Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Pays-Bas (royaume des) (suite)

Dans l’Ouest et le Nord, la limite entre la terre et la mer est alors encore très incertaine et variera à plusieurs reprises jusqu’aux temps historiques, au gré des régressions et des transgressions marines ; lorsque le niveau marin est bas, comme à l’époque romaine, des marais et des tourbières se développent derrière le cordon dunaire, hors de portée de l’inondation ; quand il s’élève, la mer établit des brèches et envahit ces basses terres, y déposant une pellicule de sédiments argileux ; la création du Zuiderzee (xiiie s.) est ainsi une conséquence lointaine de la transgression dunkerquienne, du début du Moyen Âge. Le sous-sol de la Hollande comporte une superposition de couches fines de tourbe (qui a été partiellement extraite) et d’argile, celle-ci affleurant aujourd’hui sur la plus grande partie de la surface. L’opposition entre les moitiés nord-ouest et sud-est des Pays-Bas ne se limite donc pas à un contraste d’altitude : la première, à l’exception du revers des dunes (cordons littoraux anciens), comprend essentiellement des terres argileuses, lourdes et humides, très propices aux prairies ; la seconde, en dehors des argiles fluviatiles, des hautes tourbières et des affleurements de la moraine de fond, présente surtout des sols sableux, faciles à travailler, mais dont la fertilité est toute relative (sauf dans le Limbourg lœssique). Ils furent pourtant les plus attrayants jusqu’au Moyen Âge, pour des sociétés agraires fondées sur la céréaliculture et ne disposant pas des moyens techniques nécessaires pour drainer les terres basses et les protéger contre les eaux. Les premiers établissements humains des régions littorales s’implantèrent sur le revers des dunes, naturellement à l’abri de l’inondation, et sur des tertres artificiels, les « terpen », nombreux en Frise, en Groningue et en Zélande ; mais seule la construction de digues permettra la mise en valeur de ces terres et la conquête sur la mer et les lacs intérieurs de nouveaux espaces agricoles.

L’histoire de l’endiguement et de la poldérisation est marquée de succès et d’échecs, la maîtrise des eaux s’améliorant au fil des progrès techniques, dont le moulin à vent, la machine à vapeur et l’électricité jalonnent les principales étapes. Au Moyen Âge, les polders restent de faible dimension, patiemment conquis sur les vasières littorales ou les petits marais intérieurs : on les reconnaît aujourd’hui à la forte densité et au tracé irrégulier de leurs canaux. Parfois, une catastrophe vient anéantir le travail de plusieurs générations : les xive et xve s. en connaissent plusieurs, dont celle qui crée le Biesbosch et fait de Dordrecht une île. La grande époque de la poldérisation (avant le xixe s.) va de 1540 à 1715 environ : 180 000 ha sont alors asséchés, dont près de la moitié pour la seule période 1590-1640 ; de véritables consortiums capitalistes, animés par les marchands d’Amsterdam enrichis dans le commerce, s’attaquent aux vastes lacs de Hollande-Septentrionale : Beemster (1608), Purmer, Heerhugowaard, Schermer ; la première phase consiste à enclore le lac d’une digue, puis on en pompe l’eau à l’aide de batteries de moulins à vent ; malgré de nombreuses déconvenues, la tâche finit par être menée à bien. Mais le placement se révèle moins intéressant qu’on ne l’avait escompté et, après 1640, la poldérisation marque un net ralentissement ; elle reprendra au xixe s. avec en particulier l’assèchement de la « mer de Haarlem » (18 500 ha), entrepris autant pour protéger les villes voisines que pour conquérir de nouvelles terres, mais cette fois avec l’aide des pompes à vapeur.

On connaît enfin les efforts plus vastes encore que mènent les Pays-Bas d’aujourd’hui, et notamment l’assèchement de plus de 200 000 ha dans l’ancien Zuiderzee. La consolidation du cordon littoral, la fermeture du Zuiderzee, le plan Delta, la régularisation des fleuves, les projets relatifs à la mer des Wadden (Waddenzee) témoignent d’un souci constant d’amélioration de la protection contre les eaux, et l’on espère qu’une catastrophe comme celle de 1953 ne pourra plus se reproduire.

L’absence d’obstacles de relief permet aux influences océaniques de s’étendre sur tout le territoire néerlandais ; la position en latitude du pays (51-53° N) lui donne un climat tempéré assez frais et le place sur la trajectoire de la plupart des perturbations venues de l’Atlantique ; en été comme en hiver, les Pays-Bas connaissent rarement un temps anticyclonique (un jour sur six environ, en moyenne), la situation la plus fréquente (plus d’un jour sur deux) étant celle d’une circulation atmosphérique de composante ouest avec des vents violents, des variations rapides du temps, une forte nébulosité, des précipitations fréquentes sinon abondantes et une certaine modération des contrastes thermiques. Il pleut en toute saison, le volume des précipitations dépassant celui de l’évaporation en hiver, ce qui oblige à évacuer artificiellement l’excès d’eau des polders. Malgré la petitesse du territoire, des nuances régionales apparaissent, surtout dans les températures : à une opposition nord-sud s’ajoutent des contrastes ouest-est, la proximité de la mer adoucissant nettement les hivers (peu de jours de gel) et rafraîchissant légèrement les étés.

J.-C. B.


L’histoire du royaume des Pays-Bas depuis 1815


Le royaume belgo-hollandais (1815-1830)

Guillaume Ier d’Orange (v. Orange-Nassau), roi — de 1815 à 1840 — des Pays-Bas constitués par l’union des anciens Pays-Bas* autrichiens (v. aussi Belgique) et des anciennes Provinces-Unies*, s’efforce d’établir un équilibre à la fois politique, culturel et économique entre Belges (francophones ou néerlandophones) et Hollandais. Il accorde à ses sujets une constitution en cherchant à équilibrer les intérêts des uns et des autres : ainsi, le nombre des députés est égal pour le nord et le sud.

D’autre part, le roi et son gouvernement donnent un réel essor économique au pays. Guillaume Ier patronne de nombreux travaux d’assèchements (mer de Haarlem), améliore les communications par voie d’eau (canal maritime de Gand) et favorise les voies ferrées. Cet essor s’inscrit dans une politique assez archaïque de protectionnisme — celle-là même de son principal ministre Gijsbert Karel Van Hogendorp (1762-1834) — et trouve son moteur principal dans un retour décidé au colonialisme de profit, le commerce asiatique étant déclaré libre pour tous les sujets du royaume. La fondation de la Compagnie générale (1822) et de la Compagnie de commerce néerlandaise (1824) accélère l’exploitation de l’Indonésie, exploitation freinée, de 1825 à 1830, par la grande révolte de Dipanegara (v. 1785-1855). Cependant, Batavia est redoutablement concurrencée, dans l’Asie du Sud-Est, par Singapour.