Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

papauté (suite)

Le pape, en cette qualité, jouit d’une double prérogative : la primauté et l’infaillibilité. C’est l’enseignement dogmatique du premier concile du Vatican (1869-70) qui a donné à ces privilèges sa forme la plus précise ; d’après cet enseignement, le pouvoir du pape est à concevoir comme une primauté suprême de juridiction et comme un magistère suprême. La primauté de juridiction signifie un pouvoir épiscopal véritable et direct sur l’ensemble de l’Église et donc un pouvoir législatif suprême, un droit de regard suprême et l’autorité judiciaire la plus haute.

En tant que docteur suprême, le pape possède le privilège d’être, par grâce, préservé de l’erreur en matière de foi, tel que le Christ l’a promis à son Église : c’est l’infaillibilité, dont l’objet comprend toutes les vérités révélées par Dieu, dans le Christ, à son Église, mais également tout ce qui est nécessaire pour mettre cette vérité révélée à l’abri de toute altération et de toute déformation. Cependant, comme la foi de l’Église a son histoire, il est certain que même les formules définies et vraies ne sont pas des formules définitives et complètes qui embrasseraient tout ; d’ailleurs, le pape n’est jamais infaillible dans son comportement personnel ni dans ses opinions privées.

L’infaillibilité appartient au pape seul quand, en tant que docteur suprême de l’Église, il prend ex cathedra une décision doctrinale qui oblige au nom de la foi d’une manière universelle et définitive. L’infaillibilité appartient aussi au concile œcuménique avec le pape, et à l’ensemble de l’épiscopat, quand, sous l’autorité du pape, il propose à l’unanimité une doctrine comme révélée par Dieu pour l’Église.

Il pourrait se faire, dans l’avenir, qu’on distingue de nouveau plus clairement le rôle du pape en tant que patriarche latin de l’Occident et son rôle en tant que primat de l’Église universelle. Le second concile du Vatican (1962-1965) a d’autre part commencé à dégager la signification propre et autonome du pouvoir épiscopal de droit divin, que le pape ne peut annuler.

P. P.

 L. von Pastor, Geschichte der Päpste (Fribourg-en-Brisgau, 1886-1933, 20 vol. ; trad. fr. Histoire des papes, Libr. d’Argences, 1888-1962, 22 vol. parus). / P. Batiffol, Cathedra Petri (Éd. du Cerf, 1938). / H. Marc-Bonnet, la Papauté contemporaine, 1878-1950 (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1946 ; 3e éd., 1971). / W. d’Ormesson, la Papauté (Fayard, 1957). / P. de Luz, Histoire des papes (A. Michel, 1960 ; 2 vol.). / C. Pichon, les Papes (Hachette, 1965). / G. Castella, Histoire des papes (Stanffacher, 1966 ; 3 vol.). / G. Barraclough, The Medieval Papacy (Londres, 1968 ; trad. fr. la Papauté au Moyen Âge, Flammarion, 1970). / M. Dupront, la Papauté et l’Église catholique (C. D. U., 1968). / M. Pacaut, Histoire de la papauté (Fayard, 1976).


Désignation du pape

Les documents de l’Antiquité chrétienne ne présentent aucune prescription concernant la désignation des premiers papes. Assez vite, l’évêque de Rome est élu par le clergé romain, par le peuple et par les évêques de la province, ceux-ci ratifiant le choix des premiers. L’audience universelle du pape, les dissensions opposant nobles et plébéiens romains, les empiétements du pouvoir civil jusqu’aux Carolingiens, puis de nouveau à l’âge d’or de la féodalité italienne (le xe siècle, le « siècle noir ») et sous les premiers Césars allemands (xe s.) amènent peu à peu les papes à restreindre le corps électoral en éliminant notamment tout élément laïque, mais aussi le clergé inférieur.

Hildebrand, le futur Grégoire VII* († 1085), joue, en ce domaine, un rôle décisif. C’est probablement sous son influence que Nicolas II (1059-1061), par la bulle In nomme Domini, déclare que l’élection du pape appartiendra désormais aux cardinaux-évêques. Alexandre III*, par la constitution Licet de vitanda, promulguée au cours du IIIe concile du Latran (1179), statue que tous les cardinaux* (évêques, prêtres, diacres) auront désormais le droit de suffrage dans les élections papales, mais que, pour la validité de l’élection, il faudra que les deux tiers des voix se réunissent sur le même nom. Ces mesures ne suffiront pas à empêcher les abus, les compétitions des parties et les longues vacances du Saint-Siège.

C’est ainsi que, dix-huit mois après la mort de Clément IV († 29 nov. 1268), aucun successeur ne lui a été encore donné, le Sacré Collège, réuni à Viterbe, étant divisé sur le choix d’un candidat. Si bien que le podestat de Viterbe met les cardinaux au pain et à l’eau. Grégoire X, enfin élu (1271), veut prévenir le retour de pareils retards : lors du IIe concile de Lyon, il promulgue la bulle Ubi periculum (1274), qui formule les règles des futurs conclaves (cum clave : sous clef), règles strictes qui obligent physiquement les cardinaux à hâter l’élection d’un pontife.

Mais Adrien V suspend en 1276 l’application de cette bulle sans avoir le temps d’en publier une autre ; si bien que les longues vacances du siège apostolique recommencent. Rétabli par Célestin V en 1294, le conclave entre décidément dans les mœurs. En 1622, Grégoire XV (bulle Decet romanum pontificem) promulgue un minutieux cérémonial qui sera en usage jusqu’à nos jours. Un abus subsistera longtemps : le droit d’exclusive, droit non écrit, par lequel un souverain s’oppose à l’élection d’un candidat considéré par lui comme non grata. En fait, l’usage réservera ce privilège aux trois grandes puissances catholiques : la France, l’Espagne et l’Autriche au xixe s. C’est le plus souvent l’Autriche qui cherchera à en user. La plus célèbre de ces interventions se situe au 2e jour (2 août) du conclave de 1903, quand le cardinal Mariano Rampolla del Tindaro (1843-1913), le candidat le mieux placé pour succéder à Léon* XIII, est, dans la pratique, victime de l’exclusive de l’empereur François-Joseph Ier, signifiée par l’archevêque de Cracovie ; c’est le cardinal Giuseppe Sarto (Pie* X) qui est élu le 4 août. L’exclusive disparaîtra lors des conclaves suivants.