Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Pays-Bas (suite)

Quant aux villes hollandaises, elles se spécialisent alors dans les industries alimentaires, dont elles commercialisent les produits : bière de Delft et de Gouda réexportée principalement en Angleterre ; poisson surtout. L’industrie de la pêche est la seconde activité économique des Pays-Bas après la draperie ; son essor s’est affirmé depuis que le comte Floris V a obtenu du roi Édouard Ier le droit de pêche pour ses marins sur les côtes anglaises. Enkhuizen et Hoorn, auxquelles viennent se joindre de nombreuses villes zélandaises, sont les principaux centres de cette industrie, qui, depuis l’invention de la mise en caque du hareng à la fin du xive s., stimule le commerce du sel que les marins hollandais vont quérir dans la baie de Bourgneuf, sinon même dans celle de Setúbal et dont ils réexpédient les excédents en Angleterre et dans les pays de la Baltique, fournisseurs de bois, de poix, de fourrures, de chanvre, de grains, de fer suédois, etc. Enfin se trouvent soulignées la vocation commerciale des Pays-Bas et l’importance par contrecoup de l’implantation sur leur territoire de la Hanse* teutonique, dès les xiie et xiiie s., puis de celle des Merchant Adventurers anglais au xve s. Comptant de nombreuses villes néerlandaises parmi ses membres, telles Nimègue, Arnhem, Groningue, la Hanse établit même l’un de ses quatre comptoirs à Bruges*, contribuant ainsi au rayonnement international de cette ville jusqu’au moment où cette dernière est relayée comme principal emporium de l’Europe du Nord-Ouest par Anvers, en rivalité avec Amsterdam dès le xve s.


L’évolution politique : de la dispersion à l’unité

Les villes des Pays-Bas arrachent aux seigneurs des keuren (chartes) qui leur permettent de confier le soin de leur administration à un conseil (vroedschap), à un échevinage et à un bourgmestre, qui se recrutent au sein de l’aristocratie bourgeoise que forme le patriciat urbain ; elles assurent elles-mêmes leur défense en constituant des compagnies d’archers ou d’arbalétriers (doelen), de recrutement uniquement bourgeois. Elles ne parviennent pourtant pas, à l’encontre de leurs sœurs italiennes, à asseoir leur indépendance politique sur leur puissance économique. Tout au plus peuvent-elles prétendre à bénéficier d’une large autonomie municipale.

L’une des premières raisons de ce relatif échec est sans doute l’intensité des conflits sociaux qui opposent en Flandre les travailleurs du textile au patriciat urbain, contraignant ce dernier à chercher appui auprès de leur souverain seigneur le roi de France, dont la proche puissance lui permet de briser les milices communales révoltées à Mons-en-Pévèle le 18 août 1304, à Cassel le 23 août 1328 et finalement à Rozebeke le 27 novembre 1382. Remportée au détriment de Filips Van Artevelde, le fils du tribun gantois Jacob Van Artevelde, qui n’avait pas hésité, pour soutenir la révolte des villes flamandes, à reconnaître Édouard III d’Angleterre en tant que roi de France en 1338, cette victoire de Rozebeke consacre le recul du mouvement d’émancipation urbaine dans la principauté où il a été le plus puissant : la Flandre.

Autre raison de cet échec : le fait que les princes territoriaux, plus qu’en Italie, ont réussi à conserver dans leurs mains l’essentiel des pouvoirs régaliens usurpés au temps de la décadence carolingienne.

Renforçant l’autorité de leur conseil, collaborant en Hainaut avec le « parlement », acceptant en Brabant la « Joyeuse entrée » imposée en 1356 au nouveau duc Venceslas de Luxembourg, ces princes territoriaux ont eu en outre l’habileté de nouer des liens politiques et dynastiques qui ont permis de regrouper sous une même autorité plusieurs principautés voisines tout en leur procurant de puissants alliés extérieurs. Ainsi la famille des Avesnes regroupe-t-elle au xive s. les trois comtés de Hainaut, de Hollande et de Zélande, tout en se procurant de précieux alliés : les Plantagenêts d’Angleterre et les Wittelsbach d’Allemagne, qui héritent des deux premières principautés dès 1345. Ainsi, le duc de Brabant et de Limbourg Jean III (1312-1355) donne sa fille à Venceslas de Luxembourg, qui lui succède avec l’appui de la France peu avant que le comte de Flandre Louis de Mâle (1346-1384) ne donne sa fille Marguerite au duc de Bourgogne, Philippe le Hardi (1384-1404), dont les descendants unissent finalement les Pays-Bas sous leur seule autorité personnelle. Augmentée en effet des autres biens de Louis de Mâle (Artois, comtés de Nevers, de Rethel, de Bourgogne [Franche-Comté], « terre de Champagne », seigneuries de Salins, de Malines et d’Anvers), la Flandre n’est que la première des principautés territoriales des Pays-Bas à être ainsi incorporée aux États bourguignons. Par achats, par mariages, par héritages, les successeurs de Philippe le Hardi, Jean sans Peur (1404-1419) et surtout Philippe le Bon (1419-1467) et Charles le Téméraire (1467-1477), deviennent tour à tour comtes de Hollande, de Zélande et de Hainaut (traité de Delft, 1428), comtes de Namur en 1421, ducs de Brabant et de Limbourg en 1430, seigneurs de la Picardie (traité d’Arras, 1435) et ducs de Luxembourg en 1441. De plus, par parents interposés, ils contrôlent les évêchés de Cambrai, d’Utrecht et de Liège, où Philippe le Bon établit respectivement ses fils naturels Jean et David ainsi que son neveu Louis de Bourbon. C’est ce dernier que défend Charles le Téméraire lorsqu’il brise la révolte de Liège en 1468 avant d’annexer temporairement la Gueldre (1472-1492), érigée en duché depuis 1339.

Tout en parachevant l’unification territoriale des Pays-Bas, les Valois de Bourgogne entreprennent d’en centraliser l’administration dans le respect des traditions et des privilèges, respect qui se manifeste par la reconnaissance de l’existence des états provinciaux, qui se sont réunis spontanément au xve s., et par la convocation à plusieurs reprises à partir de 1463 des états généraux des pays de « par-deçà ». Au sommet, le Grand Conseil ducal, composé surtout de Bourguignons et présidé par le chancelier Nicolas Rolin de 1422 à 1462, donne naissance sous Charles le Téméraire à deux organismes nouveaux : le Conseil privé, qui contrôle l’administration et les finances, et le parlement de Malines, organe judiciaire qui se substitue au parlement de Paris en tant que cour d’appel. Trois chambres des comptes à Lille, à Bruxelles et à La Haye, temporairement unifiées en un organisme central par Charles le Téméraire, une chambre du conseil instituée à Maastricht pour unifier les pays mosans, un Trésor alimenté par l’impôt et une armée permanente créée en 1471 parachèvent l’unification institutionnelle des Pays-Bas, unification à laquelle s’opposent les vieilles villes des Flandres, qui se révoltent à plusieurs reprises, mais en vain : Bruges en 1437-38 ; Gand en 1451-1453 ; Dinant, que Charles le Téméraire détruit en 1466, et Liège, qu’il prend et châtie durement en 1468.