation du germe au poumon (inhalation de bacilles). Son évolution était toujours fatale avant les antibiotiques. Elle demeure grave.


La peste septicémique

Parfois foudroyante, elle est, en règle générale, le stade terminal d’une peste bubonique.

Le diagnostic est souvent difficile dans les cas sporadiques.

Il repose sur la recherche du bacille de Yersin dans le bubon, les crachats ou le sang par examen microscopique et par culture. Le germe possède un pouvoir pathogène pour la Souris et le Cobaye. L’inoculation à l’animal permet l’isolement du germe à partir des cadavres pesteux.


Traitement

La streptomycine (1 g par jour), le chloramphénicol (3 g par jour) ou les sulfamides (10 g) sont les antibiotiques actifs dans la peste. Ils sont prescrits durant une dizaine de jours. La prévention chez les sujets au contact peut être assurée par les sulfamides (2 g par jour).


Prophylaxie

Elle repose sur l’isolement des pesteux dans un local désinsectisé et dératisé, sur la lutte contre les Insectes vecteurs (D. D. T.) et les Rongeurs, sur la vaccination par des vaccins tués ou, mieux, par des vaccins vivants atténués, qui protègent plus longtemps.

P. V.

 R. Pollitzer, la Peste (O. M. S., Genève, 1954). / R. Wyniger, Appendix to Pests of Crops in Warms Climates and Their Control (Bâle, 1968). / J. Jansen, la Peste aviaire, la peste du Canard (Expansion scientifique fr., 1971).